Voix d'Afrique N°111.

Le Burkina Faso délaisse
le coton Bt transgénique
et revient au coton conventionnel


Dans plusieurs articles de son site ABC Burkina, notre confrère Maurice Oudet raconte combien les burkinabé ont été déçus du coton transgénique. Monsanto, entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles, a introduit le ¨gène Bt˜ dans les semences burkinabé pour conférer aux plantes la résistance aux insectes. Mais le coton burkinabé, apprécié pour la longueur de ses fibres, est devenu un coton tout ordinaire, sans intérêt et sans débouché commercial. Monsanto disait qu’en ajoutant seulement un gène, on ne changeait pas le produit
et qu’il n’y avait pas besoin de s’inquiéter...

Père Maurice Oudet, M.afr.,
Président du SEDELAN.
Service d’édition au service du monde rural
et des organisations paysannes du Burkina Faso.

Au Burkina Faso, il existe trois sociétés cotonnières (Sofitex, Socoma et FasoCoton). Elles possèdent toutes les semences de coton du pays. Frustrées par l’incapacité de Monsanto à identifier et corriger la baisse de la qualité, les entreprises ont fixé un calendrier pour l’abandon progressif du coton Bt et un retour aux cultivars conventionnels burkinabés.

L’apogée de la culture du coton Bt a été atteinte en 2014/2015 avec 73 % des cotonniers qui étaient transgéniques. Ce taux est passé à 53 % en 2015/2016, et ils estiment qu’il passera à 30 % en 2016/2017 avant un abandon total de ces semences lors de la campagne 2017/2018.

En effet, si le coton Bt de Monsanto fait perdre beaucoup d'argent aux trois sociétés cotonnières et à l’État burkinabé, pourquoi ne pas l'avoir abandonné totalement en 2015 ? Pourquoi ne pas l'abandonner dès cette année. La réponse est simple :

La baisse aurait pu être plus forte en 2015/2016 mais la filière n’avait pas assez de semences conventionnelles pour répondre à la demande ; et elle n'a toujours pas assez de semences conventionnelles pour l'abandonner totalement dès cette année.

Oui, la réponse est simple. Mais il faut nous y attarder, car elle est révélatrice de la menace qui pèse sur l'ensemble des semences de notre planète. Si nos trois sociétés cotonnières avaient poursuivi leurs efforts pour imposer le coton OGM, cette année ou en 2017 nos semences conventionnelles, de qualité auraient disparu et avec elles l'espoir de retrouver « le label coton burkinabé ».

En 2004, année internationale du riz, la FAO estimait qu'il existait environ 140 000 espèces de riz dans le monde.
Avec la révolution verte, le nom-bre de variétés de riz cultivées en Thaïlande est passé de 16 000 à 37. Pire, la moitié des surfaces cultivées concerne seulement deux variétés. Ce sombre constat invite à « concentrer les principaux efforts sur le retour aux cultures locales et aux systèmes alimentaires traditionnels. tout est lié ! L'agriculture, l'alimentation, la santé, l'économie, l'énergie, le politique…» Ce n'est ni la Via Campesina, ni des organisations indigénistes qui le disent, mais la FAO.


Vandana Shiva, née en Inde, est l'une des chefs de file des écologistes au niveau mondial,
notamment pour la promotion de l'agriculture paysanne traditionnelle et biologique.

Trois multinationales contrôlent 50 % du marché des semences.
Trois multinationales, Syngenta, Monsanto et Dupont-Pioneer contrôlent 50 % du marché des semences. Les deux premières possèdent aussi quantité de variétés protégées, 60 % des tomates vendues en Europe et 70 % des choux-fleurs. Monsanto et Syngenta, gros producteurs de pesticides, veulent vendre leurs produits par lot, les semences avec les engrais et les pesticides adaptés. En plus, ces grands sélectionneurs utilisent des variétés stériles. Effet pervers de cette mainmise, le nombre de variétés s’appauvrit, et avec lui la diversité génétique. » Et le paysan aussi s'appauvrit.

Tout est lié ! L'agriculture, l'alimentation, la santé, l'économie, l'énergie, le politique…
Comme ce paysan thaïlandais qui me disait devant son champ : « Avant, j'utilisais les produits chimiques… et je me suis endetté ».

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Il m'a expliqué qu'avant, il achetait ses semences auprès d'une grande société semencière, mais aussi les engrais et les pesticides qui allaient avec. Depuis, il a rejoint un groupe de « paysans-chercheurs ». Ils ont trouvé des variétés paysannes qui n'ont pas besoin d'engrais chimiques ni de pesticides chimiques. Ils utilisent des engrais organiques et des pesticides naturels fabriqués à partir de charbon de bois… et ils ont les mêmes rendements qu'avec les variétés industrielles, mais sans s'appauvrir.

Mais comment écrire une lettre sur la menace qui pèse sur les semences paysannes, sans mentionner Vandana Shiva, une pionnière. Je le fais à partir de l'interview de Cyril Dion dans son livre.
Vandana Shiva s'exprime ainsi : « Peu de personnes ont conscience que les semences sont à l'origine de ce qui nous permet de vivre sur cette planète. Sans semences, pas de nourriture, pas de vêtements, pas de bois… Prendre le contrôle sur les semences revient à prendre le contrôle sur l'ensemble de la société… Dès 1987, j'ai eu la chance d'assister à une rencontre d'industriels, supposément secrète, qui détaillait les intentions des multinationales des semences en terme d'appropriation juridique et intellectuelle… »

« Je pense que nous devons consacrer 90 % de notre temps à élaborer des alternatives dans tous les domaines (agriculture, énergie, économie…), y compris politique. En Inde nous avons par exemple créé Navdanya, une organisation qui permet aux paysans de produire et d'échanger gratuitement des semences anciennes et bio. Nous avons installé 120 banques de graines communautaires. Mais, si nous ne passons pas les 10 % restants à surveiller le système politique, nous acceptons implicitement que le pouvoir des gouvernements et des élus soit soumis à de gigantesques multinationales… Nous pouvons être une force destructive pour cette planète, mais nous pouvons également être une force créatrice, qui prend soin » Oui, à nous de choisir !

Tout est lié ! L'agriculture, l'alimentation, la santé, l'économie, l'énergie, le politique…

Père Maurice Oudet, M. Afr.
Président du SEDELAN
http://www.abcburkina.net/fr/


 

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