MALI * Une Radio au Service du Peuple*

Radio Parana


Le Père Alain Fontaine, du diocèse
de Nanterre, est né en 1946.
Après l'Ecole d'Optique de Paris, Il entrechez les Pères Blancs et s'engage d'abord comme Frère en 1964.
Au Mali depuis 1968, il est ordonné prêtre en 1978.
Il est actuellement au Centre de communication du Diocèse de San, où il s'occupe de la radio et édite le journal diocésain "Eglise de Dan" ainsi qu'un journal en langue boré, destiné au monde rural et aux catéchistes.

Vidéo Radio Presse


Après la chute du régime militaire du général Moussa Traoré, la Conférence nationale, tenue en 1992, a libéralisé les domaines de la presse écrite, de la radio et de la télévision. Depuis cette époque, les radios libres sont donc admises, à condition qu'elles ne fassent pas de politique et qu'elles ne soient pas confessionnelles en tant que telles. Les radios rurales se sont alors multipliées. Au Mali, lors du festival des Ondes de liberté, en novembre 1999, on en a recensé pas moins de 122. Dans la sous-région Ouest africaine franco-phone, c'est sans doute le pays qui en compte le plus.

A l'âge du multimédia
1994 : on me demande de participer au lancement du centre de communication de Parana, situé dans le diocèse de San. Pourquoi Parana ? Parce que c'est le nom du village qui a offert gracieusement 4 hectares à quelques kilomètres de la ville de San. Le centre se veut multimédia et s'est choisi quatre grands domaines d'action : une radio FM qui émet 4 h par jour, surtout en langue boré et bambara ; un centre d'édition et d'impression pour des travaux principa-lement destinés au dévelop-pement, une vidéothèque et un centre de formation. Ce dernier a déjà reçu trois grandes rencontres interna-tionales, dont la panafri-caines de la J.E.C., la rencontre des journalistes chrétiens de la sous-région Ouest africaine franco-phone et la rencontre internationale de World Vision, une O.N.G. d'origine américaine qui œuvre principalement dans le domaine du parrainage des enfants en âge scolaire. Cette organisation parraine à ce jour plus de 22 000 enfants au Mali.

La Radio va partout
Au Mali, comme dans nombre de pays africains, la radio est un média privilégié. Il entre partout, il est écouté partout ... On voit même des cyclistes une main sur le guidon et l'autre collant un poste radio à leur oreille. C'est un média très suivi, d'autant plus s'il est en langue locale et s'il transmet des informations de proximité. Il n'est pas coûteux et il joue un rôle non négligeable en matière d'animation et de sensibilisation. Ainsi, pour les campagnes de vaccination ou pour la lutte contre le Sida, est-il largement utilisé. On sait qu'il atteint son but quand on reçoit le courrier des auditeurs. Nombreux sont ceux qui réagissent, questionnent, engagent le débat. Parmi les projets pour l'an 2000, on compte embaucher quelques reporters qui iront, sur place, sur le terrain, récolter l'information, animer les villages et permettre à un plus grand nombre d'acteurs du développement, en milieu rural, de faire entendre leur voix.

La langue de la radio
La plupart des médias africains se heurtent au problème de la langue. Les langues sont tellement diverses sur le continent qu'il faut bien choisir. A Parana, trois langues ont été retenues: le Bambara pour 60 %, le Boré pour 30 % et le Français pour le reste, avec quelques plages en Peulh, Minianka ou Bobo fing. Cependant parler une langue du pays et s'exprimer à la radio, ce n'est pas la même chose. Il faut durer, être intéressant, documenté, avoir un bon vocabulaire .

Informer et former
C'est un peu notre slogan. La radio doit relayer toutes les initiatives qui visent à former le monde rural. Elle donne de l'ampleur aux efforts faits pour désenclaver le secteur, élever le niveau des paysans, sauvegarder les terres en vulgarisant les méthodes de l'agriculture durable, encourager la vie associative, faire participer les femmes en leur donnant plus de responsabilités, éviter l'hémorragie de l'exode des jeunes vers la ville ou vers l'étranger, surtout les pays côtiers... Des groupes d'alphabétisa-tion, des animateurs radio, du personnel de santé, des enseignants, des associations féminines, etc, se succèdent au Centre et reçoivent des formations adaptées à leurs besoins. L'évêque est formel : "Nous ne relèverons le défi du développement qu'à travers la formation. Il nous faut des profession-nels à tous les niveaux !"

