La Société des Missionnaires d'Afrique - Pères Blancs

    Célébration à la mémoire du Père Etienne Renaud M.Afr.
    (+ 20 Juin 2013)
    Eglise Saint Sulpice Paris : 12 octobre 2013

    Une eucharistie demandée par sa famille et ses amis de Polytechnique, en souvenir d’Etienne Renaud (+20 juin 2013), a été célébrée en l’église Saint Sulpice, à Paris, le samedi 12 octobre, à 10 h 30. Elle a été présidée par Mgr Thierry Jordan, Archevêque de Reims et cousin d’Etienne ; il était entouré de Mgr Bernard Aubertin, Archevêque de Tours et de Guy Vuillemin, Supérieur Délégué de France qui a prononcé l' homélie relatant l’esprit qui a mené Etienne durant sa vie.
    A l’issue de la célébration la famille invitait l’assemblée pour un vin d’honneur servi dans la crypte de l’église.

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    1. Mgr Bernard Aubertin 2. Mgr Thierry Jordan 3. Père Guy Vuillemin

    Homélie : (Mt 13, 24 - 30)

    Dans le passage de l'évangile que nous venons de lire, vous avez sans doute remarqué que ce qui est dit dépasse le cadre de la réalité.

    Pour avoir vu, en Afrique de l'Ouest, combien les paysans travaillent dur pour désherber leurs champs au moment où le mil commence à pousser pour qu'il ne soit pas étouffé par les mauvaises herbes, je ne crois pas que l'avis du maître du champ de la parabole soit bien sage.
    S'il ne le fait pas désherber, il risque de n'obtenir qu'une bien faible récolte.
    Cette exagération est voulue par Jésus.
    Il veut manifester que ce dont il parle concerne les réalités divines.
    Alors efforçons-nous de comprendre ce que Jésus veut nous dire.
    Un homme a semé du bon grain dans son champ.
    Son ennemi vient y semer de l'ivraie, de la mauvaise herbe.
    Le propriétaire n'est en rien responsable de cette ivraie.
    La question des serviteurs n'a rien de déraisonnable :
    " Veux-tu que nous allions l'enlever ? "

    C'était l'habitude, en effet, d'extirper l'ivraie, et même plusieurs fois.
    C'est plutôt la réponse du maître qui semble étrange : " Non ! "
    Il est vrai que devant la quantité d'ivraie, en l'arrachant, le danger est grand d'arracher aussi le blé, tant les racines des deux sont mêlées.
    Le maître laisse ce travail de tri au temps de la moisson.
    Mais même à ce temps de la moisson, quand le maître dira :
    " Enlevez d'abord l'ivraie ",
    il ne s'agit pas d'abord d'arracher l'ivraie avant de couper le blé,
    mais, en coupant celui-ci, de faire tomber l'ivraie pour qu'elle ne passe pas dans les gerbes de blé.
    " Liez-la en bottes pour la brûler "
    Ce n'est pas un travail superflu, car la mauvaise herbe séchée est employée comme combustible et ses graines sont données aux poules.

    Dans cette parabole Jésus souligne le temps prolongé entre les semailles et le temps de la moisson.
    Il veut affirmer l'existence d'un long temps intermédiaire, au cours duquel les œuvres de l'ennemi se manifestent, au long duquel il faut, comme Dieu, patienter en tolérant le mélange des bons et des mauvais.
    Nous sommes souvent comme les serviteurs du maître, très impatients, prompts à réagir, à juger et à condamner.

    Nous avons du mal à accepter ce qui nous semble mauvais.
    Nous le sommes d'ailleurs plus souvent en ce qui concerne les autres qu'en ce qui nous concerne personnellement.

    Nous devons bien admettre que nous avons tous quelque part au fond de nos cœurs une tentation de nous séparer des mauvais, nous considérant bien sûr comme les bons, d'être intolérants, de faire le tri.
    La parabole de Jésus est une réplique à tous les impatients, une invitation à percevoir le monde, nous-mêmes et surtout les autres avec le même regard que Celui de Dieu.
    Car Dieu qui n'est qu'amour est patient et nous laisse le temps de nous convertir.

