18 Décembre 2011
Homélie
Journée internationale des Migrants :
proclamée par l'assemblée générale de l'ONU en l'an 2000

Georges Riffault M.Afr.



4ème dimanche de l'Avent - Année B - Sceaux 2011

Noël qui vient : Fête de la lumière et de la joie, spécialement joie pour les pauvres, joie pour les cœurs qui cherchent Dieu !
Aussi bien les pauvres de cœur, dont Marie est le modèle : " Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur "
" Heureux les pauvres de cœur " : Matthieu
Que les pauvres tout court : " Les pauvres mangeront et seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur, ceux qui le craignent. "
" Heureux, vous les pauvres " : Luc
" La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres "
Et Jésus lui-même vient sur terre, lui le Fils de Dieu, tout simplement, comme un pauvre, loin de tout faste, des villes illuminées et des restaurants bien remplis…. Avec les aléas de la vie des pauvres
Et à tout cela, sans le savoir encore, Marie dit : " Oui, qu'il me soit fait selon ta Parole ; je suis la servante du Seigneur… ". Oui à l'incarnation, oui à tout ce qui suivra !...

Vous allez me pardonner : je voudrais aujourd'hui revenir devant vous sur deux anniversaires dont on fait mémoire aujourd'hui et qui ont quelque chose à voir avec les pauvres, tout comme la fête de Noël elle-même : je ne peux les passer sous silence :
Aujourd'hui, c'est la journée internationale des Migrants :
On peut regretter qu'il y ait 2 journées des migrants dans le calendrier :
Celle du 16 janvier, instituée par le Pape pour l'Eglise catholique ; elle est très ancienne ;
Et celle d'aujourd'hui, 18 Décembre, proclamée par l'assemblée générale de l'ONU en l'an 2000 et suivie par le Conseil Œcuménique des Eglises. L'année précédente, en 2009, le secrétaire général de l'ONU avait déclaré : " J'engage les gouvernements à veiller à ce que les Migrants puissent jouir des droits de l'Homme et à sensibiliser l'opinion publique à la contribution positive des immigrés à la vie économique, sociale et culturelle des pays qui les accueillent. "

Se souvenir chaque année des migrants, c'est une mémoire qui doit être chère à Marie et Joseph, eux qui ont été doublement migrants :
Une première fois quand ils durent quitter leur lointaine province de Galilée où ils vivaient paisiblement, à Nazareth, pour se faire enregistrer dans le village d'origine de Joseph, Bethléem en Judée (" migration interne " !)
Et une 2ème fois, encore plus précipitamment et dans l'angoisse, lorsqu'ils durent fuir en Egypte, avec Jésus, leur nouveau-né, pour échapper à la colère d'Hérode. (" migration externe !"

Donc voilà le premier anniversaire, ou la première mémoire, qui nous est proposé aujourd'hui.

Mais il en est une autre beaucoup plus étrange, et que vous ne devineriez pas, et qui est plutôt liée, cette fois, au 4ème dimanche de l'Avent que nous célébrons aujourd'hui :
4ème dimanche de l'Avent 2011 ! C'est aujourd'hui le 500ème anniversaire d'un sermon fameux qui fut prononcé le 4ème dimanche de l'Avent de l'année 1511 !
De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un dominicain qui, en chaire, s'indigna devant la manière dont les Indiens étaient traités en Amérique.

En 1492, Christophe Colomb avait découvert le Nouveau Monde. On était alors en pleine conquête et de nombreux théologiens n'hésitaient pas à affirmer que les Espagnols avaient le droit de réduire les Indiens en esclavage, avec tous les mauvais traitements qui vont avec, parce que, disaient-ils, ils étaient nés pour servir. Certains même s'interrogeaient pour savoir s'ils avaient véritablement une âme. Ce n'est qu'avec l'arrivée des Dominicains à St. Domingue que la réflexion commença à changer ; ceux-ci étaient passionnés de rechercher le visage du Christ dans les pauvres et les souffrants qu'ils rencontraient ; et en 1511 donc, au 4ème dimanche de l'Avent de cette année-là, l'un d'entre eux, le Frère Anton Montesino, dans son indignation, posa quelques questions durant son sermon : " Dites, demanda-t-il, de quel droit et au nom de quelle justice tenez-vous ces Indiens dans une si cruelle et si horrible servitude ? Ces gens ne sont-ils pas des hommes ? N'êtes-vous pas obligés à les aimer comme vous-mêmes ? "

