Voix d'Afrique N° 58
Mathias Kafunda


Du Malawi à Totteridge

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Wenya : Une vallée au cœur de l'Afrique

Matthias Kafunda : il me connaît depuis longtemps ; j'ai été son "curé " pendant plus de dix ans; c'était fête pour lui et ses copains lorsque mon petit 4x4 traversait son village pour la tournée régulière - chaque sept ou six semaines. Wenya est une succursale sur le programme des missionnaires, à 50 km du centre, dans les montagnes du nord du Malawi : une vallée au milieu des hautes collines, un vent souvent frais, des rangées de maïs, des champs de manioc, et, le long des ruisseaux quelques jardins de légumes. Wenya est un centre relativement important ; en haut de plusieurs mâts, le drapeau du Malawi flotte au vent ; ils indiquent les différents services : l'administration locale autour du chef Mwene-Wenya, un poste de gendarmerie, un bureau de poste, une école primaire : deux longues constructions basses autour d'une sorte de vaste pelouse avec des allées blanchies à la chaux.


L'enfance et la jeunesse

La petite église, le pied-à-terre du missionnaire, la maison de catéchiste font partie du paysage. Dès que résonne le bruit du moteur, les gamins courent pour recevoir le "bambo " : ils se disputent pour porter les bagages dans la maison, espérant pouvoir monter pour un petit tour en voiture. Matthias est l'un d'eux. Est-ce déjà en ces occasions qu'il a commencé à penser à devenir missionnaire ?


Petit séminaire de Rumphi au Malawi où Mathias fit ses études

Son père était maître d'école diplômé chrétien ; il était très engagé en politique, membre du parlement malawite pendant quelques années ; pour diverses raisons il était polygame, Matthias est né de la deuxième femme : il dût attendre l'âge de raison avant d'être baptisé.

Formation missionnaire.

Il demanda à aller au petit séminaire diocésain, et ce n'est pas sans peine qu'il réussit à partir chez les missionnaires. C'est avec joie que je le retrouvais en premier cycle de formation, à Arusha, en Tanzanie. Ses camarades l'avaient choisi comme doyen, il savait les encourager, apaiser les tensions ; il contribuait à la cohésion de la communauté faite de jeunes venus des cinq pays de cette partie de l'Afrique. Je n'oublierai jamais une longue conversation que nous avons eue à la fin de sa troisième année ; il m'avait demandé d'aller avec lui dans un caboulot tranquille, au bord d'une rivière, un dimanche après la messe, et là il m'avait fait faire une évaluation de ma première année de formateur : pauvre de moi ! J'étais assez inexpérimenté et maladroit ; en toute franchise et simplicité, il m'a aidé à trouver les attitudes justes ; expérience unique ! pour la première fois dans ma vie missionnaire, un africain avait le courage de me parler vrai et en profondeur. Sa formation philosophique de trois ans l'amena à une véritable approfondissement de sa vie personnelle, de son vrai désir.


Josef Buholzer, recteur du séminaire, préside l'eucharistie.


Une autre Afrique

Il fit son année spirituelle à Bobo-Dioulasso, en français, et fût envoyé au Mali pour son stage missionnaire de deux ans, à Niolo du Sahel : première rencontre avec le monde musulman ; il se lie d'amitié avec Fofana, l'imam de Wainkanu, dans le Sahel sur la frontière mauritanienne, avec la famille Sylla qui lui fait apprécier l'hospitalité et la cuisine malienne, avec Traore qui l'initia à la culture bambara, et bien d'autres maliens et maliennes musulmans ou chrétiens.
A 26 ans, il était le plus jeune de la communauté missionnaire : Jacques, un Français, et Bob, un Belge, ont 70 ans et Otto, Ougandais, en a 33. Il y trouve le lieu privilégié de la parole, du silence et de l'écoute, de la prière et de partage. Il s'occupe de la gestion matérielle du poste, responsable de la table et du gîte ; il fait partie du programme des part tournées dans les villages du district , pour rencontrer les quelques familles chrétiennes isolées dans le Sahel, mais aussi pou nouer et entretenir des relations d'amitié avec les maliens musulmans: l'expérience de deux ans le confirme dans son désir d'être témoin de l'Evangile en Afrique.

De l'autre côté de la Manche


Etudiants devant l'entrée de Totteridge

Contrairement à son attente, il est envoyé non pas à Toulouse, mais à Londres pour les études de théologie. C'est là que nous nous sommes retrouvés : il m'attendait à la sortie des passagers de l'Eurostar, et nous nous sommes embrassés fraternellement ; et c'est lui qui m'a guidé dans les dédales du métro londonien… loin, très loin des vallées de Wénya au Malawi. L'aventure continue : bonne chance, Matthias ! l'Afrique t'attend.

Gérard Guirauden