PERE AUGUST SCHYNSE (1857 - 1891)

MISSIONNAIRE D'AFRIQUE
AU BAS-CONGO ET EN AFRIQUE ORIENTALE

Auguste Wilhelm Schynse

Mort à 34 ans, le Père Schynse n'a pas connu une vie longue. Pourtant il a été mêlé aux débuts de la Société des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) en Allemagne, en Autriche, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, comme aussi aux fondations au Bas-Congo et en Afrique Orientale.

Karl BaumeisterLe Père Schynse est le premier " prêtre " allemand de notre Société missionnaire, fondée en 1868. Avant lui, Karl Baumeister (1831-1898) d'Unsleben en Bavière, s'est présenté comme candidat Frère. Il reçut l'habit et le nom de Frère Jérôme-Hieronymus du Cardinal Lavigerie (1825-1892) le 28 août 1870. Désigné pour la 2e caravane équatoriale, il partit le 21 juin 1879 ; il est mort, 19 ans plus tard, à Karema (Tanzanie).

 

La formation d'August Schynse.

August Schynse est né le 21 juin 1857 à Wallhausen, près de Bad Kreuznach dans le diocèse de Trèves, (Trier) fils aîné de l'intendant d'une propriété. Ses parents, très dévots, lui donnèrent une bonne éducation chrétienne. Après l'école primaire à Wallhausen, il a fréquenté l'école secondaireà Kreuznach et à Trier ; il la termina avec l'Abitur. Déjà comme collégien il s'intéressa aux Missions.

A l'Université de Bonn, il étudia la philosophie et la théologie et lors d'une retraite au couvent des Rédemptoristes à Echternach, en l'automne 1878, mûrit sa résolution de devenir missionnaire" en Afrique ". En ces années il lisait beaucoup dans les " Katholischen Missionen ". A la fin d'octobre 1879, August entra au séminaire de Speyer, puisque le séminaire de Trier, son diocèse d'origine, était fermé suite au " Kulturkampf ". Cependant il reçut les ordres mineurs et les deux premiers ordres majeurs dans son diocèse de Trier. Mais, le 22 août 1880, il fut ordonné prêtre dans le dôme de Speyer.

Peu après son ordination, l'Abbé Schynse demanda au responsable diocésain de Trier la permission de quitter le diocèse pour entrer dans une société missionnaire. Mais sa demande fut repoussée par le Vicaire Général, qui dirigeait alors le diocèse et qui lui conseilla d'accepter la fonction d' aumônier qui lui était offerte près d'un certain Baron von Geyr en sa résidence de Caen, près de Geldern. L'Abbé Schynse accepta, confiant en la Providence et il trouva dans cette famille un accueil charmant. Par sa discrétion et son détachement, il gagna la sympathie de tous. Ce séjour en ce domaine assez isolé a été pour lui un temps de réflexion et de probation ; sa vocation missionnaire se manifesta toujours plus clairement. En ses temps libres, il lisait beaucoup sur l'Afrique et se préparait corps et âme pour les Missions.

En juillet 1882, l'abbé se rendit auprès de Mgr Korum de Trier, qui était en tournée de confirmation, pour lui demander la permission d'entrer dans une congrégation missionnaire. " Je ne peux vous empêcher ; vous êtes dans votre droit ; que Dieu vous guide " fut la réponse. Pour ne rien faire trop vite, l'Abbé Schynse fit encore une retraite chez les Jésuites à Graeten et se décida alors pour la Société des Missionnaires d'Afrique.

Quand il était de retour dans le Domaine de Caen, l'Abbé adressa sa demande d'admission au Cardinal Lavigerie. Celui-ci lui répondit délicatement le 28 août 1882 en la fête de St Augustin (le Saint Patron de l'Abbé !) et lui communiqua son admission après avoir consulté les autorités de la Société. Il l'invita au noviciat de Maison-Carrée pour la retraite de septembre.