    Nous sommes dans ce temps où lentement croît le Royaume.
    Petit et modeste apparemment, encore aujourd'hui, dans un monde où le mauvais semble bien plus fort que le bien, ou du moins, bien mêlé au bien, Jésus nous assure que Dieu y est présent et y accomplit ses merveilles.
    Il nous invite à la confiance, à l'humilité, mais aussi à la patience et à la conversion, pour que nous puissions y être vraiment ce qu'Il veut que nous y soyons et que nous y vivions en étant pleinement et simplement humains.
    Il nous invite à prendre Dieu au sérieux.
    Il fait des merveilles et tient ses promesses.

    C'est pourquoi il nous faut croire à cette présence du Règne de Dieu dans un monde qui ne veut pas le reconnaître.
    Souvent nous nous lamentons de notre petit nombre, de nos faibles forces, de notre impuissance à agir et à vivre pleinement en témoins du royaume.

    Parfois nous nous décourageons, comme si la Mission, la construction du Royaume était notre œuvre à nous, tout seuls, et comme si le salut du monde dépendait uniquement de nos seuls actes.

    Ce découragement n'est-il pas dû à notre orgueil, à notre présomption, mis en échec par la difficulté de faire tout ce que nous rêvions de faire pour bien montrer qui nous sommes ?
    La Mission, c'est d'abord Dieu qui vient et qui accomplit ses merveilles.
    Il les accomplit en nous d'abord, si nous nous laissons saisir et transformer par lui, et par nous, ensuite.

    Par ses longs temps de rencontre avec Celui qui l'avait appelé et qu'il avait décidé de suivre, le regard d'Etienne sur le monde, sur les autres, tous les autres, s'est ajusté, petit à petit, à ce regard de Dieu.
    Comme le dit la chanson " The Rose ", il se souvenait qu'en hiver, sous la neige glaciale, repose cette graine qui, grâce à l'amour du soleil, au printemps, deviendrait une rose.

    Si son regard était lumineux, c'est sans doute, comme le dit Saint Augustin, qu'il avait déjà commencé à contempler la Beauté devant laquelle toutes les beautés pâlissent.

    N'oublions pas que les années de formation d'Etienne ont coïncidé avec les années du concile Vatican II.
    Ce concile a renouvelé la vision de la Mission, vue d'abord comme Mission de Dieu, a porté un regard d'estime sur les croyants d'autres traditions religieuses, a souligné la nécessité pour tous de chercher la vérité, a su discerner dans les réalités humaines bien concrètes la présence discrète, mais réelle, de l'Esprit de Dieu, et a affirmé que le mystère pascal rejoint tout homme par les moyens que Dieu seul connaît.

    C'est de tout cela qu'Etienne s'est nourri, nous a nourris, au point que tout son être est devenu rayonnant de ce regard amoureux, patient et bienveillant de Dieu sur notre monde et sur tous les hommes.
    Se laissant habiter par le Christ et façonner par l'Esprit Saint, comme le maître du champ,

    Etienne savait voir loin, la récolte finale avant l'ivraie envahissante, la graine de bon grain, même bien cachée dans celles de mauvaise herbe,
    il avait l'accueil souriant et bienveillant,
    il misait sur le positif avant de faire remarquer ce qui demandait conversion,
    il s'efforçait d'entrer dans la patience et la miséricorde de Dieu…
    Comme un enfant, il savait s'émerveiller et se réjouir de ce qui est bon, beau et bien en l'autre, et nous apprenait à voir autrement à la façon de Dieu.

    Maintenant que sa vie est cachée, avec le Christ, en Dieu, demandons-lui de nous aider à discerner, avec ce regard de Dieu, les nouveaux horizons et les nouveaux sentiers de la Mission qu'il avait commencé de marcher et sur lesquels il marche maintenant en contemplant Celui vers lesquels ils nous conduisent tous.

    Seigneur, avec Etienne, apprends-nous à dépasser les apparences,
    à savoir regarder les choses, les personnes et nous-mêmes dans ton regard.
    Apprends-nous à découvrir dans le verre d'eau offert, dans le sourire de l'enfant, choses bien simples, les traces de ton Royaume qui se construit.
    Apprends-nous à vivre notre vie chrétienne pleinement, mais humblement.
    Apprends-nous à être humains pour nous-mêmes et pour nos frères,
    remplis de ton espérance et de ton indulgence.
    Que ce temps que tu nous demandes de vivre soit occasion de nous convertir sans cesse.

