Missionnaires
d'Afrique
France
Michel LeLong, Paris
Ma vie,
de missionnaire
vouée au dialogue inter-religieux
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Je
suis né dans une famille profondément catholique qui fut
très éprouvée par la guerre et cest en 1941,
tandis que la France vivait les jours de loccupation et de la
Résistance, que jeus la certitude dêtre appelé
à être prêtre et missionnaire. En assistant cette
année-là à Lappel du silence,
film consacré à la vie du Père de Foucauld, je
fus impressionné par litinéraire spirituel quil
avait vécu: cest en voyant des musulmans prier quil
avait été conduit à se mettre devant Dieu et à
retrouver la foi de son baptême. Puis il était devenu «
le frère universel », à la suite de Jésus
« le modèle unique », aussi accueillant aux officiers
de larmée française et aux Arabes les plus pauvres
quaux notables musulmans. Me sentant appelé à être
prêtre en terre dIslam, jappris quune des meilleures
façons de lêtre était dentrer chez les
Pères Blancs.
Après une année de philosophie au Grand Séminaire
dAngers, ma ville natale, ce fut le Noviciat des Missionnaires
dAfrique, installé alors à Tournus (Saône
et Loire) en raison des événements, puis le Scolasticat
de Thibar (Tunisie) où je fus ordonné prêtre en
1948. À cette époque, la théologie qui était
enseignée aux futurs prêtres était fort «
traditionnelle » et lhistoire de lÉglise plus
apologétique que vraiment objective ! Quant à lIslam,
on en parlait le plus souvent dune façon qui me parut beaucoup
trop polémique.
Mais
au Noviciat comme ensuite au Scolasticat, on nous apprit à prier,
à consacrer de longs moments à « loraison
» personnelle et silencieuse, conformément à une
recommandation du Cardinal Lavigerie qui me parut alors - et me parait
plus encore aujourdhui - tout à fait fondamentale : «
Vous ne convertirez personne si vous ne travaillez pas dabord
à votre propre sanctification ».
Au lendemain de mon ordination, nos supérieurs me nommèrent
à Paris, pour y faire une licence de Lettres classiques.
Je fus déçu car javais demandé à aller
en Terre dIslam. Mais grâce au Père Lanfry, alors
Supérieur Régional en Afrique du Nord : mes études
universitaires se poursuivirent par une licence darabe à
Alger. Cétait à la veille de la guerre dAlgérie
et la situation était tendue. Cest dans ce contexte quavec
des amis musulmans jai été conduit à organiser
mes premières rencontres islamo-chrétiennes. Je fus ensuite
envoyé en Tunisie, pour rejoindre la communauté de lIBLA
(Institut des Belles Lettres Arabes). Autour du Père Demeersman,
cette communauté faisait, depuis longtemps déjà,
un remarquable travail dans le domaine culturel avec les Musulmans de
Tunisie. Bien avant Vatican II, les Pères de lIBLA avaient
compris que, pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ, les missionnaires
doivent connaître la langue, la culture et la religion des peuples
auxquels ils sont envoyés.
Création du groupe de recherche Islamo-chrétien
Tout
en travaillant à la bibliothèque de lIBLA, et pour
sa revue, je fus chargé par lArchevêque de Tunis,
Monseigneur Perrin, de créer et danimer le Foyer
des Étudiants Catholiques qui accueillait aussi, pour des
rencontres interreligieuses, des. musulmans, des juifs, des incroyants.
La Tunisie venait alors daccéder à lindépendance,
et ce fut pour moi loccasion de passionnantes rencontres avec
ses jeunes élites, qui étaient aussi attachées
au patrimoine arabo-musulman quattentives et ouvertes à
la culture européenne, surtout française. Cest dans
ce contexte que fut créé, par notre confrère Robert
Caspar et par un universitaire musulman, notre ami Abdelmagid Charfi,
le Groupe de Recherche Islamo- Chrétien (GRIC). Cette
association, dont je fus pendant une vingtaine dannées
le Secrétaire Général, réunit des théologiens,
historiens et exégètes chrétiens et musulmans,
du Maghreb, dEurope et du Moyen-Orient.
