Voix d'Afrique N°90.

AUMONIER DES ETUDIANTS


P.William Crombie, Missionnaire d’AfriqueP our parler de mon travail d’aumônier des étudiants à Tabora, en Tanzanie, il me vient en tête l’image du Christ, le Bon Pasteur. Les étudiants seraient-ils comparables à des moutons ? Peut-être, à certains égards : quand un style de cartable est à la mode, tous veulent se le procurer ; une façon de porter la cravate scolaire devient à la mode, et tous la portent de cette façon-là. La pression du groupe est une force convaincante. Cependant, très souvent, les jeunes ressemblent à des moutons sans berger. La jeune génération est confuse : on lui présente tellement de styles de vie différents. J’ai, quant à moi, l’immense privilège de lui proposer le chemin du Christ.

Les jeunes manquent de modèles à suivre. Dans la société tanzanienne, la vieille génération avait coutume de fournir ces modèles. Mais la présentation continuelle, par les médias, de la corruption et de l’égoïsme des hauts dirigeants aux dépens du développement national, une économie sauvagement capitaliste et l’émergence d’un système de classes où les enfants des riches parlent anglais et le reste, swahili, tout cela rend caducs les bons exemples des héros nationaux comme Julius Nyerere.

La nouvelle génération accorde une attention nouvelle  aux conseils évangéliques.”Dans un tel contexte, je me rends compte que la nouvelle génération accorde une attention nouvelle aux conseils évangéliques et à l’enseignement social de l’Église. Après nombre de séminaires parrainés par le gouvernement dans les écoles et collèges sur le thème du SIDA et des rapports sexuels protégés, je découvre qu’il y a un énorme intérêt à explorer d’autres styles de vie. L’enseignement catholique sur l’abstinence et la fidélité tombe comme quelque chose de frais, nouveau et fascinant pour la jeune génération, et les discussions sont toujours animées !

La liturgie dominicale est source de grande joie et d’espérance, exprimées par la musique et la danse. Il arrive même que cette joie pousse un vieux missionnaire guindé comme moi à ‘danser avec énergie devant le Seigneur’ - pas tous les dimanches, rassurez-vous.

Bon nombre d’élèves, dans les écoles secondaires de Tabora, proviennent des zones rurales, presque non encore évangélisées. Le contact avec un environnement urbain moderne pousse certains à s’inscrire pour le baptême. Les discussions sur l’utilité ou la validité des aspects de la religion traditionnelle africaine, - sacrifices, guérisons, envoûtements, etc. - signifient que les questions et réponses du catéchisme sont souvent laissées de côté, et je vagabonde intellectuellement en territoire inconnu – peu sûr des réponses, bien que ce soit fascinant !

Le travail d’aumônerie et l’enseignement de la religion dans les écoles doivent être soupesés (être faits en tenant compte de l’intérêt qu’on doit porter à ceux qui ont une autre croyance ou qui ne croient pas) avec des responsabilités envers ceux des différentes croyances et d’aucune. Notre bibliothèque doit conserver un stock de manuels récents, et nous devons nous intéresser aux équipes de tennis de table, de football ou de basket-ball.

Une troupe théâtrale favorise les jeunes talents, et notre propre studio vibre (il est insonorisé) au rythme de Bongo Flava - rap style tanzanien. Toutefois, mon premier amour du côté loisirs est ‘The Dance Machine’, un groupe qui reproduit la danse populaire américaine transposée à l’ouest de la Tanzanie. La ‘Dance Machine’ est un grand groupe d’étudiants qui préparent des programmes de danse pour les grands événements du calendrier social de Tabora. Ils sont bons ! Je me demande toujours comment ils font pour tourner sur leurs têtes sans se casser le cou.

Qu’ils soient de Tanzanie ou du Mali, les étudiants  espèrent être écoutés et compris ...Ici, dans la partie historique de Tabora, nous nous sentons quelque peu indignes de perpétuer l’œuvre de ces pionniers héroïques qui ont commencé la proclamation de la Bonne Nouvelle en 1878. La plupart des lieux qu’ils ont connus sont encore là. Mais il y a toujours du travail à faire après toutes ces années de présence des Missionnaires d’Afrique. La nouvelle génération a, elle aussi, besoin d’entendre la Bonne Nouvelle.

On doit encourager les liens d’amitié entre chrétiens et musulmans pendant les cours et les activités récréatives. Tabora reste une région à prédominance musulmane en Tanzanie, bien qu’à cause des différentes attitudes face au style d’éducation à l’occidental, les chrétiens soient majoritaires dans les écoles et collèges. Il y a des rencontres entre musulmans et chrétiens dans le dialogue de la vie quotidienne. Dans un monde qui n’est pas le meilleur, une nouvelle génération a besoin de réconcilier, intellectuellement et humainement, les défis des attentes sociales modernes, les valeurs culturelles traditionnelles et les exigences de la foi religieuse. Par ailleurs, chaque jour, je suis moi-même confronté aux questions et aux exigences des étudiants. Ce n’est pas une génération soumise ! Néanmoins, j’adore ça et j’espère qu’un peu de mon amour pourra apporter espoir et lumière à cette génération inquiète de son avenir.

William Crombie
M.Afr.

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