Du livre du P. Vandrisse

Le rallye de la solidarité

Ouagadougou, 29 janvier 1990 - Le bâtiment semble un peu désuet à côté des nouvelles constructions officielles, moins inspirées par l'art local que par celui des 'pays frères' d'un monde communiste qui s'écroule. Nous sommes au conseil de la Communauté économique d'Afrique de l'Ouest (CEAO). L'hémicycle fait plutôt penser à une salle de cinéma. Les invités attendent Jean-Paul II. Lui, dans la cathédrale de l'Immaculée Conception, à un kilomètre de là, achève dans un silence exemplaire la prière communautaire.

Ce soir du 29 janvier, il a décidé d'attirer l'attention sur la misère de l'Afrique. Il veut faire savoir aux pays riches de l'hémisphère Nord que ce continent est atteint de maux qui le blessent au plus profond. Il songe à la parabole évangélique du pauvre Lazare mendiant les miettes tombant de tables opulentes.

Depuis son départ de Rome pour ce sixième voyage africain, il a parcouru les îles du Cap-Vert, battues ce jour-là par le vent, visité la Guinée-Bissau où les besoins élémentaires sont criants, ensuite le Mali où l'indigence, moins apparente, est pourtant réelle. À Bamako, la capitale étalée sur les bords du majestueux fleuve Niger, l'accueil a été des plus chaleureux dans ce pays musulman où les catholiques ne constituent que 1 % de la population.

L'étape suivante est consacrée au Burkina Faso où l'Église catholique est solidement implantée. En arrivant, il se souvient de sa visite de mai 1980 où il était venu à Ouagadougou lancer son appel en faveur du Sahel éprouvé par la sécheresse. Ce soir, il veut renouveler son intervention et surtout l'élargir.

C'est un sujet qui lui tient à cœur. Il l'abordait en décembre 1987 dans son encyclique Sollicitudo rei socialis (L'importance de la question sociale) portant sur le développement. Son souci est de mobiliser le monde pour un vrai 'rallye de la solidarité' en faveur de l'Afrique. Au Burkina-Faso, il estime que l'occasion lui en est donnée.

À une époque où les peuples d'Europe de l'Est font leurs premiers pas sur le chemin de la démocratie, il rappelle, lui dont l'action a tant contribué à fissurer le 'mur du communisme', qu'il existe un autre mur, peut-être plus difficile à abattre que celui de Berlin, le mur de la misère qui ne cesse de s'élever entre nations riches et nations pauvres.

J P II et Joseph Vandrisse

" Il faut, insiste-t-il, prendre conscience de la nécessité de la solidarité ; elle est le chemin de la paix et en même temps du développement. . La charité chrétienne, depuis les origines, a toujours pratiqué la solidarité; mais aujourd'hui, estime le Pape, elle est devenue le seul antidote aux 'structures de péché', c'est-à-dire aux conséquences socio-économiques foncièrement injustes qu'entraîne le péché individuel par contamination."

Ce voyage en Afrique vient lui confirmer que la longue et souvent obscure promotion de la justice internationale est une œuvre de longue haleine. Au Burkina, l'archevêque de Ouagadougou, le cardinal Paul Zoungrana, lui glisse à l'oreille le proverbe africain: " Dieu fit le temps, il en fit beaucoup !"

Joseph Vandrisse
correspondant
à Rome de 1974 à 2002
du quotidien Le Figaro
Paris

Joseph Vandrisse, Ce jour-là, Jean-Paul II, 50 dates qui ont marqué son pontificat, Perrin / Mame, Paris, 2003, 230 p.

Fondation Jean-Paul II pour le Sahel La Fondation Jean-Paul II pour le Sahel est née le 22 février 1984 suite à un appel du pape lancé le 10 mai 1980 à Ouagadougou, Burkina Faso. Son siège légal est au Vatican. Elle est administrée par les Églises du Sahel et le conseil d'administration a ses bureaux à Ouagadougou. La Fondation Jean-Paul II lutte contre la désertification et vient au secours des victimes de la sécheresse. La fondation finance des activités communautaires dans le monde rural et soutient la formation des cadres. Elle travaille pour un développement durable et veut vaincre la pauvreté au Sahel. Les projets qui lui sont présentés par les Églises locales sont financés par des Églises du Nord (Allemagne, Italie...) et par des dons provenant du monde entier.