    Salutation d'ouverture :
    Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude la paix dans la foi
    et que le Seigneur soit toujours avec vous !

    Mot d'accueil :
    Nous sommes nombreux rassemblés ici, dans cette église, autour d'Etienne Renaud, pour faire eucharistie, c'est-à-dire pour rendre grâce à Dieu avec lui et pour lui. Il doit, je pense, en être surpris.
    Nous sommes nombreux, membres de sa famille, membres de la Société missionnaire dont il a été supérieur général, artisans de la rencontre et du dialogue avec les musulmans, compagnons de promotion à l'école polytechnique, amis et amies rencontrés sur les routes du monde, personnes qu'il a accompagnées sur le chemin de Dieu, tous témoins de sa joie de vivre et de croire, habité qu'il était par Celui dont il se voulait le témoin.
    A chacun de nous en particulier, il dit, avec son sourire habituel, ses paroles de Saint Augustin : " Ne pleure pas si tu m'aimes ! "
    Avec lui, Etienne nous invite à tressaillir de joie, car aujourd'hui que sa vie est cachée, avec le Christ, en Dieu, il sait que nos noms sont inscrits pour toujours dans les cieux et, mieux encore, dans le cœur de Dieu.
    Comme lui-même s'est efforcé de l'accomplir tout au long de sa vie, il nous redit :
    Si le monde vous appelle à l'accueil et au partage pour bâtir son unité…
    Si le Père vous appelle à parler de ses merveilles…
    Si l'Eglise vous appelle à semer avec patience pour que lève un blé nouveau…
    Bienheureux êtes-vous ! Bienheureux êtes-vous !

    Oui, notre célébration est célébration de joie et de reconnaissance à Dieu, qui nous a donné de vivre un temps de notre vie avec Etienne.
    C'est aussi notre façon de dire merci à Etienne en célébrant sa vie dans l'offrande que le Christ a faite à son Père de sa vie pour la joie et la vie du monde.

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    Préparation pénitentielle :
    Mais, comme nous cheminons encore dans ce temps du murissement de la moisson, nous nous confions à la miséricorde de Dieu.
    Que son pardon nous ajuste à sa patience, à sa tendresse, à son regard.

    Prière d'ouverture :
    Dieu, notre Père,
    nous te bénissons pour ton serviteur Etienne,
    et nous te le recommandons.
    Tu l'avais choisi parmi les hommes
    pour qu'il soit missionnaire et prêtre à la manière des Apôtres
    et tu l'avais conduit sur les chemins de la rencontre et du dialogue
    avec nos frères de l'islam,
    pour qu'il soit témoin, pour eux, de ta Bonne Nouvelle
    et témoin, pour nous, des merveilles que ton Esprit accomplit dans le cœur de tout croyant sincère.
    Nous ne pouvons pas oublier qu'il avait répondu à ton appel
    par amour pour toi et par amour pour nous.
    Maintenant qu'il a accompli sa mission de rassembler ton peuple,
    de guider ses frères, missionnaires d'Afrique,
    et de te chercher, toi, le Seul Vrai,
    avec nous et avec ceux qu'il a rencontrés et avec lesquels il a dialogué en profondeur,
    donne-lui de vivre, en Toi, transfiguré en la Présence de Jésus Christ, ton Fils,
    qui vit et règne, avec toi, dans l'unité de l'Esprit,
    pour les siècles des siècles. Amen.

    Prière sur les offrandes :
    Dieu, notre Père,
    écoute les prières que nous t'adressons pour ton serviteur Etienne :
    que cette eucharistie lui permette d'atteindre la claire vision des mystères qu'il a célébrés,
    et de cheminer dans les sentiers nouveaux de la Lumière et de la Vie.
    Nous te le demandons par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.

    Prière après la communion :
    Dieu, notre Père,
    ton Amour et sans mesure,
    et ta Miséricorde est infinie,
    après avoir reçu le sacrement qui nous donne part à ta Vie,
    nous te prions pour ton serviteur Etienne.
    Tu l'avais chargé de distribuer à ses frères
    toutes les richesses de tes dons gratuits :
    accorde-lui maintenant d'en être enfin comblé dans ton Royaume.
    Nous te le demandons par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
    qui vit et règne avec toi,
    dans la communion de l'Esprit Saint, pour les siècles des siècles.

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