L'Abbé Schynse reçut cette lettre en Allemagne le 3 septembre 1882, le 19 il était à Marseille et le 22 il arriva à Alger " après une traversée qui lui offrit tout ce que la mer avait de beau et de terrifiant ". Le Cardinal lui-même reçut ce premier prêtre allemand qui se présenta. Son maître de novices a été le Père Léonce Bridoux (1852-1890), qui devint plus tard vicaire apostolique du Tanganyika. Au cours des temps libres au noviciat il confia au Père Schynse la composition d'un herbarium des plantes du site de Maison-Carrée et alentours. " J'ai peut-être appris à connaître cinq cents plantes et, en général, j'ai une idée du monde des plantes sur les côtes de la Méditerranée" a écrit le Père Schynse. Le 21 septembre 1883, le Père Schynse a prononcé son serment missionnaire.

Son travail en Europe.

Ce que le Père Schynse avait craint, arriva : il fut nommé en Europe " pour favoriser l'intérêt pour les missions ". Résigné et sans protester il accepta. Le 28 septembre 1883, le Père Schynse était à Marseille et de là il se rendit à Lille, où il prit résidence, selon l'ordre du Cardinal.

Déjà à la mi-octobre, il était en route vers l'Autriche, pour quêter et chercher des candidats. Mais il n'y eut pas beaucoup de succès. En janvier 1884, ses supérieurs le rappelaient, pour aider de nouveau en France. Le Père revint à Lille et, à ce moment, il prit sur lui l'instruction des élèves qui complétaient " de façon urgente " des études de théologie qu'ils avaient manquées le trimestre précédent.

A la mi-mars 1884, son provincial, le Père Alfred Louail (1851-1921) l'envoya de nouveau en voyage. Cette fois-ci il devait se rendre aux Pays-Bas. Il passa par Haarlem, Utrecht, Den Haag, Rotterdam et Amsterdam. Quoiqu'il eut assez difficile à se faire comprendre et pour parler, il y obtint un meilleur résultat qu'en Autriche. Il y trouva de grandes sympathies et une générosité comme allant de soi dans le cercle allemand de la capitale de Hollande. Cela lui permit, écrivait-il, de supporter le côté désagréable de son séjour : " en hiver dans ce pays humide ".

Le Père Schynse passa une rude épreuve quand son frère, responsable de la famille, tomba malade. Mais grâce à son ancien directeur spirituel, le Père Augustin Keller, il réussit à rester fidèle à sa vocation.
Le Père Schynse à son retour à Lille, s'y occupa de l'économat de la maison, mais la plus grande partie de son temps était consacrée à la formation des élèves. A diverses reprises il se rendit aussi en Allemagne, en costume civil, pour chercher des aspirants missionnaires et pour les accompagner à Lille.

En 1884, le Père Schynse a également collaboré à la fondation de l'école apostolique de Woluwe-St-Lambert près de Bruxelles. Il a écrit : " Maintenant je suis architecte et je cherche où on peut tout aménager : la chapelle, le réfectoire, le dortoir des élèves, les chambres des Pères, les classes, la cuisine, etc. ". Pendant qu'il était en Belgique, le Père a commencé à étudier le kiswahili sous la direction du Père Augustin Lévesque (1848-1912) revenu du Nyanza (Afrique Orientale - Deutsch-Ostafrika ).

Finalement, le Père Schynse reçut l'ordre de se tenir prêt pour partir en Afrique, dès le mois d'avril 1885. Un contre-ordre arrêta le projet, mais la maladie d'un confrère qui aurait dû partir au Congo, changea tout. Le Cardinal, qui se trouvait à Paris, envoya un télégramme au Père Schynse à Lille le 9 juin 1885, pour lui faire savoir qu'il pouvait partir à la place du malade. Cette Mission du Congo Belge, créée par Lettre Apostolique du 30 septembre 1880 et placée sous la juridiction du Cardinal Lavigerie, comprenait presque tout le territoire de la Colonie. Le Père Schynse reçut comme message : " Vous êtes destiné au Manyema, où se trouve déjà le Père Guillet (1846-1884) ; vous irez le chercher dans cette région ". Le Père Schynse jubilait. Il s'embarqua le 24 juin 1885 à Southampton pour Lisbonne et, de là, il continua le 6 juillet pour Banana à l'embouchure du fleuve Congo.

La fondation au Bas-Congo.

Père Dupont JeuneLe Père Schynse y travailla avec le Père Joseph Dupont (1850-1930), devenu plus tard le célèbre Evêque-Roi des Brigands babemba. De 1885 à 1887 le Père a collaboré à la fondation de cette communauté chrétienne florissante à Manyanga.