Tout en travaillant à lIBLA et au Foyer des Étudiants
Catholiques, je préparai une thèse de Doctorat sur «
Lenseignement islamique en Tunisie », complétée
par une thèse secondaire sur « Les relations entre lÉglise
et lIslam en Tunisie de 1930 à 1968 ». Après
avoir soutenu cette thèse à lUniversité dAix-en-Provence,
en 1970, je fus sollicité pour donner des cours à lInstitut
Catholique de Paris sur les relations interreligieuses.
Responsable du Secrétariat pour les relations avec lIslam
En 1975, alors que la Conférence Épiscopale de France
venait de créer le Secrétariat pour les Relations avec
lIslam (SRI), nos supérieurs me demandèrent dêtre
le responsable de ce Secrétariat, dont le Président était
Monseigneur Huygues. Il sagissait daider, à tous
les niveaux, lÉglise de France à faire sienne les
orientations données par Vatican II, dans le domaine des relations
islamo-chrétiennes. Ce fut pour moi loccasion détablir
et dapprofondir des relations avec lÉglise de France
et avec la communauté musulmane de notre pays. À la même
époque, jétais « consulteur » du Secrétariat
Romain pour les religions non chrétiennes, devenu depuis «
Conseil Pontifical pour les Relations interreligieuses ». Je participai
aussi, de 1975 à 1995, à de nombreux colloques islamo-
chrétiens en Europe, au Maghreb, au Proche-Orient, en Afrique
et en Asie.
Michel donnant une conférence à la mosquée
de Saint Denis de la Réunion en 1984
Après avoir longtemps fait partie de la communauté de
la rue Friant - dont jétais souvent absent en raison de
mon ministère auprès des musulmans - je fus nommé
supérieur de la communauté que la Province de France venait
de créer à Maison-Alfort, dans le Val-de-Marne. Tout en
assumant de mon mieux cette responsabilité, je continuai à
participer à des rencontres islamo-chrétiennes et à
aller célébrer la messe dominicale dans des paroisses
de banlieue parisienne.
Cest alors quavec quelques amis chrétiens et musulmans,
je fus amené à fonder le Groupe dAmitié islamo
chrétien (GAIC) dont je fus pendant une dizaine dannées
le Président chrétien, le Président musulman étant
un universitaire algérien, M. Mustapha Cherif, ancien ministre
de lEnseignement Supérieur dans son pays. Mon ministère
me donna loccasion de nombreux contacts avec des chrétiens
et des musulmans du Moyen-Orient, et avec eux je soutins la juste cause
des Palestiniens.
Enfin, tout en continuant à répondre aux demandes qui
me sont faites en France par des chrétiens et des musulmans,
jai été amené à moccuper, ces
dernières années, dun Groupe de réflexion
entre Catholiques (GREC) créé par Madame Pérol
à partir dun document rédigé par son mari,
lambassadeur Gilbert Pérol, qui appelait au dialogue et
à la réconciliation entre catholiques. Encouragé
et soutenu par le Nonce Apostolique en France et par le Président
de la Conférence Épiscopale de notre pays, ce groupe sefforce
de favoriser un climat de respect mutuel, de confiance et de dialogue
fraternel entre catholiques ayant des options politiques, théologiques
et liturgiques différentes. Le GREC a publié, en 2012,
un livre intitulé Pour la nécessaire réconciliation.
Après ces années de vie missionnaire, je suis plus que
jamais, convaincu que nous sommes appelés, comme lécrivait
Saint Pierre, à « rendre compte de lespérance
qui est en nous avec douceur et respect ». Dans cette perspective,
et comme le disait Benoît XVI le 25 septembre 2006, « le
dialogue interreligieux est une nécessité vitale pour
bâtir ensemble un monde de paix. En ce domaine, nos contemporains
attendent de nous un témoignage éloquent, pour montrer
à tous la valeur de la dimension religieuse de lexistence.
Aussi, fidèles aux enseignements de leurs propres traditions
religieuses, chrétiens et musulmans doiventil apprendre à
travailler ensemble, comme cela arrive déjà, en diverses
expériences communes ». Cest pour répondre
à cet appel que jai voulu évoquer ma vie de missionnaire
dAfrique dans un livre qui est paru en 2007 sous le titre : Prêtre
de Jésus-Christ parmi les Musulmans (Éditions François-Xavier
de Guilbert). Jespère que ce livre pourra aider les jeunes
daujourdhui à découvrir ce quest la
joie dêtre apôtre, chez les Pères Blancs.
Père Michel Lelong