L'Église sort de ses limites
En mettant sur pied cette radio et ce centre de communication, l'Église de San montre qu'elle veut vraiment se mettre au service du plus grand nombre. Elle ne s'adresse pas aux seuls chrétiens, la radio est écoutée partout, les journaux, les cassettes vidéos passent entre toutes les mains. Au fond l'Église ici risque une parole et témoigne de son ouverture. Comme missionnaire d'Afrique je participe à cette activité parce qu'elle me semble de première utilité dans un monde où la communication devient le maître mot des relations. On ne peut pas se permettre de " bricoler " dans ce domaine. Il en va du sérieux de la Bonne Nouvelle à transmettre. "Allez-vous en sur les places"... pourrait se chanter autrement aujourd'hui : "Allez-vous en en studio et dans tous les lieux de rencontre, annoncez la Bonne Nouvelle par vos émissions, vos images, vos cassettes..." Le pape Jean-Paul II ne cesse de le dire : " Le nouvel aréopage des temps modernes, ce sont les moyens de communication". (Encylique Redemptoris Missio au n°28)

Père Alain Fontaine

 

Une inauguration mouvementée

L'inauguration est prévue pour le 9 septembre 1995 en présence de toutes les autorités administratives et politiques de la ville et du Cercle. Le Gouvernement a même fait le dépla-cement de Ségou, car une radio à San, cela prend une envergure régionale. Le 8 septembre, tout est en place. On s'affaire, on prépare, on décore et ... panne complète de la radio. Panique à bord. On cherche ce qui se passe. Tout est vérifié, en vain ! C'est seulement dans la soirée qu'on découvre deux souris qui déjeunent confortablement des câbles PVC qui conduisent le son de la cabine technique à l'émetteur. Réparation et… ouf. ! Cependant, le 9 au matin, alors que le gouverneur s'apprête à parler, panne de nouveau, cette fois de la sono. Les villageois de Parana venus en grand nombre n'ont pas prêté attention aux câbles et ont, sans le vouloir, débranché l'amplificateur. Vite une sono portative vient au secours de l'illustre invité et l'inauguration peut enfin se faire. Heureusement, personne n'avait oublié les ciseaux pour couper le ruban.

 

 

Une variété d'émissions

Quand la parole est aux enfants.
San étant une ville où la population musulmane est largement majoritaire, l'ouverture de la radio au monde de l'Islam s'est tout de suite posée. Nous n'avons pas choisi d'ouvrir l'antenne tous les vendredis pour une émission sur l'Islam. Cependant, lors des grandes fêtes musulmanes, nous partons interroger l'iman ou un autre responsable, sur le sens de la fête. L'après-midi, nous ouvrons l'antenne aux enfants qui viennent en très grand nombre offrir leurs vœux à leur famille et à tous leurs petits amis. Inutile de dire qu'à ce moment-là, tous les postes de la ville sont branchés sur la station de Parana. Certains enfants qui ont oublié tel ou tel membre de la famille reviennent jusqu'à deux ou trois fois pour faire les rectifications qui s'imposent.
Avis et communiqués
Une bonne heure d'avis et de communiqués est diffusée chaque soir. Outre les décès, ce sont les avis de réunion et les avis de perte qui sont les plus fréquemment lus. Pour les décès, vu que la famille africaine est généralement très élargie, il faut être vigilant, car certains, dans le feu de l'émotion, sont capables de rédiger un vrai bottin. La notion de famille proche n'est pas toujours facile à définir ici. Quant aux avis de perte, il est parfois comique de recevoir un avis ainsi libellé : "Monsieur untel déplore la perte de sa chèvre blanche tâchée de noir...etc". Des chèvres blanches tâchées de noir sont légion. Seul le propriétaire connaît le dessin exact des taches !
Nouvelles, nouvelles…
Des journaux préparés à partir des dépêches des grandes stations internationales sont diffusés chaque jour en langue française. Le dimanche, un journal en langue locale est diffusé. Radio Vatican a offert récemment une parabole afin de capter ses émissions et de diffuser le magazine destiné à l'Afrique tous les mercredis. L'idéal serait de le traduire dans les autres langues de la radio, mais avec un peu plus de personnel, on y arrivera un jour.
Et les émissions chrétiennes dans tout çela ?
La non-confessionalité de la radio (inscrite dans la charte) nous invite à la modestie en ce domaine. Seules les messes solennelles de Noël et de Pâques sont radiodiffusées en direct. En dehors de cela, l'évêque du lieu adresse un mot chaque samedi aux auditeurs. Ce n'est pas une homélie mais plutôt les libres propos d'un pasteur sur la justice sociale, sur le développement, sur l'évolution démocratique du pays, sur l'enseignement etc... La plupart du temps, il réalise cette émission en Boré et en Français.