Quand le Cardinal Lavigerie a été obligé, en 1887, de retirer ses missionnaires du Bas-Congo, ce fut un coup très dur pour le Père Schynse, qui était heureux parmi les Bayanzi et il a encore eu par après souvent de la nostalgie pour son poste de Manyanga. Même, plus tard, au milieu de sa grande activité en Afrique Orientale, il a encore écrit la dernière année de sa vie : " Je n'ai malheureusement pas encore pu oublier mon cher Bungana et, si je pouvais, je me rendrai de nouveau à ce merveilleux endroit ". Les Pères Dupont et Schynse ont quitté les rives du fleuve Congo le 18 mai 1887.

D'autres activités.

Après son expérience congolaise, le Père Schynse se retrouva à Maison-Carrée le 19 juin 1887. De là il se rendit en Allemagne en habits civils pour ne pas se faire reconnaître en allant visiter sa famille ; il ne pouvait pas rester longtemps car la police le cherchait. En effet, il était parti en Afrique en 1882 sans avoir fait son service militaire.

Ensuite, il fit plusieurs voyages en Belgique, aux Pays-Bas et en France, soit comme compagnon du Cardinal Lavigerie soit sur son ordre.

Le Père Schynse passa quelques semaines à notre maison de Woluwe-St-Lambert aux mois de juillet-août 1887. A cette occasion il eut un long entretient avec le Général Strauch, Administrateur Général du Congo. Au début de juillet, le Baron Schwerin, Suédois, que le Père Schynse avait rencontré au Congo, était passé par Bruxelles. Celui-ci, professeur à l'Université de Lund, bien que Luthérien, recommandait vivement l'envoi de missionnaires catholiques au Congo : " Si je n'étais pas un philosophe, je serais un catholique, après ce que j'ai vu en Afrique, déclarait-il. J'éprouve la plus vive admiration pour les missionnaires catholiques : ils font un bien immense ".

A la fin d'août 1887, le Père Schynse se rendit au petit séminaire de St. Eugène près d'Alger, comme économe et professeur de sciences. Aux heures de détente, il se joignit aux élèves allemands pour parler allemand avec eux tout en leur racontant ses aventures du Congo. Le Père Schynse apparaissait un peu comme un militaire, mais au fond il était fort sensible. Ses supérieurs l'estimaient beaucoup.

Départ pour le Nyanza (Afrique Orientale)

En juillet 1888, le Père August Schynse a été nommé pour la mission au Nyanza en Afrique Orientale.
La caravane était composée de Mgr Bridoux, vicaire apostolique du Tanganyika, de sept missionnaires d'Afrique et de trois médecins africains formés à Malte. La caravane quitta Alger le 12 juillet 1888 et s'embarqua le 18 juillet à Marseille sur le vapeur " Madura " pour Zanzibar. Elle y arriva le 22 août et le 28 août, jour de fête de St. Augustin, patron du Père Schynse, qui a souvent marqué la vie de son protégé. A partir de Bagamoyo, Mr Stokes, un négociant britannique bien connu, s'était chargé de la direction de la caravane, qui comptait 1.300 porteurs, dont un quart tout au plus au service des missionnaires.


La 7e caravane (1888). De g. à dr., F. Alexandre Andrieux, P. Edouard Herrebaut, P. Auguste Carmoi, F. Pierre Tarteyre, P. August Schynse, P. Antonin Guillemain; assis, Mgr Léonce Bridoux, les médecins-catéchistes, Charles Faraghit, Joseph Gatchi et, allongé, le plus célèbre d'entre eux, le docteur Adrien Atiman.

A partir de Saadani, ils commencèrent leur marche vers l'intérieur le 31 août 1888. Le 24 septembre ils s'arrêtèrent deux jours à Mombona. Peu après les Arabes de la côte se révoltèrent et il était à craindre que ceux de l'intérieur s'insurgeraient aussi, surtout ceux de Tabora. Les missionnaires accélérèrent leur marche et arrivèrent à Mpwapwa le 3 octobre.

A Ikungu, où la caravane arriva le 28 octobre 1888, les routes se séparèrent : la moitié se dirigea vers le lac Victoria-Nyanza et l'autre, sous la direction du Père Schynse, partait le 31 octobre vers Kipalapala près de Tabora et y arriva le 8 novembre. Les missionnaires, et surtout le Père Schynse, connu comme Allemand, étaient constamment en danger. Le Père était constamment sous la protection d'une escorte armée.


