Missionnaires d'Afrique
France

Un demi-siècle au Burundi

Jean Baranton, Verrières, 60 ans de serment
Décédé le 27 Juillet 2014 à Verrières-le-Buisson


Novembre 2000, dans une université du Burundi

Durant les vingt premières années de ma vie missionnaire au Burundi, excepté quatre années passées au petit séminaire comme professeur de français et de sciences, j’ai œuvré dans des activités paroissiales : cinq fois vicaire, trois fois curé. J’ai quitté alors cette vie paroissiale pour me consacrer prioritairement à la catéchèse scolaire, cours de religion et aumôneries de collèges et de lycées.

Héritage de la présence belge au Burundi, la présence des cours de religion dans les programmes scolaires obligea l’Église catholique à prendre en charge de très nombreuses heures de cours de religion et d’assurer également de nombreuses aumôneries. À peine avais-je commencé cet apostolat que je fus déclaré interdit d’enseignement ! Aurais-je présenté une doctrine peu orthodoxe ou avais-je eu des démêlés avec des directions d’établissements ou avec des élèves ? Non pas, j’étais tout simplement la cible d’un décret présidentiel.

En effet, un certain président de la République, venu au pouvoir par un coup d’état, avait pris ombrage de l’influence de l’Église catholique. Il entreprit une vigoureuse persécution contre elle : expulsion d’un grand nombre de missionnaires religieux et religieuses, nationalisation des petits séminaires et des établissements scolaires et, évidement, suppression de tous les cours de religion. Mon chômage technique ne dura pas très longtemps, car un nouveau coup d’état amena à la tête du pays un nouveau président qui rétablit les cours de religion et les aumôneries scolaires. Et je fréquentai de nouveau les salles de classe et je rassemblai de nouveau les scolarisés internes pour les messes dominicales.

Dans la turbulence
Les tribulations ethniques qui secouaient le pays ne facilitaient pas toujours les bons contacts avec tous les élèves, mais ces turbulences atteignaient un degré supérieur chez les étudiants de l’Université d’état. J’en fis l’expérience : appelé par des catholiques et des protestants de la faculté d’agronomie pour présenter la doctrine mariale de l’Église catholique, j’avais huit kilomètres à parcourir pour rejoindre mon auditoire dans une salle de l’université. Heureusement, le matin du jour fixé, on vint me prévenir de renoncer au rendez-vous, car des étudiants extrémistes avaient l’intention, pendant ma conférence, de démolir ma voiture parce qu’ils me considéraient comme ayant choisi un camp dans le conflit ethnique.

Pendant de nombreuses années, j’ai continué à donner, une fois par semaine, des cours dans deux noviciats, celui de la Congrégation des sœurs de Sainte Bernadette et celui des sœurs de Sainte Marguerite-Marie Alacoque, parce que j’avais collaboré à la fondation de ces deux instituts religieux.
Parallèlement à ces occupations, j’ai pu assurer, avec beaucoup de plaisir, l’animation, au plan national, du Mouvement Eucharistique et des Associations paroissiales de la dévotion au Sacré Cœur.

Trois rencontres déterminantes
Trois rencontres ont donné un bel essor au Mouvement Eucharistique :

- Une rencontre avec un jeune homme et une jeune fille membres du mouvement, qui se préparaient au mariage : ils désiraient que ce Mouvement, qui les avait accompagnés durant toute leur jeunesse, continue à les aider à être fidèles au Sacrement du Mariage. Ainsi naquit le Mouvement Eucharistique des mariés.

- Une rencontre avec une quinzaine de jeunes gens et jeunes filles désirant vivre leur engagement au service des malades dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance : ainsi naquit le projet d’un Institut de vie consacrée.

- Une rencontre avec l’évêque de Butare, au Rwanda : ainsi le Mouvement Eucharistique franchissait la frontière rwandaise pour se répandre largement dans ce pays.

La dévotion au Sacré Cœur était gravée dans le cœur de beaucoup de missionnaires en la fin du XIXe siècle, mais un événement fortuit propagea cette dévotion parmi les premiers baptisés du Burundi et remplit actuellement les églises, les premiers vendredis de chaque mois : quand les missionnaires établirent, en 1897, la première paroisse du Burundi, ils entreprirent de construire une vaste église. Ils s’adressèrent à un bienfaiteur américain qui, en échange de ses dons, demanda que cette église fût dédiée au Sacré Cœur.

Jean Baranton