Voix d'Afrique N°70.....

 

Mgr. M. FITZGERALD , Missionnaire d'Afrique, est Président du Conseil Pontifical pour le dialogue inter-religieux.
Il est venu nous rencontrer à la rue du Printemps, en ami et ancien condisciple de séminaire.
A la suite de cette rencontre, il nous fait partager quelques pages de son cheminement.

 

Carthage

Carthage, il y a cinquante ans, c'était une basilique blanche au sommet de la colline de Byrsa, dominant la Méditerranée, et tout autour l'imposant bâtiment du scolasticat (séminaire de théologie) bourdonnant d'activité : une petite centaine de jeunes hommes en gandourah blanche et chéchia rouge, venus d'Europe et d'Amérique, se hâtent de la chapelle aux salles de cours, se détendent sur les terrains de basket-ball ou volley-ball, ou encore arpentent la route de corniche, burnous au vent. C'est là que débarque Michael Fitzgerald, venu des brumes du Nord. Nous sommes en 1957: il a vingt ans et rêve depuis longtemps d'Afrique et de culture arabe.

Un monde nouveau

La basilique de CarthageLa Tunisie c'est un monde nouveau, des maisons aux murs de chaux éblouissants au soleil, aux arcades badigeonnées de couleurs vives, des hommes en djellabas amples, des femmes en voiles mystérieux, des bourriquots surchargés trottinant vers les marchés, les appels à la prière proclamés du haut des minarets, les salutations "Labès alik… Amdoullah !" , les mains à peine touchées puis portées au cœur. Religion, culture, langue, tout ne fait qu'un dans la vie arabe. Michael commence à s'initier à ce monde nouveau. Avec d'autres jeunes scolastiques, il s'initie à la langue arabe, visite et reçoit des amis : pas à pas, sans hâte mais avec persévérance, il pénètre dans ce qui sera sa "mission".

Le monde arabe

Lorsqu'il est ordonné prêtre chez lui, à Birmingham, en 1961, il demande en priorité la rencontre avec le monde musulman, au Nigeria, ou en Tunisie comme second choix. .. et il est nommé à Rome pour étudier la théologie. Il est sur place lorsque s'ouvre le Concile du Vatican II. Il suit avec passion tous les débats, en particulier sur l'Eglise dans le Monde, les relations avec les religions non-chrétiennes, l'activité missionnaire de l'Eglise.


Groupe de scolastique à Carthage en 1958. à l’extrême droite le scolastique Michael Fitzgerald (agrandir la photo)

L'expérience de Carthage l'a définitivement marqué, et il va à Londres pour étudier à fond l'arabe classique pendant trois ans. Devenu une sorte d'expert, à ce titre il va enseigner à Rome, à l'Institut Pontifical d'Etudes Arabes (IPEA). De là, il part enfin pour l'Afrique Centrale, en Ouganda, pour enseigner l'Islamologie à l'université de Makerere. Cette université reçoit des étudiants de toute l'Afrique de l'Est, de toutes origines et religions. Il est amené à collaborer non seulement avec des enseignants musulmans, mais encore à enseigner la théologie musulmane à des musulmans, lui, un prêtre catholique : une véritable école d'œcuménisme et de catholicité au sens fort du terme. Fort de cette expérience, il est nommé de nouveau à Rome pour enseigner à l'IPEA ; Parmi ses nombreux étudiants, il rencontre Christian de Chergé, moine trappiste, qui donnera son beau témoignage à Thibérine, avec les autres religieux d'Algérie.

Aller plus loin,
guidés par l'Esprit.

Il s'agit véritablement de mettre en pratique l'aggiornamento de Vatican II. L'Eglise est bien plus qu'une association de croyants. Elle est d'abord un sacrement, le signe efficace du salut pour toutes les nations. L' Esprit du Christ est toujours à l'œuvre dans le monde, parmi tous les hommes de bonne volonté. Le désir de Dieu est ancré au cœur de chacun, et les religions, en particulier l'Islam, sont une expression, un Culte bouddhiste approfondissement de ce cheminement. L' Eglises n'a pas le monopole de ce cheminement. Elle n'est pas propriétaire exclusive de l'Esprit de Dieu, mais elle est sous la mouvance de cet Esprit. Ainsi la véritable démarche chrétienne sera-t-elle de discerner sa présence dans les religions et les cultures différentes. Il ne s'agit aucunement d'une démission, ou d'un relativisme ("toutes les religions se valent" entend-on parfois) mais d'une fidélité à l'écoute de l'Esprit qui nous conduit toujours plus loin vers la communion d'amour entre tous les peuples.