Carte où se situent Kamoga et Kipalapala

Les occupations du Père Schynse à Kipalapala n'étaient pas des plus prenantes. La mission comptait une soixante d'enfants rachetés ou évacués du Buganda. Le Père leur faisait la classe et donnait la catéchise; le reste du temps, il se livrait à des occupations plus matérielles se faisant tour à tour : tailleur, charron, etc.
On disait que les Arabes avaient ordonné au Sultan Sike de Tabora, de massacrer les Européens, mais comme celui-ci profitait des droits de passage et des cadeaux que les caravanes devaient lui remettre, il n'en fit rien pendant longtemps. Par après son attitude devint plus hostile et, quand la situation devint intenable, les missionnaires décidèrent de s'enfuir de Tabora vers la Mission de Notre-Dame de Kamoga (Bukumbi) près de Mwanza.

Les missionnaires se séparèrent en deux groupes et le 29 juin 1889, le Père Schynse accompagnédu Frère Pierre, de 36 petits enfants malades et de 280 porteurs avec presque tous les bagages, se mit en route. Le deuxième groupe, sous la direction du Père Claude Chevalier (1846-1889), aurait dû suivre quatre jours plus tard avec les grands enfants, mais ils furent attaqués par les Arabes, pillés, maltraités et les enfants furent enlevés. Seule la générosité de l'arabe Seif ben Seid, qui donna à nos confrères une garde armée, les sauva de la mort.
Le Père Schynse arriva sain et sauf à Usongo dont le chef était favorable aux blancs et les prenait sous sa protection.

StanleyEmin PachaLa caravane quitta Usongo le 13 juillet 1889 et parvint le 31 juillet à Kamoga, au sud du lac Victoria-Nyanza. En route le Père Schynse fut pris d'une forte dysenterie. On attacha son grabat à une perche et une douzaine de Wasukuma le portèrent au camp. Le séjour à Kamoga fut de courte durée. Le 3 septembre 1889 la caravane de Stanley (1841-1904) et d'Emin Pacha, (1840-1892) venant des bords du lac Albert, arriva à la mission protestante de Makoro, à la pointe sud-ouest de la baie du Lac Nyanza.

Mgr Livinhac (1846-1922), vicaire apostolique du Nyanza, qui résidait temporairement à Kamoga, désigna les Pères Girault (1853-1941) et Schynse pour aller saluer les illustres voyageurs. Au moment où les deux confrères se préparaient à partir les deux explorateurs envoyèrent des lettres pour demander du linge, des habits, des chaussures, etc. et des ânes pour continuer leur voyage : bien des choses leur manquaient....

Les deux Pères firent de leur mieux pour trouver ce qu'on leur demandait et furent très bien accueillis par les explorateurs, qui étaient épuisés par leur expédition, qui durait déjà trois ans.


P. Auguste Schynse (ici au centre)


Le Père Girault profita de l'occasion pour consulter Emin Pacha, qui était un bon médecin. Il souffrait d'une taie (tâche opaque sur la cornée). Ainsi il ne voyait plus rien à droite et son oeil gauche était tellement mauvais qu'il ne pouvait plus que déchiffrer les plus gros caractères. Emin Pacha déclara que l'oeil du Père Girault dut être opéré, mais qu'il n'avait pas les instruments voulus pour faire cette intervention : il fallait qu'il retourne en Europe.

Un voyage à la côte en 1889.

Mgr Livinhac décida que le Père Girault retournerait à la côte avec Stanley et que le Père Schynse l'accompagnerait pour l'aider au besoin. Ils partirent le 4 octobre 1889 avec une vingtaine de porteurs. Le voyage dura deux mois et a été fort dangereux car les Arabes menaçaient encore toujours les Européens. Le 8 octobre ils rejoignirent la caravane de Stanley et le 4 décembre ils atteignirent Bagamoyo sur l'Océan Indien. De là, le Père Schynse arriva avec la caravane le 6 décembre 1889 à Zanzibar.

A de nombreuses reprises le Père Schynse a eu l'occasion de donner des preuves de la fermeté de son caractère et de sa confiance en la Providence. Il était l'homme de la décision, qui ne reculait pas devant les difficultés. C'était aussi un organisateur qui veillait personnellement à l'exécution de ses ordres et à la réussite de ses entreprises.