Mais ce n'est que bien des années plus tard, dans les années 1550, avec le célèbre théologien Bartolomé Las Casas, que les choses commencèrent à changer : Parlant des Indiens (lui était évêque du Chiapas, au Mexique), ils disaient : " Ils sont nos frères pour lesquels le Christ a donné sa vie. Tous les hommes sont créés semblables les uns aux autres, c'est-à-dire doués par le Créateur de raison et de libre-arbitre. "

Et pourtant ce ne sera qu'en 1948, à travers l'article 1 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, que sera codifiée, pour la communauté internationale cette affirmation : " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. "
Et c'est Anton Montesino, en 1511 qui avait ouvert la voie, lors de son sermon du 4ème dimanche de l'Avent.

Il est bon, ici également, de nous rappeler que notre Fondateur le cardinal Lavigerie lors de sa campagne contre l'esclavage en Afrique, à travers les grandes capitales de l'Europe, s'était inscrit dans cette grande lignée humaniste et chrétienne. Rappelons-nous son sermon également fameux, dans l'Eglise de Gezù à Rome, en décembre 1888, là aussi véritable cri d'indignation quand il s'écria :
" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon cœur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. "

Alors, pour tisser un lien entre ces deux évènements : 500ème anniversaire de l'indignation d'Anton Montesino sur le traitement des Indiens et Journée internationale des Migrants, nous pourrions peut-être revoir nos attitudes envers les migrants et nous demander comme chrétiens : Est-ce que nos jugements vis-à-vis des migrants respectent leur dignité ? Que faisons-nous pour mieux les connaître, afin de mieux les comprendre et les aimer d'un amour fraternel ? Sommes-nous prêts à tisser des liens avec eux, en vue d'un " vivre ensemble " plus harmonieux, plus humain et donc plus chrétien?"

Nous voilà tout proche de la fête de Noël ; nous y accueillerons le Fils de Dieu, venu parmi nous pour nous révéler l'amour de son Père pour tous les hommes, en particulier les pauvres, les petits, les exclus, les migrants ? Sachons aimer largement, comme Lui. Gardons les yeux fixés sur Lui : Il est venu dans notre monde, il est passé en faisant le bien et il est mort comme il est né, rejeté, exclu ; mais il est aussi ressuscité pour que tous les hommes, tous, aient la Vie, qu'ils l'aient en plénitude et se retrouvent dans l'unique Famille de Dieu. AMEN

Georges Riffault M.Afr.

* * *

Journée internationale des Migrants
18 décembre 2011


Effaçant leurs traces de crayons
Soulignant du pinceau leurs empreintes
Balayant d'un revers leurs œuvres encore fraiches !
Au jaune emprisonnant la lumière
Au rouge l'histoire de nos errances
Au bleu nos matins les plus clairs
Au vert une pluie d'étincelles dans les yeux
Ils sourient au monde
Ils y croient, eux, quand nous doutons !

Allons nous les en empêcher ?

Pourquoi une journée pour ceux qui quittent ?
Ceux qui quittent leur pays sans quitter leur patrie.
Une journée pour souligner que la terre est à tous
Un jour pour vivre ensemble
Il en faudrait tant !
Une journée mondiale du migrant
Quand nous ne faisons que passer
Que la terre nous est prêtée
Invités à la partager

Allons nous les en empêcher ?

Vingt sept enfants ou peut-être trente
Autour d'une toile pour tisser l'espoir, tisser la vie,
Tisser l'impossible d'un rendez vous de plusieurs pays
Réaliser l'exploit d'un jour de détente
Au cœur d'un monde qu'on nous dit en crise
Un monde que je vois en douleur d'enfantement, (bientôt Noël !)
Autour d'une toile poser chacun sa griffe
Poser chacun sa main arc en ciel
Au firmament d'un monde à construire

Allons nous les en empêcher ?

Pencher sur leur dessin
Laissant imaginer un autre destin
Pour cette planète ou tels de petits lutins
Ils inventaient de nouveaux matins
Du Cameroun au Congo passant par l'Algérie
De danses, de chants, de rires
Ils s'éveillaient aux couleurs du ciel
Petits et grands sur le même thème
S'accueillant chacun comme un géant !

Allons nous les en empêcher ?


Laurence, Sœur Blanche - Algérie