Voix d'Afrique N°74

Deux Témoignages:


Voici le témoignage de deux jeunes Missionnaires ordonnés en 2006.
L’un, Mariusz, est Polonais, l’autre, Magloire, est Togolais.
Ils nous disent quelles ont été leurs premières expériences missionnaires,
leurs parcours jusqu’au sacerdoce et leurs attentes pour l’avenir.

LE LONG CHEMIN DE MAGLOIRE

Une grande famille

Ils sont une quinzaine de gamins et gamines qui partagent tout, le toit et la table, les jeux et les travaux ; ensemble ils courent à l'école tôt le matin, balayent la maison, tapent le ballon dans la rue, chantent et prient ensemble : c'est la grande famille dans un village du nord Togo. Magloire Bamali est l'un d'eux, un enfant heureux. Son père a réussi, à force de travail, à s'élever au rang de fonctionnaire dans les Postes togolaises ; il accueille nièces et neveux, cousines et cousins ; c'est normal dans la culture africaine. La famille élargie fait partie du mode de vie normal. C'est la première école de Magloire, école de communauté, de service rendu et reçu. C'est une famille chrétienne de première génération. Le soir tout ce petit monde s'agite pour le nettoyage et la vaisselle, puis se rassemble pour la prière autour de papa et maman.

Un enfant heureux

L'école n'est pas très loin, avec l'église et les terrains de jeux. Pour Magloire et ses frères et sœurs, c'est le lieu du travail et des jeux. Le curé est missionnaire des Missions Africaines de Lyon ; il les entraîne dans des mouvements d'Action Catholique de l'enfance, Cœurs Vaillants ou Légion de Marie, la visite aux pauvres et aux malades, aux vieillards et aux handicapés du village. Après quelques parties de football, les jeunes vont ramasser du bois et remplir les cruches d'eau pour les grands-pères et les grands-mères du village. Magloire prend naturellement sa place dans le groupe des enfants de chœur, à la chorale ; il s'initie même à l'harmonium pour accompagner les chants. Sans surprise il envisage de devenir prêtre, comme le curé de sa paroisse. Petit à petit son idéal prend forme : donner sa vie pour animer une communauté. C'est ainsi qu'il continue son éducation primaire, puis secondaire. Sa grande sœur, Yvonne, a réussi et peut l'aider financièrement dans ses études. Le papa, de son côté, s'occupe de la scolarité des autres enfants de la grande famille.

Un idéal

Un soir, Magloire regarde la télévision avec ses frères et ses amis. C'est le programme de France 5 : un reportage sur des missionnaires rédemptoristes en Amazonie. C'est un coup de cœur. Magloire va voir son curé : " Je voudrais devenir missionnaire comme celui qu'on a vu à la télé ; je voudrais vivre avec les pauvres et partager tout avec eux ". Mais le bon missionnaire lui répond : " Magloire, ton Eglise est ici ; elle a encore bien besoin de prêtres. " Mais il ne se décourage pas. Il entre en relation avec les rédemptoristes dont il a aperçu le dévouement à la télévision. Il rencontre un jeune religieux togolais qui lui présente la vie religieuse comme particulièrement exigeante. Mais ce sont des religieux, avec les trois vœux, surtout celui de pauvreté, ce qui risque de rompre les liens de solidarité avec la famille. Il se sent appelé à autre chose.

Il continue à chercher, à prier. Sa tante Aurélie est mariée au Québec : elle lui parle des Pères Blancs, très populaires dans la Belle Province. Il prend son stylo pour lui écrire, et Richard Dandenault, le Provincial des Missionnaires d'Afrique, lui répond. Il l'encourage à se mettre en relation avec le responsable des vocations au Burkina Faso voisin. Mais eux, ils ne sont pas pressés. Il faudra attendre un an ou deux. D'accord ! Il s'inscrit à la faculté de lettres de Lomé pour étudier la philosophie. Yvonne, sa grande sœur, voudrait bien le voir entrer à l'école des médecins militaires, de telle sorte qu'il puisse prendre son relais et s'occuper de la famille.

Mais la voix intérieure est plus forte. Il est enfin accepté pour le tout nouveau séminaire de philosophie des Missionnaires d'Afrique de Kossoghen. Magloire en informe Yvonne, sa grande sœur. Il s'attendait à sa réaction?: " Magloire, tu n'as donc pas pitié de moi ? Vois, j'ai payé toute ta scolarité jusqu'à présent, et maintenant tu veux partir. Tu pourrais avoir une vie confortable comme médecin militaire et tu pourrais continuer à aider papa et maman, ainsi que toute la famille ! " Mais Magloire sait ce qu'il veut ; il insiste. Sa grande sœur le laisse enfin partir.

