Voix d'Afrique N°81.....

JUSQUES A QUAND… L’EXPLOITATION
DES FEMMES ?

 

Le 29 octobre 2008, Sœur Lea Ackermann, Sœur Missionnaire de Notre-Dame d’Afrique (Sœur Blanche), allemande, a reçu la distinction de Docteur Honoris Causa de la Faculté de théologie de l’université catholique de Lucerne en reconnaissance de son engagement envers les femmes en détresse, car chaque année quatre millions de femmes se trouvent dans des situations de trafic sexuel.
Sœur Margaret Kennedy nous parle de Sœur Léa.

En 1985, Sœur Léa Ackerman part au Kenya comme enseignante dans une école normale.
Dès son arrivée, au milieu des bidonvilles, Léa rencontre des femmes que la pauvreté oblige à se prostituer pour gagner leur vie. En effet, Mombasa, centre de tourisme et port militaire, est un centre où la prostitution est importante. Beaucoup sont veuves ou abandonnées par le père de leurs enfants. Très peu sont allées à l’école. Leur vie ? Pauvreté, exploitation, maladies, violences…
Réaliste et consciente de ce douloureux problème, Léa fonde sans tarder : “ SOLWODI “ de l’anglais (Solidarity with Women in Distress = solidarité avec les femmes en détresse). Elle ouvre un centre d’écoute à Mombasa, pour aider les prostituées. Certes à ces débuts, le Centre doit se contenter d’un vieux baraquement, mais aujourd’hui, c’est une institution reconnue des pouvoirs publics.

En réalité, de quoi s’agit-il ?
Solwodi mise sur les capacités des femmes à se prendre en charge, au lieu de compter sur l’assistance extérieure. Ain-si, elles peuvent espérer retrou-ver leur dignité et le respect d’elles-mêmes. Solwodi leur offre : écoute, découverte de leurs dons, formation à la prévention, instruction, formation professionnelle. L’association leur donne aussi la possibilité de mettre sur pied de modestes coopératives qui les aideront à ouvrir des boutiques ou de petits commerces. En outre, on les encourage à s’entraider mutuellement, en formant des groupes de soutien.

Que dire sur l’esprit de Solwodi ?
Sinon que, dès le début, respect et tolérance, sont la toile de fond de toutes les démarches ou rencontres, qui se vivent au Centre.
Lorsque chaque mois, les fem-mes se retrouvent pour discuter de leurs problèmes, de leurs réus-sites, et pour échanger leurs idées, les réunions commencent toujours par une prière. Elles la prennent en charge à tour de rôle, chrétiennes et musulmanes. Dans ces groupes, le respect mu-tuel et la tolérance envers les différentes religions sont remarquables. D’ailleurs, toutes ces femmes croient profondément en Dieu ; elles sont sûres que dans l’avenir, il les aidera.

De mère en fille
Les filles des “travailleuses du sexe“ (comme on dit), sont particulièrement vulnérables. Elles sont souvent l’objet d’abus sexuels de la part des clients de leurs mères, ou se sentent obligées de les imiter pour les aider à subvenir aux besoins de la famille. Au Kenya, les filles sont souvent désavantagées par rapport aux garçons. Quand il n’y a pas assez d’argent au foyer, ce sont les garçons qu’on envoie à l’école, tandis que les filles sont contraintes de rester à la maison pour faire vivre la famille. Certes, les écoles primaires au Kenya sont gratuites, mais il faut payer les uniformes, les livres et le transport. Evidemment, cela dépasse les possibilités de tous ceux et celles qui vivent dans les bidon-villes.

En 2002, pour mettre fin à ce cercle vicieux, “ SOLGIDI “ (Solidarity with Girls in Distress) voit le jour. Ce projet conçu pour aider les filles en détresse, est soutenu par “Solwodi-Alle-magne“. Solgidi finance les dé-penses scolaires et soutient les familles par des visites et des conseils, mais aussi en maintenant des liens entre parents et enseignants.

Plus tard, quand une fille quitte l’école primaire, on l’adresse à Solwodi qui va l’aider à mettre sur pied un projet, un petit commerce ou toute autre activité, qui pourra l’aider à subvenir à ses besoins. Les “amies de lumière“ (comme elles aiment à se nommer) se regroupent régulièrement pour des activités : groupes de danse, chorale, équipes de football ; ceci à côté des activités normales de Solwodi.
Enfin, le point important dont on ne saurait faire l’économie est celui du fonctionnement de Solwodi. Ce dernier est financé par des dons et des fonds, en provenance de plusieurs organis-mes ou institutions tels que : “le Centre national de contrôle du Sida“. Il coopère avec les dispen-saires locaux ; il est aussi en relation avec le “Bureau de la Jeunesse“ de Mombasa et avec d’autres organismes.
A ce jour, Solwodi emploie cinq assistantes sociales à plein temps, une conseillère à mi-temps et deux secrétaires. Des volontaires, Kenyans ou Européens, donnent également de leur temps.


