Les Missionnaires d'Afrique - Pères Blancs

Le temps de la Sagesse

« Dans une vie d’homme ou de femme, tout changement, toute rupture est à la fois une chance et un risque.
- Un risque, car il faut se réadapter.
- Une chance, car ce peut être un renouveau.

Lorsqu’on perd quelque chose, on ne voit pas toujours immédiatement ce que l’on peut trouver.

Mais on découvre peu à peu que, lorsqu’une porte se ferme, s’ouvrent d’autres issues ; d’autres possibilités se font jour.

Alors, une sorte de réconciliation peut s’opérer. Il y a des choses qu’on a pu faire ; il y a des choses que l’on peut encore faire, d’autres que l’on ne fera jamais.

On peut accepter ses limites, se réconcilier avec son passé, avec le monde, avec les autres,
avec soi-même, et convenir que, somme toute, le bilan est plutôt positif.
Alors on apprend à négocier son existence avec sagesse, c’est-à-dire avec une certaine humilité,
et l’on arrive à s’aimer soi-même comme on est, en acceptant les autres comme ils sont.

On ne rêve plus, mais on désire toujours ces grandes choses qui nous ont fait vibrer et que l’on a essayé de faire passer dans le réel : la paix, la justice et la compréhension entre les êtres, conditions de bonheur. Ce désir nous porte en avant, nous fait communier à tout ce qui se fait de bon dans le monde, nous fait vivre en avance sur l’état de choses, élargit notre être aux dimensions inconnues de l’avenir. Car cette sagesse-là n’est pas désillusion ou découragement ; elle ouvre sur l’espérance.» (Jean Vimort « Eloge de la retraite »)

I. Le temps de la maturité
- le troisième âge comme on l’appelle aussi , est un défi humain et spirituel.

Voici ce qu’un prêtre de soixante-treize ans écrit :
« J’ai soixante-treize ans et j’ai maintenant la conviction que l’âge de la maturité est une étape capitale de la vie. Il m’apparaît de plus en plus clairement qu’à cet âge-là on peut accéder justement à la maturité de l’être. »

Cette période de la vie m’a paru comme le temps des chances spirituelles et comme le temps pour être enfin soi-même et pour donner peut-être le meilleur de soi-même. Cela n’est certes pas automatique. C’est un défi, et il faut le relever. Ce sont des chances qu’il faut saisir à certaines conditions

La vraie question n’est pas de savoir si je pourrai m’occuper. La vraie question est de savoir si je pourrai grandir, atteindre ma vraie taille humaine et spirituelle (la mienne, pas celle d’un autre). Si je pourrai être un peu plus moi-même, moi qui pendant des décennies ai vécu à travers des fonctions, des rôles, les demandes et les désirs d’autrui. »
(Paul Guérin – « La maturité, un défi spirituel »)

Le temps de la maturité est une étape importante de ma vie. C’est un temps pour grandir humainement et spirituellement. C’est un défi à relever, une chance à saisir et cela à certaines conditions.

Comment vivre pleinement aujourd’hui ?
En vivant dans la « reconnaissance ». Devenir davantage des gens qui vivent dans la reconnaissance. Et cela dans la double acception de ce terme.

La “reconnaissance” c’est l’expression, le vécu de ma gratitude profonde, ma gratitude pleine de joie, pour tout le bien que j’ai reçu, et reçu gratuitement. Tant que nous sommes dans la force de l’âge et dans le plein engagement missionnaire, nous n’y pensons pas trop. Nous trouvons cela normal ! En avançant en âge, quand les forces diminuent, nous apercevons mieux que tout est don gratuit que nous recevons, que tout est grâce, et nous vivons
plus sur le registre de la “reconnaissance” pour ce don gratuit de notre être et de notre vie missionnaire passée.
Ce qui nous donne alors de pouvoir accueillir notre vie aujourd’hui dans une grande “reconnaissance”.

“Reconnaître” veut dire aussi identifier Celui qui est à l’origine de ces dons, l’auteur de la vie, Celui qui m’appelle par mon nom et de qui je reçois ma mission aujourd’hui.

« Le juste poussera comme un palmier,
Il grandira comme un cèdre du Liban.
Plantés dans la maison de Yahweh
Ils pousseront dans les parvis de notre Dieu.
Dans leur vieillesse encore ils portent du fruit
ils restent frais et florissants,
pour publier que Yahweh est droit,
mon Rocher, en lui rien de faux.» (Ps 92, 13-16)


II. Efficacité et fécondité
« Un homme n’est vieux que lorsque les regrets ont pris chez lui la place des rêves » (John Barrymore)

« Le temps de la maturité peut connaître ce miracle : retrouver un coeur d’enfant dans un corps marqué par le temps. Sans aucunement cacher les blessures du passé, se laisser conduire au-delà de ce qu’on a appris, au-delà de ce qu’on sait faire. La faiblesse de l’âge peut prendre un sens positif, la diminution des forces peut rendre un être plus transparent à une réalité qui le dépasse et se fait jour à travers lui. Une sérénité qui ne lui appartient pas, qui l’habite.

A l’âge où le passé peut peser, où l’avenir se restreint, le présent de la maturité peut être réellement un présent. A deux conditions : accepter son âge, son corps, son passé, sans amertume ni vanité ; attendre encore du nouveau. Mieux, la maturité peut être le temps qui permet d’approcher des secrets les plus profonds de l’existence. Comme découvrir, de manière vitale, que la joie vient non de ce que je fais mais de ce que je reçois…

En achevant de se réconcilier avec lui-même, l’homme de la maturité laisse entendre le chant profond de son être propre. » (Paul Guérin , La maturité, un défi spirituel)

III. La grâce du consentement
Dire mon “oui” à la réalité de ma vie aujourd’hui de sorte que le “donné” (la réalité du troisième âge) devient un “reçu”, car dans ma liberté j’ai la possibilité d’accueillir ou de refuser l’offre d’une vie en plénitude aujourd’hui.

L’ “évènement” (ce qui m’arrive) suscite en moi, dans un premier temps, des humeurs et des impressions
(surprise, contrariété, peur, etc.). C’est normal. Mais l’art de vivre consiste à ne pas se laisser guider par ses impressions et humeurs. Ne pas accepter qu’ils soient nos maîtres. Ainsi le consentement à la réalité devient disponibilité à l’Esprit, et l’accueil de l’évènement devient offrande pour une vie féconde.

IV. Savoir écouter avec bienveillance
« Parle, vieillard, car cela te revient, dis exactement
ce que tu sais : mais n’empêche pas la musique » (Siracide 32,3)

Notre expérience de vie nous autorise à parler mais avec discrétion, avec discernement. La tentation de celui qui a l’expérience des années peut être de se donner en exemple ou de prodiguer des conseils sans avoir au préalable prêté l’attention à la musique de celui à qui il s’adresse. Notre parole peut aider une personne à trouver son propre chemin, si elle est dite sobrement et avec discrétion.


Hubert Huybrechts

Texte et photos tiré du Lien 249