Voix d'Afrique N°80.....

 On les appelle “enfants soldats” 

Cérémonie de démobilisation d’enfants soldats au Soudan
© UNICEF/Mann

« Il n’y a simplement pas d’excuse, pas d’argument acceptable pour armer des enfants ». Mgr Desmond Tutu
Si l’on en croit Amnesty International, il y a, en ce début de troisième millénaire, plus de 300 000 enfants soldats dans le monde. Un tiers (130 000) se trouve en Afrique.
Voix d’Afrique n’a pas les moyens de faire sa propre enquête sur une telle question. Elle prend l’information là où elle se trouve aujourd’hui, sur le Net. Mais elle voudrait, par ce texte retravaillé, attirer l’attention de ses lecteurs sur ce problème si douloureux pour ce continent si éprouvé.


Il y a, chez tous ceux qui recrutent des enfants, un très grand cynisme : « Les enfants ne coûtent pas cher, sont aisément remplacés, plus facilement persuadés de commettre sans peur des actes criminels et d’obéir aveuglément ».
Les enfants sont en première ligne comme victimes de la guerre. Les chiffres sont terribles. Dans les dix dernières années, deux millions d’entre eux ont été tués dans les conflits, six millions gravement blessés, un million sont devenus orphelins et plus de vingt millions ont été déplacés à travers le monde.

Vous avez dit : « enfant soldat » ?
Beaucoup disent que ce sont des machines à tuer. On les appelle ‘kadogo’ (les petits) en R.D.Congo, ‘craps ‘ au Rwanda. Un « enfant soldat » est une personne de moins de dix-huit ans qui fait partie d’une force ou d’un groupe armé, régulier ou irrégulier. Les enfants portent les armes, ou bien ils sont cuisiniers, porteurs, messagers. Beaucoup sont enrôlés de force, d’autres s’engagent volontairement.
Ces soldats en culotte courte, démobilisés ou non, sont présents encore en Algérie, Angola, Burundi, Djibouti, Liberia, Rwanda, Sierra Leone, Somalie, Soudan et Ouganda.

Pourquoi s’engagent-ils ?
Les armées savent manœuvrer efficacement pour recruter les enfants. La plupart du temps, on les kidnappe dans les écoles, les stades, les églises ou dans les rues. L’âge importe peu. Certains n’ont que 7 ans.

Adolescents de R.D.Congo, en attente de démobilisationParfois, les enfants eux-mêmes rejoignent volontairement les rangs de l’armée. Que peut faire un orphelin ou un enfant pauvre qui se retrouve dans la rue sans rien à manger ? S‘engager, c’est s’assurer un repas quotidien. Il se laisse aussi convaincre par les promesses qu’on lui fait : chaussures, vêtements, belles armes pour sa sécurité… A-t-il la possibilité de refuser l’enrôlement alors que, à son âge, il est totalement naïf et inconscient du danger qui le menace ? Quand sa famille a été détruite, parfois il veut tout simplement se venger de ce qu’il a subi.

Les enfants passent facilement inaperçus lorsqu’il s’agit de rassembler des renseignements ; ils combattent avec le courage que donne l’inconscience. Pour eux, la guerre est comme un jeu. Ils sont aussi particulièrement obéissants et impressionnables. Quant aux fillettes, elles servent très souvent d’esclaves sexuelles pour « adoucir la tristesse des combattants »...
Enfin, souvent, les enfants combattent sous l’influence de drogues données par les adultes. Certains enfants doivent prendre part aux tortures et aux meurtres des rebelles capturés. Cela rend impossible un libre choix de l’enfant.

Quelle formation reçoivent-ils ?
Une fois dans l’armée, les soldats vont les aguerrir et leur apprendre à tuer, les rendre insensibles à la mort et à la douleur. Et pour cela, on sème en eux la confusion entre le “bien” et le “mal” !

“Margareth”, 15 ans, kidnappée par l’Armée de Résistance du Seigneur en OugandaA la fois bourreaux et victimes, ils vont être les témoins du meurtre d’un membre de leur famille ou d’un copain enrôlé lui aussi dans la même armée que lui. Mais ils vont également être eux-mêmes contraints à commettre des actes criminels. Les drogues et l‘alcool vont les rendre plus violents et plus inconscients. Aussi, ils pourront exercer, entre autres, des missions suicides. Ils seront utilisés également comme main d’œuvre, terroristes, espions ou esclaves sexuels, notamment les fillettes qui sont, de surcroît, exposées aux maladies sexuellement transmissibles et à des grossesses non désirées.