De là-bas à ici…
Le temps venu, Léa retrouve son pays natal, l’Allemagne. Et là, elle réalise que même en Europe occidentale, des femmes sont ex-ploitées, maltraitées et poussées à la prostitution. Dès lors, forte de son expérience africaine, elle lance un “Solwodi allemand “ !
Les deux premières conseillères ont commencé leur travail en Rhénanie Palatinat. Aujourd’hui, conseil et soutien continuent à toucher un grand nombre de ces femmes immigrées, se trouvant en difficulté en Allemagne. Elles viennent de partout : Afrique, Asie, Amérique Latine, Europe centrale et orientale.

Comment sont-elles amenées à entrer en contact avec Solwodi ?
Pour diverses raisons : certaines sont obligées de se prostituer. D’autres sont victimes de violences conjugales, d’autres encore, menacées de mariage forcé ou victimes d’agences matrimoniales trompeuses. Quelques-unes ont été “importées“ en Allemagne et se retrouvent sans papier.

L’écoute de ces femmes immigrées, à un moment où elles se trouvent en situation de crise, n’est pas une tâche facile. Il faut pour cela beaucoup de doigté et surtout considérer plusieurs aspects importants comme : l’aspect légal avec les lois sur l’immigration, le droit du travail et de la famille, l’aspect psychologique, l’environnement culturel et familial…

Petit à petit, les conseillères de Solwodi ont construit un vaste réseau, les mettant en contact avec des institutions et des orga-nismes allemands, ou étrangers. Ainsi, elles peuvent entrer rapidement en contact avec des experts, sur lesquels elles peuvent compter. Les conseillères expliquent à ces femmes de quelle façon Solwodi peut les aider. Par exemple, en leur proposant des cours d’allemand ou une formation professionnelle, en les accompagnant chez le médecin, dans les administrations, chez l’avocat ou au tribunal, suivant le cas.

Lorsqu’il s’agit de prostituées, il faut parfois trouver un lieu d’accueil dans un des foyers anonymes de Solwodi. Cela peut arriver lorsqu’on travaille en collaboration avec les services de protection de l’Etat, pour les personnes qui se présentent comme témoins, pour dénoncer un trafic. Ainsi, il est arrivé que Solwodi mette sur pied, un réseau de protection en lien avec la police.

Enfin, pour augmenter sa crédibilité et son champ d’action, Solwodi fait un travail d’information, en se mettant en relation avec la presse et en organisant des cours à destination des mem-bres des ONG et de la police.

Au vu de cette réalité, force nous est de reconnaître l’intérêt de l’action et du travail de Léa auprès des femmes, victimes de ce trafic. Elles sont amenées au Centre après des raids sur des maisons de prostitution. Là, elles sont prises en charge dans leur détresse, et petit à petit le Centre les aide à se relever. Parallèlement, les campagnes d’information et de prévention, associées aux stages de formation professionnelle, les aident à reconstruire leur vie, dans la dignité et la confiance.

Sr Margaret Kennedy
SMNDA

Voir aussi sur ce sujet : Amis de la Mission n° 121
et la page web

Combattre le fléau de
la prostitution internationale

Fondé au Kenya, en 1980, pour l’accueil des jeunes femmes soumises au tourisme sexuel, SOWOLDI poursuit et élargit son œuvre, depuis 1987, en Allemagne.

Chaque année 4 millions de personnes se trouvent dans des situations de trafic sexuel. Cela génère 7000 millions de dollars de bénéfices. Parmi ces personnes, un nombre grandissant de femmes est victime du “ trafic humain “. Il y a des réseaux organisés, où les femmes sont trompées, et il y a aussi ceux qui “ profitent “ de la situation de pauvreté dans les pays du Tiers Monde pour ramener des jeunes femmes et les utiliser comme des objets sexuels.

SOWOLDI lutte contre ce fléau et aide celles qui en sont victimes. La police, les voisins ou les femmes elles-mêmes, contactent SOLWODI qui leur procure une assistance juridique pour protéger et aider ces femmes à présenter correctement leur requête devant le juge, car elles sont illégales et ont peur. SOWOLDI est arrivé à changer certaines lois allemandes pour que ces femmes, même en situa-tion illégale, ne soient pas expulsées car elles sont victimes d’un délit plus grave.

Si les femmes désirent retourner dans leur pays, SOWOLDI les aide financièrement en vue d’une formation. Quand elles retournent chez elles, des maisons religieuses les accompagnent et les soutiennent.
SOWOLDI a des collaboratrices/teurs dans 95 pays. Un des rôles de SOWOLDI consiste à informer le public allemand sur ce fléau de l’exploitation sexuelle des femmes. Solwodi est devenue une œuvre à ramifications nombreuses avec la collaboration d’autres congrégations qui ont mis à disposition des Sœurs ainsi que des locaux pour l’accueil et l’assistance.
Aujourd’hui, Solwodi est animé par un réseau de 37 volontaires. Il a des ramifications au Kenya et au Rwanda.

Sr Léa fut nommée “ femme d’Europe “ en 1999. prix remis par la vice-présidente du parlement allemand.
« Par votre énergie et votre courage dans votre œuvre, le service de la solidarité avec des femmes dans la misère, vous avez bien mérité cette distinction. »
Professeur Dr Ruth Scoralick Dekanin de la Faculté de Théologie de Lucerne


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