La chapelle de la maison de formation Lavigerie à Kosoghen au Burkina FasoUne nouvelle famille A Kosoghen, quartier de Ouagadougou, Magloire trouve une nouvelle famille. Ils ne sont que deux togolais, un peu perdus au milieu de Maliens, Burkinabé, Ivoiriens. C'est le premier choc culturel, surtout dans les relations communautaires. Non seulement les langues sont diverses - bien que le français soit la langue commune - mais les façons d'entrer en relation, de surmonter les frictions, les conflits peut-être, d'aller plus loin que les incompréhensions, sont autant d'obstacles à surmonter. Heureusement, et c'est une nouveauté pour Magloire, les relations avec les formateurs sont très simples, cordiales, car le maître mot est " d'être soi-même ". Bas les masques ! C'est déjà tout un programme ! Le temps est partagé entre études et prières, rencontres et travaux manuels, partages en équipe et sports. Le désir de Magloire s'approfondit et il est tout heureux de se voir choisi pour continuer sa formation spirituelle … à Kahangala, en Tanzanie.

Approfondissement spirituel

Le lac Victoria (68 800 km²)dans la région de Mwanza, TanzanieQuel voyage ! De Ouagadougou, il part en avion pour Abidjan, puis Johannesburg, de l'autre côté de l'Afrique, de là, escale à Blantyre au Malawi et arrivée à Dar-es-Salaam, en Tanzanie, au bord de l'océan Indien. La dernière étape c'est trente six heures de train avant de poser les valises à Mwanza, près du lac Victoria. Cela donne l'occasion à la dizaine d'étudiants de faire connaissance. C'est une autre Afrique, une nouvelle étape, une nouvelle communauté avec des jeunes venus, comme lui, d'autres pays d'Afrique, animés d'un même désir, celui de devenir missionnaires à la suite du Christ. Les études, les lectures, les temps de réflexion sont orientés vers un seul but, non pas un diplôme, mais le silence, pour se connaître, pour mieux se donner, connaître le Christ et faire tomber tous les masques, pour se trouver en vérité.

Le jour de l’ordination de MagloireChaque semaine, Magloire va passer un temps assez long pour partager avec le missionnaire qui l'accompagne. Chaque jour, il prend une heure ou deux de silence, à la lumière de l'Evangile pour aller d'une connaissance livresque, moralisante de l'Evangile à une rencontre personnelle avec le Christ. Enfin, après des semaines de prière, de silence face à Jésus, d'écoute fervente de sa parole, il en arrive à renoncer à tout projet pour s'en remettre totalement à Son Projet à Lui. La conclusion est simple : " Tout ce que tu fais au plus petit de tes frères, c'est à moi que tu le fais. "


Chez les plus pauvres

Le plus petit de ses frères, ce n'est pas à lui de le choisir. Magloire est envoyé dans une léproserie. Il balaie, lave, panse, nettoie les plaies, débouche les toilettes, sert à table et aide pour tous les besoins de la vie quotidienne les lépreux dont personne ne veut s'occuper. Il les écoute, accueille doucement leurs réclamations, les encourage, essuie leurs larmes et rit avec eux.

Magloire avec ses parentsL'expérience missionnaire se poursuit avec le stage, à Tabora, à l'Est de la Tanzanie. C'est l'ancien carrefour des caravanes d'esclaves. Première démarche : apprendre la langue. Le kiswahili n'est pas très compliqué, mais tellement différent de sa langue maternelle ! Au bout de trois mois, il est enfin lancé dans la mission. Qui se ressemble s'assemble : Magloire va vers les jeunes. Ils sont chrétiens ou musulmans, mais le ballon n'a pas de religion. C'est la première école de la rencontre. Magloire leur fait découvrir leur projet commun, la liberté vraie et le bonheur de vivre ensemble. Chaque samedi ou dimanche, il enfourche sa petite motocyclette pour porter l'eucharistie à quelques communautés chrétiennes éloignées du centre. Il roule trente ou cinquante kilomètres sur la piste. Il est chaque fois impressionné par l'accueil que lui réservent les chrétiens et la joie qu'ils ont de pouvoir communier à l'eucharistie.

Enfin, après deux ans de brousse, il reprend l'avion pour continuer ses études. Il fait sa théologie à Toulouse. Il a été ordonné prêtre il y a quelques mois. Ses cantines sont prêtes pour la nomination qu'il espérait : il repart en Tanzanie, où l'attendent tant d'amis, et à travers eux, c'est à la rencontre du Christ qu'il continue son long voyage.?

Voix d'Afrique

Autres photos du serment , de l'ordination presbytérale

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