On va leur apprendre le maniement des armes légères. Les trafiquants d’armes ont tout calculé pour qu’un enfant de 10 ans puisse très facilement monter et démonter des Kalachnikov, des AK47 et des carabines M-16, et qu’il puisse s’en servir aisément grâce à leur légèreté, leur petite taille et leur mécanisme automatique. Leur coût étant peu élevé, se procurer de telles armes et en grande quantité est très facile. Selon l’ONU, il circule dans le monde une arme légère pour douze habitants en moyenne, faisant 1300 victimes par jour.
Ces enfants, ces jeunes, tout au long de leur journée vivent l’enfer : courir, calculer les mouvements des adversaires, éviter d’être atteint à cause d’une seconde d’inattention, combattre contre d’autres hommes, garçons ou filles, et si possible les tuer. Dans la guerre, on ne fait pas de cadeau. On ne choisit pas celui qu’on abat.
Quand ils veulent et peuvent raconter, c’est l’horreur : Amputez, tuez, pillez !...
Un jeune qui est resté cinq ans avant de déserter avoue : « Dans l’armée, on fait tout par peur. Je ne voulais pas faire ce que j’ai fait. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par peur. Au Congo, c’était le pire. J’ai vu trop de choses. Je suis très fatigué. »

Comment les sortir de l’horreur ?
Enfants soldats dans l’habit traditionnel de leur groupe Karamajor . © UNICEF/Nesbitt« Accueillir les enfants soldats et leur redonner confiance » Cela est vite dit, mais comment faire ?
Ces jeunes sont souvent réduits à cette étiquette d’enfants soldats, avec tout ce que cela comporte de peur, de méfiance et de réprobation. L’essentiel, c’est d’arriver à regarder chacun d’eux comme une personne en devenir, et ne pas voir seulement le mal qu’ils ont fait.
S’ils ne sont pas des enfants comme les autres, les enfants soldats ne sont pas non plus des enfants perdus. Les législations internationales visant à interdire leur enrôlement existent mais ne sont pas appliquées. Comment pourrait-il en être autrement, dans ces guerres sales, aux marges du monde, qui prennent les civils pour cibles ?
Quel que soit leur nombre, quelle que soit l’ampleur de la tâche, reste une priorité : celle de réinsérer ces jeunes dans un monde qu’ils n’auraient jamais dû quitter.

Enfant soldat en faction pour surveiller une route,  en R.D.Congo, près de Bunia. © UNICEF/LemoyneLes réinsérer, oui, mais comment  ?

En Afrique, les Nations Unies et d’autres organismes soutiennent les programmes DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration). Ces programmes sont extrêmement importants pour reconstruire la paix et pour la stabilité, ainsi que le développement à long terme des sociétés après les conflits.
Désarmer, démobiliser, cela est relativement facile. Il en va tout autrement de leur réintégration dans la vie civile. De plus, la réintégration au sein de la communauté ne suffira pas si les enfants ne peuvent pas aller à l’école ou n’ont pas les moyens d’acquérir des connaissances, d’apprendre un métier ou de gagner leur vie. Ils doivent pouvoir mener une vie indépendante, fonder une famille. Il est évident que cette réintégration prend du temps. Et il faut surtout mobiliser les communautés.


Comment mettre fin à l’utilisation des enfants soldats ?
Nous entrons là dans le domaine des vœux qui restent souvent, malheureusement, pieux. Nous le savons, il y a un long chemin entre les principes, même codifiés, et leur application. Cependant, rappelons, ici, que pour mettre fin au recrutement d’enfants et favoriser la réintégration des enfants soldats en Afrique, les gouvernements et les groupes d’opposition armés doivent :

Cours de vannerie dans un centre de réinsertion. © UNICEF/Pirozzi* mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, et de la Convention n° 182 de l’Organisation internationale du travail.

* faciliter la démobilisation et la réintégration des enfants.

* mettre en œuvre d’autres politiques que le recrutement dans l’armée, notamment en matière d’emploi et d’éducation, et prendre des mesures pour empêcher le nouveau recrutement d’enfants démobilisés, en particulier pour les enfants déplacés. « Nos enfants sont notre avenir. Autoriser leur exploitation dans des conflits armés leur nuit irrémédiablement et limite les perspectives d’avenir de tous. En effet, cette exploitation prive les peuples des futurs dirigeants dont ils ont besoin pour reconstruire leur société après les conflits et dévaste la génération dont la société a besoin pour se réconcilier et trouver la justice à la fin des combats. »

Et nous, que pouvons-nous faire au quotidien ?
Bien sûr, il serait bon de connaître tous ces textes concernant les enfants. Nous pouvons nous tenir au courant de tout ce que font l’Unicef, Amnesty International. Nous pouvons aussi essayer de vivre davantage la Journée des enfants soldats (le 12 février) et celle de l’enfant africain (chaque 16 juin).
Enfin, si nous le pouvons, soutenir les projets d’aide pour les enfants soldats, et nous investir dans la campagne pour la ratification du Traité contre le recours aux enfants soldats.

Voix d’Afrique
d’après des textes sur Internet

Vous pouvez lire...

 

La petite fille à la kalachnikov. Ma vie d’enfant soldat
China Keitetsi

272 p. GRIP. Unicef 17,90    

 

 

 

 


Le chemin parcouru Ismaël Beah

272 p. Presse de la Cité 18,70   

 

 

 


Enfants soldats
Victimes ou criminels de guerre ?
Philippe Chapleau

306 p. Edition du Rocher 2005 19   

 

 

 


Allah n’est pas obligé Ahmadou Kourouma

224 p. Le Seuil 2000 18,80   prix Renaudot 2000
poche 7,50    

 

 

 

 

 

 


J’étais enfant soldat Lucien Badjoko
et Katia Clarens

Edition Plon 2005
(épuisé)


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