Voix d'Afrique N°76.....

...............UN LOZÉRIEN
..........................................MiSSiONNAiRE


Jean Chaptal est l’économe provincial.
Il nous raconte comment il en est arrivé là.

Un Lozérien

Le nerf de la guerre, c'est l'argent, tout le monde le sait. Il est géré au deuxième étage de la maison provinciale de la rue Roger-Verlomme, avec les ordinateurs, les imprimantes et les fax, les grands tableaux aux murs : l'ambiance est studieuse et détendue à la fois. C'est là que Jean Chaptal nous reçoit. Le téléphone reste tranquille, le temps pour l'économe provincial de nous raconter son cheminement.

C'est un Barjacois, (" barjaquaïre " en langue occitane). Barjac est un village comme il y en a tant en Lozère, quelques toits d'ardoise grise autour d' un clocher au flanc des vallées. Les vaches, en ce temps là, marchaient lentement au rythme des sonnailles La vie était calme, mais propice au rêve. N'est-ce pas dans ces vallons qu'il y a cent ans des dizaines de jeunes ont répondu à l'appel de Lavigerie pour aller évangéliser le continent, tout nouveau pour eux, de l'Afrique. Ils ont été les premiers à se lancer dans l'aventure, à la suite de Livinhac, le premier évêque d'Ouganda, dans ces pays encore à découvrir. La famille est de bonne tradition chrétienne. Un grand oncle aurait été un des premiers "pères blancs" au début du vingtième siècle, mais il était de santé trop fragile, pensait-on, pour résister aux épreuves des tropiques. Dans l'église paroissiale, on est chantre de père en fils dans la famille. Après l'école primaire, Jean est envoyé presque naturellement au petit séminaire qui faisait office de collège pour les familles catholiques. De là, il entre au grand séminaire où il est attiré par les missionnaires qui viennent de temps en temps parler des jeunes églises, des voyages en brousse, des baptêmes de foules d'adultes. C'est la revue "?Vivante Afrique " qui circule parmi les étudiants pour élargir les horizons des jeunes lozériens. Jean demande à partir pour rejoindre leurs rangs après le service militaire et une année de service dans le diocèse de Mende. Il a vingt quatre ans.

Formation à la vie de communauté internationale

C'est à Gap que Jean fait la première expérience de la vie missionnaire. Ils sont une quarantaine de jeunes venus de France, mais aussi d'Allemagne, d'Espagne, de Hollande, de Suisse et d'ailleurs. Ils prient ensemble, travaillent ensemble, escaladent ensemble les sommets des Alpes, réfléchissent et partagent sur leur idéal, leurs rêves, leurs désirs. Après avoir terminé ses études de théologie, Jean est ordonné prêtre chez lui. L'église de Barjac en décembre 1969 était glaciale ! Mais la perspective de l'Afrique devient de plus en plus nette. Jean est nommé au Congo.

Au Congo

La mission au Congo est ancienne. C'est là que sont arrivés, à la fin du dix neuvième siècle, les premiers missionnaires. Le pays est indépendant depuis une dizaine d'années ; les missionnaires prennent leurs distances avec le colonisateur belge. A Kirungu (ex-Baudouinville) les missionnaires font face à un nouveau défi. Mobutu a décidé de couper le cordon ombilical avec le colonisateur… et son église. C'est la "?zaïrianisation ", la lutte pour l'authenticité africaine. Etre chrétien ne va plus de soi. Chacun doit faire le choix de la foi. Le catéchisme n'est plus enseigné dans les écoles à côté des mathématiques et de l'orthographe. Pour faire face à cette situation, des catéchistes laïcs sont formés, et Jean est responsable de leur formation. Des couples chrétiens sont appelés pour une année scolaire au centre de formation à la catéchèse. Ils seront ensuite envoyés dans leurs villages pour assurer l'animation des communautés chrétiennes. Jean s'occupe également de la paroisse : ce sont des pêcheurs du lac, installés sur les 300 km de plages sur le lac Tanganyika. Et ça marche pendant neuf ans. L'évêque prend Jean avec lui, car il a déménagé à Kalémie. Jean sera curé de la cathédrale.

