Voix d'Afrique N°89...
Témoignage

MAIS QUE FAITES-VOUS DONC EN ÉTHIOPIE



« Un homme n’est jamais vieux jusqu’à ce que ses rêves cè-dent la place aux regrets », écrivait un membre du Conseil Général dans sa lettre aux confrères âgés. Depuis longtemps, j’ai rêvé de visiter l’Éthiopie. Bien avant l’avènement du christianisme dans la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest, le roi Ezana et son empire étaient déjà convertis par des moines syriens. Cet empire a survécu, contre vents et marées, comme une communauté chrétienne à travers des siècles d’empiètement parfois violent du monde extérieur. C’est aussi le seul pays africain qui a su résister aux tentatives d’asservissement des puissances coloniales. « C’est vraisemblablement un endroit à explorer en tant que Missionnaire d’Afrique », me disais-je.

D’ailleurs, l’un de mes oncles, missionnaire vincentien, est mort au Tigré en 1932. Après avoir lu son histoire, je me demandais : « Bon sang, mais que faisaient ces missionnaires catholiques dans un pays profondément chrétien comme l’Éthiopie ?

Convertir les Éthiopiens ? Si c’est oui, alors quelle conversion ? » Cependant, des années se sont écoulées et mon rêve de jeune homme s’est graduellement transformé en un doux regret. Contre toute attente, on me proposa un jour d’aller prêcher une retraite à nos candidats éthiopiens. Pour moi, ce rêve devenait réalité.

Les 7 candidats avec le superieur général et les 2 formateurs : Cor de Visser et John amona

L’Éthiopie est un grand pays – environ 80 millions d’habitants. Addis-Abeba, entourée de hautes collines, connaît un climat plutôt doux. On y trouve des avenues assez larges et des bâtiments à plusieurs étages. Les bidonvilles sont moins farouches qu’à Nairobi et, apparemment, le taux de criminalité est bas. Beaucoup d’hommes et de femmes déambulent dans leurs toges et costumes traditionnels blancs. Des fidèles prient tranquillement dans des églises orthodoxes par-ci, déambulent dans de grands marchés bien animés, par-là. Tout cela est impressionnant, mais la vie est dure à la fois pour les gens et pour les animaux. Partout, des troupeaux de vaches beuglent dans la poussière, en quête de pâturage ; des cultivateurs labourent la terre ou sarclent leurs champs. Les femmes, pour puiser de l’eau aux fontaines communales, doivent chaque fois s’incliner avec leurs vases ou pots sur la tête.

La vie est dure à la fois pour les gens et pour les animauxJ’étais à l’aise dans nos deux communautés d’Adigrat et de Wukro. La journée commence toujours par la prière en rite éthiopien. J’ai trottiné à la campagne, causé avec des pionniers comme les Pères Jose Bandres, Kevin O’Mahoney et Dietmar Lenfers. Ils m’ont partagé leur expérience et expliqué la dévotion populaire répandue sur place. Les gens caressent les images religieuses, embrassent les portes et seuils des églises. De prime abord, cela m’a semblé étrange en tant que vieux célibataire européen. Mais les amoureux savent que toucher et embrasser sont des manières d’exprimer son amour pour l’autre, et qui peuvent donc tenir lieu d’expression authentique de sa piété, au même titre que s’agenouiller ou s’incliner pour exprimer sa foi devant la grandeur de Dieu.

Plus intéressant encore est le rôle ou la place qu’occupe la communauté dans la conception de l’Église éthiopienne par rapport à l’organisation trop cléricale de l’Église romaine. En Éthiopie, les gens construisent une église là où ils en ont besoin, et l’évêque leur fournit des prêtres et/ou des diacres – cinq au moins - pour la liturgie. Ils sont tous mariés et exercent un emploi, possèdent une ferme, ou gagnent leur vie autrement. La formation est assurée soit par des prêtres chevronnés, soit par des Instituts mandatés par les Églises. Les familles choisissent alors un prêtre et lui confient la charge d’administrer les sacrements, de visiter les foyers, de partager les joies et les peines, de résoudre les conflits.

En Occident, c’est plutôt la chute des effectifs du clergé qui détermine la taille d’une paroisse. Un nombre réduit de prêtres s’occupe de grandes paroisses en accordant peu d’importance aux communautés chrétiennes de base. L’un de nos confrères en Éthiopie pense d’ailleurs que notre Église s’obstine dans son refus d’apprendre du modèle des Églises orientales. Bien au contraire, elle impose ses propres lois. Apparemment, la modeste communauté catholique éthiopienne (1% de la population) est déçue par l’attitude de Rome de ne pas ordonner des hommes mariés alors que, sur papier, cet ancien rite est bien reconnu.

Alors, que faisons-nous
en Éthiopie ?

Cette petite communauté catholique éthiopienne a grandi grâce à un effort missionnaire quelque peu désorienté mais généreux. Elle offre aujourd’hui des services non négligeables à travers ses excellentes écoles et hôpitaux, sa prise en charge des aveugles et l’éducation des enfants de la rue. Le diocèse d’Adigrat a même construit des routes et érigé un énorme barrage dans une zone aride. L’évolu-tion du dialogue et la coopération avec l’Église orthodoxe éthiopienne ont fait que cette Église-Mère devienne de plus en plus consciente de l’aspect social de l’Évangile. Les relations se sont nettement améliorées. L’évêque catholique d’Adigrat n’exécute jamais d’importantes initiatives pastorales sans consulter, au préalable, son homologue orthodoxe.

Centre pour tous les jeunesEddy Ndahinda responsable du centreLe dialogue et le service social sont, là aussi, des domaines dont s’occupent nos confrères. Eddy Ndahinda est responsable d’un centre de jeunes. Ce n’est pas seulement une cour de jeu pour les enfants, et Dieu sait quelle bénédiction cela aurait été: il y a aussi de petits projets destinés à promouvoir l’autosuffisance chez les gens. Le staff ainsi que les salles de classe sont disponibles pour la formation. Avec une petite bourse, on a déjà envoyé seize jeunes femmes à l’université ; neuf autres les rejoindront bientôt. Jean-Pierre Roth et ses deux assistants orthodoxes s’occupent d’un autre Centre pour 44 garçons et 13 filles : ils sont tous enfants de la rue et orphelins. Le Centre assiste, en outre, 46 externes.

Un “projet”
de vocation alléchant

Ordination d’un Missionnaire d’Afrique à AdigratNous avons sollicité l’aide de cette vieille communauté chrétienne dans notre travail missionnaire. À Adigrat, les Pères Gerry Murphy et Jean-Pierre Roth accompagnent cinq candidats en philosophie au grand séminaire diocésain. A Wukro, les Pères Sabu Puthenpurackal et Bonaventure Mashata s’occupent de la formation de nos sept aspirants. En août 2008, les deux premiers Missionnaires d’Afrique éthiopiens ont été ordonnés prêtres. Trois autres étudient la théologie, et il y en a un en stage. Effectivement, c’est un « projet » de vocation alléchant qui contribue à rendre la vénérable Église éthiopienne un peu plus missionnaire et plus épanouissante.

Alors, bienvenue en Éthiopie, juste pour une visite, ou pour y travailler !

Piet Kramer
M.Afr.

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* Section E-PO (Ethiopie Proche-Orient :Assemblée Post-Capitulaire au Pays des 13 mois de soleil!

* 29-06-2008 : Ordination sacerdotale de Yoseph Giday M.Afr., Adigrat Ethiopie
* 20 Juillet 2008 : Ordination sacerdotale de Belete Fanta M.Afr. en Ethiopie
2005 Bénédiction de la maison


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