A cause du mauvais climat de Zanzibar, le Père Schynse a souffert beaucoup de la fièvre et d'insomnie. A cette époque se préparait une expédition allemande vers l'intérieur pour y conclure des accords avec des chefs dans la région, où les Allemands avaient des intérêts. Emin Pacha et le Major Wissmann (1853-1905), chef de l'expédition, demandaient au Père Schynse de les accompagner.

La caravane d'Emin Pacha partit le 20 avril 1890 avec 400 porteurs, 100 Soudanais et Zoulous et 50 askaris comme escorte armée. Emin Pacha lui-même et les deux missionnaires suivirent le 26 avril. Emin Pacha était un homme très simple, facile dans ses relations, sympathique, plus un savant naturaliste qu'un intrépide guerrier. Il aimait particulièrement les missionnaires catholiques. La caravane a marché quinze jours sous la pluie et dans la boue. Le Père Schynse n'avait aucune responsabilité particulière dans la caravane et, ainsi, il a pu se consacrer presque exclusivement à des observations astronomiques et des calculs qui manifestement prenaient beaucoup de temps.

Auguste AchteA Mpwapwa la caravane se reposa deux semaines. Le 4 juillet 1890, le Père Schynse rencontra Mgr Livinhac en route vers la côte pour se rendre de là à Maison-Carrée, où il avait été élu comme Supérieur Général. Le 29 juillet l'expédition arriva à Tabora et s'y arrêta un mois. Emin Pacha y hissa le drapeau allemand. Les porteurs Wasukuma qui se voyaient si près de leur pays, devinrent impatients et il fut décidé que le Père Schynse avec cent porteurs et un troupeau de bétail, qu'Emin Pacha lui avait donné, allait précéder les autres vers le Nyanza. Il partit le 20 août avec le Père Achte. Arrivés au grand village de l'Uyui, les deux missionnaires eurent la joie de voir accourir vers eux les jeunes gens qu'on avait enlevés de force au groupe du Père Chevalier. Ces jeunes Baganda avaient réussi à se cacher et à s'enfuir durant la nuit pour retourner dans leur pays.

 

Le travail à la Mission de " Notre-Dame de Kamoga " dans la région du Bukumbi.

La petite caravane arriva à Kamoga le 8 septembre 1890 et Emin Pacha ne les rejoignit avec le gros de la caravane que le 27 septembre. Il s'installa en face de Kamoga, d'où il visita souvent les missionnaires catholiques.

A Kamoga, le Père Schynse développa une activité missionnaire intense, quoique les Wasukuma lui semblaient indifférents. Il enviait ses confrères de l'Uganda, qui avaient grand succès auprès des Baganda. Le Père desservait aussi la succursale de Nyegezi, où il s'occupa de plusieurs travaux pour lesquels il était bien doué. Il construisit un barrage, fabriqua un vin d'un nouveau genre avec des cannes à sucre (dont il avait fait une plantation), construisit un four à briques, brûla de la chaux avec des coquillages, tourna de beaux chandeliers avec du bois de mikora, etc. etc.

Le Père Schynse s'efforça aussi de faire parvenir de l'aide aux confrères de l'Uganda, e.a. de la nourriture et des animaux à charge... Mais comme le ravitaillement se perdait souvent lors du trajet sur le lac Victoria, il décida de faire un voyage par terre jusqu'en Uganda. Il commença cette expédition le 28 janvier 1891 avec une cinquantaine de personnes. Il arriva à Bukoba le 14 février 1891 et explora les rives presque inconnues du sud-ouest et de l'ouest du lac Victoria-Nyanza. Il en fixa rigoureusement la carte géographique et la position astronomique.

Durant le voyage il rencontra aussi une tribu hostile et il a dû se battre deux jours de suite. Ce n'est que grâce à l'esprit de décision et la force psychologique du Père Schynse, que la caravane survécut à ces attaques. Il n'y eut aucun blessé chez lui, mais plusieurs attaquants sont morts.

