L'encyclique de JP II sur la Mission


AFP-Une des plus célèbres photos de JP II, prise à Malibor, Slovénie, le 19 /09/ 99.


REDEMPTORIS MISSIO

Jean-Paul II est mort pendant que je me trouvais dans l'avion qui m'emmenais de Khartoum vers Rome. Dès mon arrivée, j'ai pu participer à la messe de requiem qui se tenait sur la place Saint-Pierre. À la fin de la messe le cardinal Sepe, préfet de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples nous a lu un message dans lequel il affirmait: "Le principal legs de Jean-Paul II demeure l'encyclique Redemptoris missio, qualifiée à juste titre de magna carta de la mission au troisième millénaire."

Il se trouve que d'une certaine façon j'ai été associé à la genèse et à l'élaboration de cette encyclique. À la fin de l'année 1989, le pape avait invité cinq ou six supérieurs généraux d'instituts missionnaires à un déjeuner précédé d'une réunion de travail. Il voulait nous consulter sur l'opportunité d'une nouvelle encyclique sur les missions et sur les orientations à lui donner. En toute honnêteté, je dois reconnaître que je n'y étais pas particulièrement favorable. Les encycliques se succédaient à une cadence soutenue, et sur les missions il y avait le très beau décret Ad gentes du concile Vatican II et, dix ans après, la lettre de Paul VI Evangelii nuntiandi qui faisait suite au synode sur l'évangélisation. Je ne voyais pas trop ce que l'on pouvait dire de neuf. Mais le pape avait ses idées. Suivant le mot de saint Paul: " à moi si je n'annonce pas l'Évangile" (I Co 9, 16 repris par RM 1), il voulait faire entendre un nouvel appel pour la mission, tenant compte de l'évolution du monde depuis le concile.

L'encyclique fut donc mise en chantier et notre groupe fut encore à plusieurs reprises mis à contribution. Notre porte-parole auprès du pape était le Père Marcello Zago (à l'époque Supérieur Général des Oblats de Marie, par la suite ordonné évêque et nommé Secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples). Et le 7 décembre 1990, 25 ans jour pour jour après la publication du décret conciliaire Ad gentes, Redemptoris missio voyait le jour. Elle reçut tout de suite dans l'Église, et en particulier dans les congrégations missionnaires, un écho très favorable et devint vraiment un document de travail et d'animation.

Dès le départ (RM 1), Jean Paul II rappele une idée-force du Concile, développée par la constitution Lumen gentium, et reprise par le décret Ad gentes, à savoir que l'Église tire son caractère missionnaire de la mission trinitaire elle-même. "De sa nature, l'Église est missionnaire puisqu'elle même tire son origine de la mission du Fils et du Saint Esprit, selon le dessein de Dieu le Père" (AG 2).
Auparavant, la réflexion théologique sur la mission partait du mandat reçu du Christ à l'Ascension, mais ne remontait pas jusqu'à sa source, qui est le cœur même de Dieu.

Ceci étant, l'encyclique, comme son titre l'indique, est avant tout centrée sur le Christ (cf. le chapitre I, Jésus Christ, l'unique sauveur) dans la droite ligne de la vision théologique de Jean-Paul II, déjà exprimée dans sa toute première encyclique Redemptor hominis par laquelle il inaugurait son pontificat.

Mais l'Esprit saint n'était pas de reste et peut-être le chapitre que je préfère est le chapitre III, 'L'Esprit Saint, protagoniste de la mission'. On y trouve un compendium sur l'action de l'Esprit saint, émaillé de nombreuses citations des Actes des Apôtres.

Auparavant le chapitre II est consacré au 'Royaume de Dieu', son instauration étant considéré comme l'objet essentiel de la mission du Christ. "'est pour cela que j'ai été envoyé" (Luc 4, 43, RM 13). Ce chapitre est aussi l'occasion d'une mise au point à l'égard des " qui mettent l'accent sur le Royaume et se définissent comme 'régno-centriques'" (RM 17) tendant "à marginaliser ou sous-estimer l'Église par réaction à un 'ecclesio-centrisme' supposé révolu".