La Ville

Kalémié, c'est la grande ville. La pastorale doit s'adapter. Les chrétiens et les catéchumènes sont regroupés dans leurs quartiers. Ils sont une petite vingtaine de " communautés ecclésiales vivantes " (C.E.V.) comme on les appelle. Ils se rencontrent chaque semaine pour prier, partager leurs soucis et organiser leurs activités : catéchèse, visite des malades, aide aux pauvres, préparations au mariage, etc. Les missionnaires passent leur temps dans les ruelles ravinées de la ville pour encourager, conseiller, animer ces petites communautés chrétiennes.

Au service de l'animation missionnaire en France

Il serait dommage de ne pas faire partager cette expérience missionnaire. Jean est nommé en France, à Lyon, pour le service d'animation missionnaire. Avec des missionnaires d'autres congrégations, religieux ou religieuses, il visite les paroisses des Alpes et du Massif Central pour faire connaître la mission. La mission a grandi, évolué, surtout après les indépendances des anciennes colonies et le souffle de Vatican II : c'est la Mission aujourd'hui.

Deuxième départ

Puis il repart pour le Zaïre en 1991, à Lubumbashi. C'est la métropole du sud du pays, au cœur des mines de cuivre. La situation y est dramatique. Le régime de Mobutu s'est durci. Les tensions sont nombreuses, attisées par une dictature qui fait feu de tout bois pour asseoir son pouvoir. Les vieilles rancunes tribales sont réveillées. Les étrangers des provinces voisines sont pourchassés, leurs commerces pillés. La misère, la vraie misère noire, s'installe, avec la famine, les épidémies, les deuils. L'église doit encore faire face à l'énorme défi. Les laïcs sont mobilisés. Avec les prêtres, ils prennent conscience de leur vocation, de leurs responsabilités pour être témoins de l'Evangile dans cette société en crise. Les laïcs sont engagés non pas sous l'autorité du prêtre, mais avec les prêtres, sous l'inspiration du Saint Esprit qui continue de les envoyer vers les pauvres. Les sectes sont nombreuses ; les gens ne savent pas où donner de la tête… et du cœur. Ils chantent partout des cantiques pour ne pas perdre courage, mais ils changent facilement d'appartenance religieuse, au gré des petites disputes et des conflits de personnes.

Après quelques années, Jean est appelé à Bukavu pour se consacrer pleinement au service des autres missionnaires du Congo. Toute la région est en crise, en particulier l'Afrique Centrale, le Congo et le Rwanda. Ces événements sont encore présents à l'esprit. Il suffit de rappeler combien l'Eglise a souffert pendant ces années-là et quel prix elle a eu à payer pour porter témoignage de l'Evangile de la Paix. L'archevêque de Bukavu était assassiné en 1996.


Mgr Munzihira : portrait placé sur la place “Mgr Munzihira” à Bukavu et lacéré à la peinture par un groupe d’opposants à l’Eglise à cause de son engagement pour les pauvres et les petits.

Son successeur, Emmanuel Kataliko, était exilé pendant sept mois. Evénement inouï dans l'histoire de l'église : les cloches se sont tues et les portes de l'église sont restées fermées pendant des mois en signe de refus des interférences du gouvernement contre l'église. "Imaginez": une grève des églises !

Lorsque enfin l'archevêque revint en septembre 2001, c'est un triomphe !?Malheureusement, ce même évêque décédait d'une crise cardiaque à Rome le 4 octobre 2001.. Son successeur fut à son tour frappé d'une crise d'hémiplégie au cours de la cérémonie d'intronisation. Mais, malgré cela, l'Eglise continue. Ce qu'on ne peut pas ne pas remarquer c'est que toutes ces difficultés, les tensions, les guerres, les persécutions, les prêtres congolais et les missionnaires ont été merveilleusement unis. Les adversaires de l'Eglise rêvaient de " diviser pour régner ", mais c'est exactement le contraire qui est arrivé.

Econome provincial

Mais Jean n'a pas encore fini son voyage. En 2005, l'économe provincial de France (Louis Vernhet, un autre Lozérien !) est nommé supérieur provincial de France. Jean Chaptal est appelé pour le remplacer. C'est une autre tâche. Les Missionnaires d'Afrique n'ont d'autres ressources que celles fournies par la générosité des amis : honoraires de messes, dons et legs de chrétiens de France. Les retraites et pensions versées par le gouvernement ne suffisent pas pour l'entretien des maisons et des pensionnaires. " Nous sommes toujours sur la corde raide ! " nous confie-t-il, mais,comme par le passé, nous faisons confiance à tous nos amis.

Voix d'Afrique


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