Le Père Schynse s'arrêta à Buyaga à six jours de marche de la capitale de l'Uganda. Il y livra les provisions et les animaux à charge et avait ainsi terminé son voyage. Comme le retour à Kamoga par voie de terre était trop dangereux, il rentra en bateau par le lac Victoria. Le 9 mars 1891, il était de retour à Kamoga, mais à son arrivée il était assez malade et cela s'aggrava dans les mois suivants.

Maladie et décès.

Le Père Schynse souffrit souvent de fièvre et de rhumatismes aux jambes. Malgré cela il fit encore longtemps chaque dimanche à pied les 15 km qui séparaient Kamoga du village chrétien de Nyegezi, dont il avait la charge.

à Kamoga, jour de la Pentecôte, il ordonne évêque son successeur le Père Hirth A la demande de son évêque Mgr Hirth (1854-1931), il travailla aussi au journal de la mission (diaire) qu'il avait commencé lors de son voyage en Uganda. Il n'avait pu l'achever, car il était tellement affaibli par la fièvre, qu'il se prépara sérieusement à la mort.

Vers le mois de juillet 1891 ses forces déclinèrent encore plus et il ne pouvait plus se déplacer qu'avec une canne. Quand il se sentit devenir incapable de travailler d'esprit et de corps, il envoya le 21 octobre 1891 à Mgr Livinhac, le supérieur général depuis 1890, la partie du journal qu'il avait déjà terminé.

Le 24 octobre 1891, le Père Schynse a écrit encore quelques lignes à sa famille en Allemagne. Les derniers mots qu'il a envoyés en Europe étaient destinés aux " Katholische Missionen ". En remerciant Dieu, il y reconnaît le début d'une ère nouvelle et cela remplissait son coeur de joie et de consolation.


Pater August Schynse und seine Missionsreisen in Afrika " , éd. en 1893.

Le 15 novembre le Père dut s'aliter : une pneumonie était venue compliquer et aggraver son état. Il souffrait d'une grosse fièvre contre laquelle tous les médicaments étaient impuissants. Le 18 novembre, le Père Lévesque lui donna le Sacrement des Malades, qu'August reçut avec beaucoup de confiance en Dieu et de résignation. Jusqu'au dernier moment il a gardé toute sa présence d'esprit. Il expira doucement sans agonie ce même jour, vers 20h. Il avait 34 ans. Ses confrères ont écrit dans leurs lettres que le Père Schynse est mort comme un saint.

Son corps fut exposé dans un cercueil fabriqué avec du papyrus dans la chapelle et les chrétiens et les catéchumènes s'alternèrent pour y prier le chapelet. Le lendemain, 19 novembre, après une messe célébrée le matin, l'enterrement eut lieu à 15h à côté du Père Claude Chevalier (1846-1889) et du Frère Raymond Roubeyrotte (1851-1890).

Épilogue.

Tous les grands journaux d'Allemagne et de l'étranger ont consacré au Père Schynse les nécrologies les plus élogieuses. Ils y célébraient le travail désintéressé de celui qui avait acquis de grands mérites au service de l'Église, de la science et de sa patrie.

Le Père Schynse était un excellent prêtre. Il n'eut guère l'occasion d'exercer son ministère apostolique d'une manière suivie. Au Kasaï comme à Bukumbi la Mission était encore à ses débuts. C'était également un homme fort instruit avec une vaste connaissance en géographie, en géologie, en botanique, en astronomie, etc. Il était en outre passé maître en l'art d'écrire : " Il excellait dans la description et maniait si bien sa langue maternelle, au fond des solitudes africaines et au milieu des gens qui l'entouraient, que ses récits sur l'Afrique ont attiré l'attention de toute la presse allemande et même de l'étranger... ".

Publications :
* " Zwei Jahre am Congo " (Deux ans au Congo), édité en 1889.
* "Mit Stanley und Emin Pacha, éd. en 1890.
* "A travers l'Afrique avec Stanley et Emin Pacha " (300 pp.), éd. en 1890.
* " Pater August Schynse und seine Missionsreisen in Afrika " , éd. en 1893.
* " Pater Schynse, sein Leben und Wirken ", éd. en 1897.


P. Jacques Casier, Miss. d'Afrique (1921-1998 )


CASIER J., " Auguste Schynse ", in Souvenirs Historiques ((N° 127 et N° 128), Nuntiuncula N°552 et N° 553, Bruxelles, Novembre -Décembre 1997.

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