Voix d'Afrique N°53


Dans un village du Nord du Malawi, le long du Songwe,
semblable à mille autres villages africains ;
à côté des maisons de torchis et de chaume,
l'enclos pour le bétail, chèvres, brebis et vaches,
comme dans mille autres villages africains :
un berger , le pauvre du village, repose avec les bêtes
comme mille autres bergers :
c'est à eux que ce conte de Noël est dédié.

écoute, mon chien : tu les entends chanter, là-bas, dans l'église ?
" Noël ! Noël ! Jésus est né de Marie ! alleluia ! "
tu les entends ?
Pendant des jours et des jours ils ont répété les mêmes refrains,
Jémusi et Andréa, Seba et Leonia, Monika et Jusi,
mes frères et mes sœurs.
Et ce soir, au lieu d'aller se coucher, ils m'ont laissé seul
avec toi, mon chien, à veiller avec les vaches et les moutons
qui dorment doucement, le souffle reposé,
un lent concert de soupirs, de murmures,

de frémissements tranquilles.
Allez, mon chien : je n'ai pas encore sommeil, ce soir ;
on va encore mettre au feu quelques bouts de bois sec
pour maintenir une flamme dans la nuit,
un peu de chaleur au clair de lune.

Tu es fatigué, mon chien ?
Nous avons encore beaucoup couru aujourd'hui dans la brousse :
avec les premières pluies de la saison, l'herbe est fraîche
et les bêtes n'arrêtent pas de courir d'une touffe à l'autre
comme pour choisir les feuilles les plus tendres ;
il faut les surveiller :
elles voudraient bien goûter le jeune maïs à peine germé
trois ou quatre jeunes feuilles qui percent la croûte sombre.
On s'entend bien, mon chien,
et à nous deux nous arrivons à les guider tous
à travers bosquets et savanes, ruisseaux et collines :
maintenant nous sommes fatigués, tous les deux :
ils dorment maintenant,
la Blanche et son jeune veau, Noireaude la vachette,
Capitaine le taureau aux courtes cornes,

et tous les autres,
mais moi, je n'ai pas sommeil.
Joséfina m'a laissé un fond de pâte de maïs et quelques haricots rouges
avant de partir avec les autres ;
Léon m'a donné sa vieille chemise fanée, sans bouton ;
ma couverture est élimée :
je la porte comme un pagne pendant la journée
et je m'y enroule la nuit :
je ne suis que le berger : il en faut bien un au village,
c'est donc moi, qui n'aimais guère l'école, les livres et les cahiers.

Hein, mon chien !
notre école à nous c'est la grande savane, l'ombre des baobabs, les torrents et les termitières,
les oiseaux et les mulots, les lièvres et les corneilles, les antilopes qui jouent près de nous.

Tu entends, mon chien ?
Tu agites à peine la queue, au rythme des tam-tams de la foule au loin, dans l'église,
des cantiques que je commence à connaître par cœur
tellement ils les ont répétés pendant tout le mois :
ça parle d'une mère, qui s'appelle Marie,
et d'un nouveau né dans un enclos pour les bêtes : Jésus ! Jésus ! chantent-ils,
et d'anges du ciel,
" Dieu est des nôtres " chantent-ils : est-ce possible ?
… et de bergers

Oui écoute, mon chien : de bergers !
Ils chantent sur nous :
écoute, mon chien :
" Noël !
un enfant nous est né de Marie "
les bergers entendent les anges du ciel :
"Emmanuel ! Dieu avec nous ! "
Comme ils chantent bien !
je fredonne avec eux, tout doucement
" Jésus, l'enfant de Dieu est né,
Marie l'a enfanté ;
les bergers sont réveillés
par la grande lumière et les anges. "

Regarde bien, mon chien :
tu la vois, cette lumière ?
ferme avec moi les yeux :
non, ce n'est pas un rêve !
c'est plus vrai qu'un rêve,
c'est du soleil,
c'est un sourire au fond du cœur
et une douce chanson
" Gloire à Dieu ! Paix à toi, Berger ! ".


(Aquarelle de Aude Guirauden)
Regarde bien; Tu la vois cette lumière ?"

Gérard Guirauden.
Missionnaire d'Afrique,
Noël 2001.