Témoignages

Ils écrivent de l’Afrique…

Du Burkina Faso, Jo Clochard

Le souci du dialogue interreligieux

Photo agrandie prise à RomeJoseph Clochard est à Tionkuy, au B. F. Avec Herbert Schwarz, un confrère allemand, ils encadrent 21 les jeunes sur la “Colline de la Rencontre-Emmaüs” Jo poursuit aussi un travail de formation et de rapprochement entre chrétiens et musulmans. Il est en communauté avec nos confrères Gabriel Pichard et Gabriel Fontaine.

Me voila de retour au Burkina après mon séjour de trois mois en Europe. La situation sur place à la fin de l’hivernage : cette saison des pluies a été spécialement tardive et abondante dans la région de Dédougou. Les dernières pluies datent de fin octobre, chose tout à fait exceptionnelle. Ce qui veut dire que, cette année, les récoltes de mil, maïs, haricots, arachides sont bonnes.

Le danger dans ce cas-là, c’est que, par nécessité vitale, on vende aux commerçants à bas prix qui, eux, vont stocker pour le revendre au prix fort à l’approche de la prochaine saison… Mais il y a aussi des villages où les paysans font des groupements de paysans et s’organisent pour un grenier à mil coopératif… Au Burkina, 80 % de la population vit de l’agriculture. On peut dire que les paysans continuent à s’organiser et progressent aussi dans leur méthode de culture et d’élevage. La menace en fait vient beaucoup de l’extérieur à cause du commerce extérieur et des accords internationaux qui sont entrain de se mettre en place. La confédération paysanne se bat pour que soit reconnu le droit à la “souveraineté alimentaire” et que l’agriculture ne soit pas un bien commercial au même titre que l’ensemble des biens de consommation. Je vous invite à aller sur le site www.abcburkina.net avec ses articles “Sud vu par le Sud”.

Gabriel PichardGabriel FontainePour ce qui est de ma vie de communauté de missionnaire d’Afrique, à Tionkuy, je suis cette année encore en communauté avec mon ancien, le Père Pichard, 85 ans et toujours bon pied bon œil, prêt à tous les services, spécialement le soutien des jeunes de la Colline et aussi la lutte contre le SIDA par le changement de comportement ! Un bel exemple pour nous, “les jeunes ! Le Frère Fontaine s’occupe toujours de la pastorale familiale au niveau du diocèse avec une équipe formée dans ce domaine. Il travaille aussi dans le cadre de “Prisonniers sans frontières” à améliorer les conditions de vie dans la prison de Dédougou et il y a fort à faire pour lutter contre la corruption organisée sur le dos des prisonniers. Il vient d’être nommé à la Commission diocésaine de “Justice et Paix”.

Quant au Frère Herbert Schwarz, et moi-même, nous sommes avec les jeunes sur la Colline de la Rencontre-Emmaüs. Ils sont 21 encore cette année à venir vivre ensemble et avec le Seigneur une expérience de vie humaine et chrétienne. Voici presque trois mois que nous sommes ensemble et, vraiment, c’est une bonne équipe, venant de différentes ethnies : samo, mossi, bwaba… Notre chapelle est presque terminée mais un problème avec l’entrepreneur qui a, tout à coup, hors contrat, majoré les prix de façon significative et sans justification, fait que nous sommes actuellement entrain de chercher des chemins d’entente…

Pour moi-même, je continue mon travail de formation et de rapprochement entre chrétiens et musulmans. Les propos du Pape à Ratisbonne nous ont montré une fois de plus que ce travail à la base et avec les leaders musulmans est plus que jamais nécessaire, même s’il est difficile. Je viens de donner une conférence à des jeunes prêtres (25 à 30) du diocèse de Ouagadougou sur le thème “Islam et violence ? “Islam et pouvoir ? Je viens de participer à Ouagadougou à deux importantes réunions des Commissions pour le dialogue avec l’Islam au niveau national et de l’Afrique de l’Ouest. Je veux témoigner que, dans nos pays sub-sahariens, il fait bon vivre entre croyants de différentes religions, au moins dans son ensemble.

Je voudrais vous partager une de mes convictions dans ce travail de dialogue interreligieux, spécialement dans les événements récents qui ont fait tellement de bruit. Pour l’exprimer, je prends les termes de mon confrère, le Père Jean Marie Gaudeul, qui vient de passer six ans à la tête du SRI (Secrétariat des Relations avec l’Islam en France) et qui connaît ce dont il parle :

Dans ce domaine, “curieusement, la ligne de démarcation se partage le monde entre chrétiens et musulmans. Elle passe dans chacune des deux communautés et les divise, chacune, en deux courants antagonistes : il y a ceux qui sont “pour” et ceux qui sont “contre”. Pour ou contre la rencontre de “l’autre” !…

Cette attitude se rencontre chez les chrétiens comme chez les musulmans. Toute discussion est inutile, car ce qui est déterminant, dans cette position, ne se situe pas au niveau des idées, mais de la volonté. La vraie question qui mériterait d’être posée est celle-ci : quel est ton choix profond ? Veux-tu éliminer les “autres”, les “croyants différents”, de ta vie et de ton environnement ? Élever des murs de séparation qui divisent l’humanité en blocs indifférents ou hostiles les uns aux autres ? Veux-tu, au contraire, bâtir un monde nouveau où les différences se muent peu à peu en besoin d’amitié ? …

C’est un choix à faire, en toute lucidité, car on risque d’y prendre des coups. Si l’on fait ce choix, on découvre qu’il est contre-productif de dénigrer systématiquement les “autres”. Il ne s’agit d’ailleurs pas de les idéaliser, mais de recevoir de Dieu, jour après jour, la faculté de discerner chez les “autres” (et en soi-même aussi, sans doute) ce que Dieu sème en eux et qui peut porter des fruits d’amitié et de service désintéressé. Il faut choisir de croire que le même et unique Dieu fait de “toute vie humaine une vocation” (Populorum Progressio N° 15) et qu’il parle au cœur de chacun pour l’appeler à mettre plus de paix et d’amitié entre les humains, quelle que soit leur culture ou leur religion…
Chrétiens ou musulmans, le choix qui nous est offert n’est pas celui de la naïveté ni celui de la méfiance : il est celui d’un engagement à tenir, ensemble, sans nous laisser décourager par les échecs, le pari de l’amitié, à la fois lucide et chaleureuse. “

C’est peut-être le souhait que nous pouvons nous souhaiter les uns les autres

Joseph dit Jojo