Missionnaires d'Afrique
France

Etre solidaire des blessés de la vie (suite)

Bénévole au Réseau Chrétien Immigrés,
à Paris, Jacques Delattre rencontrait des étrangers

Je suis arrivé à Paris, à la rue Friant, au mois de juin 2008. J’étais rentré du Mali vers le 15 janvier 2005, et le Père Provincial m’avait demandé d’aller à Tassy comme directeur de la maison de retraite. Travail tout nouveau pour moi et pour lequel je ne me sentais pas du tout préparé. Grâce à l’aide de Régis Chaix et de Monsieur Hervé Soulier, je me faisais peu à peu à ce nouveau travail lorsque mon cœur lâcha et je me retrouvais entre les mains des chirurgiens pour une opération du cœur. Il s’agissait de réparer la valve mitrale qui menaçait de déclarer forfait. Tout s’est bien passé, mais il me fallut ensuite une longue convalescence et donc quitter Tassy pour au moins un an de convalescence à Marseille.

Le Réseau
Chrétien Immigré

Les confrères aidant, je récupérais peu à peu et pus recommencer à avoir une activité presque normale. Il n’était pas question pour moi de me lancer dans une activité pastorale de paroisse.

Prêcher, catéchiser, baptiser, mon activité au Mali dans un Sahel musulmanisé à 98 % ne m’y avait pas préparé, et de toutes façons, après un séjour de 46 ans au Mali, je ne me sentais suffisamment en phase, ni avec la société française, ni avec l’Église de France pour une activité sacramentelle. Je me tournais donc vers des activités pastorales plus en accord avec mes possibilités : accompagnement des catholiques migrants dans leur insertion à l’Église de France et, en travaillant avec la Croix-Rouge, accompagnement des migrants sans papiers dans leur recherche de régularisation. Je commençais à bien me plaire dans ces différentes activités lorsque le Père Provincial me demanda de quitter Marseille et de monter à Paris pour prendre la direction de la maison de la rue Friant.

C’est donc marqué par ces trois ans et demi passés en France depuis mon retour du Mali que j’arrivais à Paris en ce mois de juin 2008. Bien que conscient qu’il y avait un travail important à remplir comme responsable de la maison, il n’était pas question pour moi d’y rester enfermé. Par un tract traînant dans la maison, je découvris un mouvement que je ne connaissais pas : Le Réseau Chrétien Immigré (R.C.I.).

Il s’agissait d’un mouvement lancé par des chrétiens qui, après l’occupation de l’église saint Bernard par des migrants sans papiers et leur expulsion le 23 août 1996 par les CRS, avaient pris conscience que la présence de tous ces migrants en France devait normalement poser problème à ceux qui voulaient être fidèles à l’Évangile. Ils ont décidé alors d’essayer de faire prendre conscience de ce problème dans les différentes paroisses de Paris, de lancer un centre d’étude du français pour ces migrants et, avec l’aide de la Cimade de voir ce que l’on pouvait faire pour aider les migrants à régulariser leur situation et à obtenir des papiers.

Je me lance dans
les cours de français

De plus ils ont décidé de se réunir une fois par mois pour réfléchir ensemble à ce problème de la migration. Je me suis donc retrouvé dans ce mouvement où j’ai d’ailleurs retrouvé Georges Paquet qui lui aussi en faisait partie. Entre les deux activités principales qui m’étaient proposées, j’ai choisi de me lancer dans les cours de français qui correspondaient beaucoup plus à mes capacités. Pendant trois ans à peu près, j’ai donc fait partie de l’équipe qui donnait ces cours de français à la mairie du IVe arrondissement qui nous prêtait les salles de classe.

Cela a été trois années de rencontres avec des migrants de toutes nationalités et catégories sociales, et cela a été pour moi trois ans où je me suis retrouvé dans ma vocation missionnaire. Il ne s’agissait pas seulement de leur apprendre le français, mais de les aider à rentrer dans un nouveau milieu et dans une nouvelle civilisation. Cela permettait aussi d’avoir un contact plus approfondi, après les cours, et d’aborder leurs problèmes de vie, et Dieu sait combien ils étaient nombreux.

Il faut aussi signaler la richesse des contacts que j’ai pu avoir avec les enseignants. La plupart étaient des jeunes entre 25 et 35 ans. J’étais le vieux grand-père parmi eux. Ils étaient de tous les milieux et de toutes les croyances, mais tous avaient la volonté d’aider les plus pauvres et c’est sur ce point que nous nous retrouvions tous.

Accompagner
simplement par amitié

Après ces trois ans de cours de français, j’ai senti que je ne pouvais plus assurer ce service. Les cours duraient plus d’une heure et demi, et je devais m’accrocher pour être efficace jusqu’au bout. Le temps était arrivé pour moi de laisser la place aux plus jeunes. Je suis resté au RCI mais me contentais de participer aux réunions mensuelles de réflexion sur la migration et au petit groupe dont je faisais partie et qui réfléchissait au vivre ensemble avec les migrants en général et avec les musulmans en particulier. Cependant, j’ai gardé tous les contacts que j’avais eus avec des migrants à travers les cours de français et je me suis efforcé de continuer à les rencontrer en particulier. Aller vers eux et les rencontrer sans chercher à leur donner quelque chose, mais simplement par amitié. Cela, malgré mes forces déclinantes, je pouvais encore le faire et j’y trouvais ma joie.

Me voici maintenant à Billère. Est-ce que j’arriverai à retrouver ces contacts ? L’avenir le dira.

Jacques Delattre