L'originalité du chapitre IV intitulé 'Les horizons immenses de la mission ad gentes' réside dans ce que le pape appelle les 'aréopages modernes' rappelant le discours de Paul à Athènes (Actes 17, 22-31, RM 37). Le premier et le plus important de ces aréopages est à coup sûr le monde de la communication et des médias 'qui donne unité à l'humanité, faisant d'elle un grand village'. Combien nous l'avons ressenti en ce vendredi 8 avril, pour les funérailles d'un pape qui a si bien su mettre les médias au service de sa mission !

Dans le chapitre V sur 'Les voies de la mission', compte tenu de mon itinéraire personnel, j'ai porté une attention particulière à la partie qui traite du 'dialogue avec les frères d'autres religions'. On y sent, bien sûr, une tension non résolue entre le souci de l'annonce du Christ et un profond désir d'ouverture. J'ai apprécié cet encouragement final du Saint-Père à "évérer avec foi et amour, là même où les efforts ne rencontrent ni attention ni réponse" (RM 57).

Les deux chapitres suivants passent en revue les principaux 'agents de la pastorale missionnaire', développant pratiquement ce qui avait été évoqué dans Evangelii nuntiandi (EN 59-73).
En revanche, le dernier chapitre (VIII) présente une belle originalité. Il repose brièvement ce que doit être la spiritualité missionnaire: se laisser conduire par l'Esprit, vivre le mystère du Christ 'envoyé' en aimant l'Église et les hommes comme il les a aimés.

On peut donc conclure que l'encyclique Redemptoris missio est le testament doctrinal de Jean-Paul II sur la mission. Il veut faire partager sa conviction que 'toute l'Église est par nature missionnaire', qui plus est, qu'elle 'est mission'. Il en a lui-même montré l'exemple.

Étienne Renaud
Khartoum, Soudan
Supérieur Général 1986-1992

 

 

Redemptoris Missio

La légitime variété des expressions de la foi
Les communautés ecclésiales en formation, inspirées de l'Évangile pourront exprimer progressivement leur expérience chrétienne d'une manière originale, dans la ligne de leurs traditions culturelles, à condition de demeurer en harmonie avec les exigences objectives de la foi proprement dite. . C'est pourquoi les groupes évangélisés offriront les éléments pour une 'traduction' du message évangélique en tenant compte des éléments positifs apportés au cours des siècles grâce au contact du christianisme avec les différentes cultures, mais sans oublier les dangers d'altération qui se sont parfois manifestés (RM 52 - 54).

On ne dialogue pas par stratégie
Le dialogue interreligieux fait partie de la mission évangélisatrice de l'Église. . Dieu veut communiquer aux nations la plénitude de sa révélation et de son amour; il ne manque pas non plus de manifester sa présence de beaucoup de manières, non seulement aux individus mais encore aux peuples. . Le dialogue n'est pas la conséquence d'une stratégie ou d'un intérêt, mais c'est une activité qui a ses motivations, ses exigences et sa dignité propres : il est demandé par le profond respect qu'on doit avoir envers tout ce que l'Esprit, qui 'souffle où il veut', a opéré en l'homme (RM 55 - 57).

Les missionnaires pour le développement et la justice
Citant Puebla : 'Le meilleur service à rendre à l'homme est l'évangélisation qui le dispose à s'épanouir comme fils de Dieu, le libère des injustices et encourage son développement intégral'.
La mission de l'Église consiste essentiellement à offrir aux peuples non pas 'plus d'avoir' mais 'plus d'être' en réveillant les consciences par l'Évangile. . Le développement d'un peuple vient de la formation des consciences, du mûrissement des mentalités et des comportements. C'est l'homme qui est le protagoniste du développement et non l'argent et la technique (RM 58 - 59).