L'Afrique
et le monde entier

Mais il éprouve le besoin de renouer avec l'Afrique : il part pour deux ans à New Halfa, au Soudan. Expérience trop brève : il est élu assistant général de la Société des Missionnaires d'Afrique : six ans de pérégrinations, de rencontres avec les missionnaires travaillant dans la plupart des pays d'Afrique. Au moment où il s'apprête à reprendre son service à ce qui est devenu le PISAI (Institut Pontifical d'Etudes Arabes et Islamiques), il est nommé secrétaire au Secrétariat pour les non-chrétiens, qui sera bientôt le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux. Le 6 Janvier 1992, en la fête de l'Epiphanie, il est ordonné évêque par Jean Paul II, dans la basilique St.Pierre.

Representative of African traditionnal religion

C'est une nouvelle étape qui s'ouvre. Jusqu'à présent, l'Afrique et le monde musulman formaient son horizon. Désormais, il est proche collaborateur du Pape, au service de l'Eglise dans le monde entier. Certes , l'Islam a une place importante en Afrique et en Asie, mais d'autres religions ont leur place en Inde et en Chine, comme dans les Caraïbes, l'Amérique Latine ou l'Océanie.

Le dialogue,
un cheminement
intérieur

Sur le Gange à Bénarès, ville sainte de l’hindouismeDéjà, en 1990, alors qu'il était membre du Conseil pour les relations inter-religieuses, il avait fait une retraite d'un mois dans un monastère bouddhiste au Japon avec d'autres moines chrétiens : expérience de silence et de prière dans un environnement tout nouveau pour lui. Il avait visité l'Inde, accompagné les pèlerins sur le Gange ; il avait été profondément ému de voir une famille de pauvres hindous confier le corps d'un petit enfant aux flots du grand fleuve sacré, comme pour le rendre à la Vie, une autre vie dans l'harmonie des forces de l'univers.

Pour tous les
hommes de bonne volonté


Dialogue inter-religieuxDar-es-Salaam 12th to 16th March 2003

En 2002, il est nommé président du Conseil pour le dialogue inter-religieux. Qu'est-ce qui l'anime dans cette charge ? Quelques convictions de foi : le Christ n'a-t-il pas été plein d'admiration devant la foi d'une païenne syro-phénicienne (Marc ch. 7 v.24 à 30) ? Le dialogue entre les religions est tout le contraire d'un effort de propagande. Nous sommes tous, les chrétiens en premier lieu, en cheminement de conversion. Il s'agit donc essentiellement d'une attitude intérieure d'ouverture, d'écoute, de partage issu du silence. Le Christ n'a pas jugé, et il nous interdit de juger. Par quelle autorité serions-nous habilités à condamner quiconque ? Seule est condamnable la fermeture du cœur sur soi, la surdité délibérée et l'aveuglement sur les valeurs du Royaume présentes au cœur des pauvres. De la sorte, tous les hommes de bonne volonté peuvent unir leurs forces pour construire la Paix. Telle est la grande priorité en ce troisième millénaire. C'est bien dans ce sens qu'a travaillé Jean Paul II lorsqu'il invitait à Assise les représentants des religions pour une prière de toute l'humanité.

Une espérance

Mosquée de Tizi-OuzouDe Birmingham à Carthage, de Rome à Khartoum, depuis les danses du Candomblé au Brésil, le silence des monastères bouddhistes, les pèlerinages sur les rives du Ganges, les repas à même le sol dans les gurdwaras sikhs, Michael a parcouru tous les continents dans un immense voyage. C'est le voyage commencé par Abraham vers le Terre promise. C'est le voyage de toute l'humanité d'aujourd'hui : au-delà des guerres, des épidémies, des souffrances et des haines, une immense espérance anime tous les hommes de bonne volonté. Michael, dans sa devise épiscopale, nous laisse le message d'une immense espérance : "Fructum dabit " - "Il donnera du Fruit". Ce n'est pas un vœu pieux, une utopie ; c'est une certitude, elle ne sera pas déçue. L' Eglise, communauté des disciples du Christ, anime de l'intérieur cette immense espérance, ancrée dans la foi en l'Amour de Dieu, Père de tous.


Interview de Mgr. M. Fitzgerald
Recueilli par Voix d'Afrique

... ..

Moines Bouddhistes

“Ceux qui n'ont pas encore reçu l'Evangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au peuple de Dieu…. Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent avoir le foi d'Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. Et même les autres qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu'ils ignorent. Dieu n'est pas loin, puisque c'est lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses, et puisqu'il veut, comme Sauveur, que tous les hommes soient sauvés…” Vatican II Constitution dogmatique Lumen Gentium sur l'Eglise, n° 16)

Nous remercions les Missions Etrangères de Paris qui nous ont fourni gracieusement les photos sur l’Asie (Crédit Archives M.E.P.)

Note du Web : Mercredi 15 février 2006 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a choisi l’un de ses proches collaborateurs comme nonce apostolique en Egypte et délégué auprès de la Ligue arabe : Mgr Michael Fitzgerald, 69 ans, jusqu’ici président du conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux.
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