Voix d'Afrique N°94.

Kwame Nkrumah
Le père du panafricanisme

Le 6 mars 1957, la « Gold Coast » (Côte-de-l’Or) accède à l’indépendance et prend le nom de Ghana, en souvenir de l’ancien empire de l’Ouest africain. Kwame Nkrumah a été le premier artisan de cette indépendance. Mais sa vision dépasse les intérêts de son seul pays et, toute sa vie, il va œuvrer pour l’Unité africaine.

 

Kwame Nkrumah est né en 1909 à Nkroful, un village du sud ouest du pays. Il était le fils unique de ses parents. En 1935, il quitte son pays pour aller aux États Unis étudier l’économie et la sociologie. Il lit des auteurs noirs et se plonge dans l’histoire politique américaine. Là, il comprend que la puissance des États-Unis réside dans son unité. En 1943, il écrit son premier pamphlet anti-colonial Towards colonial freedom, dans lequel il dénonce l’asservissement de l’Afrique. En 1945, il part à Londres pour des études de droit. Rapidement, il se laisse gagner par l’ambiance politique qui règne dans les groupes issus des colonies. Il travaille aux côtés de politiciens africains qui deviendront les pères de l’indépendance dans leur pays, entre autres Jomo Kenyatta, futur président du Kenya.

Nkrumah rentre triomphalement au pays en 1947 et prend la tête du nouveau parti pour l’Indépendance ‘United Gold Coast Convention’. A cause de son action, Nkrumah est emprisonné, en 1948, pour agitation politique lors d’une manifestation contre le gouvernement : il devient alors un martyr politique, rôle qui lui plait et qu’il cultive. La pression est grande et l’Angleterre est obligée de faire des concessions.

Devenu le premier ministre de la Côte de l’Or en 1952, Nkrumah voit son nouveau parti, le CPP (Convention People’s Party) gagner toutes les élections organisées par les Britanniques. Le 6 mars 1957, le combat de la première révolution arrive à son terme : la Côte de l’Or devient indépendante.

En 1960, Nkrumah devient le président du premier État indépendant d’Afrique, et, pris dans l’euphorie de la victoire, il voit grand. Il veut agir pour la libération des pays encore soumis à la domination coloniale. Sa politique extérieure est toute entière dédiée à la construction de l’Unité africaine qu’il pense comme une fusion intégrée des États indépendants et non comme leur simple coopération. Sa doctrine originale est empreinte d’un marxisme non orthodoxe associé au concept traditionnel africain de collectivisme. Elle vise « la résurrection des valeurs humanitaires et égalitaires de l’Afrique traditionnelle dans un environnement moderne ». En 1963, Nkrumah devient l’un des pères-fondateurs de l’Organisation de l’Union Africaine qui, toutefois, délaissera vite les idées trop radicales du Ghanéen.

Très vite, le rêve de Nkrumah d’une Afrique unie se heurte aux idées des nouveaux leaders de pays indépendants qui ne veulent pas renoncer à leur toute nouvelle souveraineté. Nous sommes en période de guerre froide et l’Unité africaine est vécue comme une manœuvre pour soumettre toute l’Afrique au communisme. Le président ghanéen est désavoué sur la scène africaine et internationale. Les ex-puissances coloniales le diabolisent pour museler la voix de cette Afrique radicale, compromise dans le léninisme.

Au Ghana, c’est l’échec de la politique économique de la « seconde révolution » de Nkrumah. Le pays est ruiné par les dépenses nationales et quand la population descend dans la rue exprimer son mécontentement, elle est réprimée dans le sang.

En 1962 et 1964, Nkrumah connaît deux tentatives d’assassinat. Il tombe alors dans l’excès de la mégalomanie et prend des mesures très sévères pour se protéger. Il emprisonne sans procès certains de ses ministres qu’il soupçonne de complicité et s’entoure d’une armée de gardes du corps. Il se proclame alors président à vie de la République du Ghana et instaure le parti unique. En février 1966, pendant son voyage en Chine, l’armée fait un coup d’État et destitue Nkrumah. La colère accumulée par le peuple refait surface et les manifestations spontanées éclatent dans le pays pour célébrer sa chute. C’est la fin du rêve ghanéen et africain pour Kwame Nkrumah. Acculé, il ne revient pas au Ghana et s’exile en Guinée. Il meurt d’un cancer en 1972, dans un hôpital à Bucarest, en Roumanie.

Certes, Nkrumah n’a gouverné son pays que durant cinq ans avant de connaître la déchéance. « Longtemps impopulaire, on retient aujourd’hui de lui la portée visionnaire de ses ambitions panafricaines. L’éveil d’une conscience africaine, la construction d’une unité humaine, politique et économique, maîtresse d’un destin qui lui appartient, tous ces thèmes sont au cœur de la pensée panafricaine contemporaine. »

Voix d’Afrique


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