Voix d'Afrique N° 75
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"L'église toujours nouvelle"

La mission, concrètement, c'est une grande église, avec ou sans clocher, des constructions, et des dizaines de petites églises au milieu des villages sur un rayon de quinze à soixante kilomètres, voire plus, au bout de pistes et de chemins pleins d'ornières, des rivières à passer à gué ou sur des ponts branlants. La mission, c'est une équipe de deux ou trois prêtres, quelques religieuses, des mobylettes ou des camionnettes poussives. Chaque fin de semaine, ils partent dans une de ces succursales pour passer quelques heures avec les communautés chrétiennes locales, les catéchumènes ou les hommes et les femmes qu'on appelle " païens ".

La mission, ce sont des chrétiens qui, en majorité, ne peuvent recevoir l'eucharistie qu'une dizaine de fois par an, qui vivent de la parole de Dieu proclamée par l'un d'eux, qui prient, qui chantent, dansent et partagent peines et joies, deuils et noces, animés chaque jour par l'Esprit qui les rassemble. C'est dire que la mission est une nouvelle image de l'Eglise.

On ne rêve plus d'un réseau serré de paroisses, autour d'un clocher dans chaque village. Certes l'évêque et ses prêtres font le Corps du Christ, mais ce sont les centaines de communautés qui forment " le sel de la terre … le levain dans la pâte " de l'humanité des villes et des villages. L'Eucharistie y est rare, mais la charité fraternelle y grandit chaque jour.

Ne serait-ce pas là la nouvelle image de l'Eglise que nous proposent l'Afrique comme l'Asie et l'Amérique Latine ? Ce témoignage nous sauve, nous les chrétiens de vieille souche, du pessimisme et des regrets stériles. Les prêtres se font rares, l'incroyance devient normale, l'indifférence est de règle ; les églises se lézardent et les presbytères sont désertées.

L'Esprit du Christ est pourtant à l'oeuvre dans le monde ; c'est l'Esprit qui " fait toutes choses nouvelles ". La " Voix d'Afrique " en témoigne.


Gérard Guirauden

Missionnaire d’Afrique,


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LECTURE


Massignon, Abd-el-Jalil, Parrain et Filleul, 1926-1962.
Correspondance rassemblée et notée par Françoise Jacquin, Préface par Maurice Borrmans.

P. Maurice Borrmans à sa conférence au PisaiTrente six ans d'échange épistolaire font revivre ici l'émouvant parrainage entre l'illustre islamologue et son étudiant marocain devenu franciscain et prêtre après son baptême en 1928. Massignon, dans un premier temps, s'efface devant l'œuvre de la grâce ; mais cette réserve fait vite place à ses confidences d'homme déchiré par de multiples et paradoxales exigences. Décontenancé par ces excès, le jeune Jean-Mohamed minimise ses propres souffrances : la rupture avec les siens, l'incompréhension de ses confrères, sa mauvaise santé, la tension entre une vocation de recherche scientifique et de ministère pastoral, les offenses que son pays d'adoption fait subir à sa terre natale.

" Unis par le haut et l'intime de l'âme " confie le filleul à son parrain, ils vont s'engager dans le même combat pour l'Islam : spirituel, par la prière, qui n'est pas prosélytisme, et politique, pour l'indépendance du Maroc, dans le respect de la parole donnée.

Si cette correspondance reflète plus de souffrance que de sérénité, les témoignages de respect et d'affection mutuels surabondent. " Votre amitié, écrit Massignon en 1951, est arrivée à briser ce mur et je vais pouvoir connaître quelques détours de plus dans cette chaîne d'Amour que la grâce divine a passée et nouée à travers toutes les péripéties de ma vie, avec une si déchirante beauté. "

Le Père Borrmans nous signale également ABÛ HÂMID AL GHAZÂLÎ, Maladies de l'âme et maîtrise du cœur, Livre XII de l' " Ihyâ' 'Ulûm al-dîn ", intitulé " Livre de la discipline de l'âme, de l'éducation, des comportements moraux et du traitement des maladies du cœur ", introduction, traduction et notes par Marie-Thérèse Hirsch, préface de Maurice Borrmans. Editions du Cerf, Collection Histoire, 2007 , 298 pages - 35 €

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