Voix d'Afrique N°72.....

 


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Joseph Le Nigen est "membre associé" des Missionnaires d'Afrique. Il nous raconte son expérience.

 

Un Breton

C'est un grand voyage que celui de Joseph. Il a commencé dans un village breton en 1951, dans une famille d'agriculteurs. C'est sa mère qui lui apprend à lire et à écrire, avec de la craie sur une ardoise. Elève doué, enfant de chœur zélé, sa route semble toute tracée. Son curé l'envoie au petit séminaire près du sanctuaire de Ste-Anne-d'Auray. Sera-t-il prêtre ? Sa mère l'aurait souhaité, mais Jo n'en est pas sûr. Après son baccalauréat, il commence des études à l'Université de Bretagne Occidentale, à Quimper. Tout en poursuivant son effort de discernement avec d'autres étudiants de la région, il étudie la géographie en vue d'une licence.

Missionnaire laïc


Ancienne maison des Pères à Tizi Ouzou

C'est le lendemain du concile Vatican II, le chamboulement de Mai 68, les indépendances des anciennes colonies, la première prise de conscience que le monde est un grand village, et que tous les hommes sont solidaires. Jo entre à plein dans ce mouvement. La revue "Croissance des Jeunes Nations" le passionne. Et lorsqu'il est question de service militaire, il opte pour la coopération. C'est plus utile que le maniement des armes. Il va en Algérie, à Tizi Ouzou, la capitale de la Kabylie, et ce sont les Pères Blancs qui l'accueillent. Il y enseigne le français et accompagne les étudiants algériens dans leurs études de formation professionnelle. Il y reste trois ans : l'Afrique l'a séduit.

Chez les jeunes Camérounais

Fête à Yaoundé Camereounà son retour en France, des amis missionnaires lui proposent une expérience au Cameroun. C'est d'accord ! Il part pour Yaoundé et Garoua. Pendant cinq ans, il forme et anime des groupes d'enfants africains, avec la méthode "voir, juger, agir", en s'inspirant de l'Action Catholique de l'Enfance. Il s'agit de rencontrer les jeunes dans leurs quartiers, qu'ils soient chrétiens, musulmans ou animistes, de leur faire prendre conscience de leur place dans leurs communautés de villages ou de quartiers. Il les conduit à découvrir la force de l'Evangile, la présence de Jésus. Il leur donne confiance en eux-mêmes pour changer leur vie. Un exemple : il fait très chaud et ils rêvent d'eau, pour se désaltérer et se laver ; que faire ? Qui peut nous creuser un puits ? Jo les accompagne auprès de l'administration, jusque dans le bureau du préfet ; les enfants obtiennent enfin gain de cause et ne sont pas peu fiers de leur entreprise. La foi chrétienne est vécue concrètement. Mais, au bout de cinq ans, l'influence de Jo commence à devenir gênante en haut lieu, elle est en compétition avec des intérêts, des luttes d'influence. Jo est déclaré indésirable et doit prendre l'avion dans les quarante huit heures.

Repartir malgré tout

Un échec ? Certes, toutes les illusions sont tombées, l'une après l'autre. Il faudra quelques années pour prendre du recul. Jo les passe chez lui, mais le rêve d'Afrique refait surface. Un ami prêtre missionnaire "Fidei Donum" au Zaïre (aujourd'hui Congo, RDC) lui propose une place dans un foyer-séminaire, à Kalemie, à l'est du pays. Et c'est le troisième départ. Il y restera quinze ans. Il prend en charge l'économat, la nourriture des étudiants, à base de farine de maïs et de poisson séché. Il est un bon client des vendeuses du marché local. Il enseigne aussi le français et le latin, la doctrine chrétienne. Il aide les jeunes à réfléchir sur leur vie, leur avenir, leur vocation. Car toute personne est appelée à grandir et à servir ; chacun a sa vocation, l'appel de Dieu " qui nous a choisis dans le Christ ". Chacun a une place dans la société et dans l'Eglise. Certains réfléchissent sur le sacerdoce ministériel, d'autres commencent à penser au mariage, à fonder une famille, à prendre un métier. Jo se sent totalement missionnaire, car il est avec eux.

Le régime de Mobutu arrive à sa fin. Des armées envahissent le Zaïre, se livrent à des pillages, sèment la terreur. Jo tient bon. Lui aussi a peur, sursaute à chaque explosion, ne dort que d'un œil. Cela aussi, il le partage avec ses étudiants et la population zaïroise.

Missionnaire à plein temps

Jusqu'alors, Jo ne connaissait les Missionnaires d'Afrique que par les contacts déjà anciens de son expérience en Kabylie. Le foyer-séminaire de Kalémie dépendait du diocèse en vue de la formation du clergé diocésain. Les Missionnaires d'Afrique étaient des voisins. Il les rencontre souvent et lorsque le responsable régional lui propose une embauche : devenir "membre associé". voilà qui est nouveau ! " Des prêtres et des laïcs désireux de s'engager au service de la Mission peuvent être rattachés à la Société comme associés ou coopérateurs " peut-on lire dans le livre des "Constitutions et Lois" de la Société des missionnaires d'Afrique. Jo signe un premier contrat de trois ans avec enthousiasme. Il le renouvellera par la suite, chaque trois ans.


Jo avec le étudiants de la Ruzizi RDC

Formateur de jeunes missionnaires

Pour quelle activité ? Les Missionnaires d'Afrique ont une maison de formation pour recevoir des jeunes qui envisagent de prendre le relais des anciens missionnaires pour l'évangélisation de l'Afrique ; les jeunes africains sont de plus en plus nombreux à exprimer le désir d'aller chez tous les peuples d'Afrique pour leur apporter la Bonne Nouvelle. à La Ruzizi, près du lac, il prend sa place dans la communauté des missionnaires d'Afrique, avec les jeunes africains. Il s'agit de les encadrer, de les former à la vie de mission en communauté, de les aider à approfondir leur relation avec le Christ. Laïc chrétien et apôtre, il a sa place dans l'équipe des formateurs. La quarantaine d'étudiants est répartie en groupes d'une dizaine, pour partager leurs réflexions, leurs prières, leurs expériences apostoliques, leurs joies et leurs peines. Volontiers, il prend en charge l'économat : il est un bon client au marché auprès des marchandes de maïs, de riz, de manioc et de poissons séchés. Il tient la comptabilité de la maison. Avec les étudiants, il met en valeur le jardin potager et le poulailler, mais il le fait de telle sorte que les jeunes africains considèrent tout cela comme leur affaire à eux, leur maison, leur jardin. C'est le b - a ba de la formation missionnaire.

Saisi par le Christ Ensemble, ils prient régulièrement. La prière personnelle conduit au partage, et la prière communautaire conduit à l'expérience personnelle. "Je m'élance pour tâcher de saisir le Christ, parce que j'ai été moi-même saisi par Lui" La parole de St.Paul dans sa lettre aux Philippiens (3,12) accompagne Jo dans son cheminement.

Après sept ans, Jo doit rentrer en France pour un traitement médical. Il est à l'accueil de la résidence des Missionnaires d'Afrique, rue Friant, heureux de recevoir tous ceux qui sonnent à la porte ou appellent au téléphone. Le soleil d'Afrique continue à briller dans ses yeux. L'Afrique l'a séduit.

Voix d'Afrique

D'autres photos de Jo à La Ruzizi sont visibles sur cette pageweb


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