Voix d'Afrique N° 67
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"Du Pain pour la Vie"

Photo Maurice oudet

Youssef, un jeune Malien, écrit à son ami missionnaire : "Les nouvelles ne sont pas bonnes. La récolte de riz a été normale, mais le prix de vente a été trop bas pour payer la prochaine campagne. On nous a expliqué que le riz importé d'Asie et d'Amérique revient moins cher que le riz local."

Résultat : Youssef devra interrompre ses études. Son père et ses oncles sont découragés. Les enfants n'iront pas à l'école : à quoi çà sert ? Mais de l'autre côté de la planète, les agriculteurs Américains ont obtenu que leurs produits soient subventionnés pour l'exportation. ADakar et Abidjan, les bateaux déchargent des tonnes et des tonnes de céréales qui vont inonder les marchés locaux ; les sacs de riz s'amoncellent dans les villages, la coopérative locale n'a pas eu les moyens d'acheter la production locale. La pauvreté finira-t-elle jamais ?

Et l'évangélisation, qu'est-ce qu'elle a à voir avec ce problème ? Elle a tout à voir ! Lorsque les missionnaires sont arrivés en Afrique il y a près de deux siècles, une des premières tâches a été de commencer des écoles, des dispensaires, d'imprimer des livres de lecture, d'apprendre à lire, à écrire et à compter. L'ignorance et la misère sont des fléaux, car ils asservissent les personnes. Ils engendrent la peur, la méfiance, la haine et la mort. L'Evangile met l'homme debout. “Lève-toi et marche !” a répété Jésus. “Chassez les démons, guérissez les malades et proclamez : Le Royaume est proche !” C'est là l'ordre qui anime l'Eglise et ses missionnaires.

La famille humaine est une ; elle est en marche vers la communion, le partage, et donc la justice et la paix. Le missionnaire n'est pas envoyé aux pauvres pour leur dire : "Souffre en silence ; demain, de l'autre côté, tu n'auras plus faim ni soif". Lorsqu'il les rencontre, il entend l'appel : “J'avais faim et vous m'avez donné à manger…” “J'étais pauvre et ignorant, tu m'as appris à lire et à compter, j'étais asservi par la peur, tu m'as libéré…"

Telle est notre vocation : appeler tout homme à la Liberté des enfants d'un même Père, la liberté d'aimer.

Voix d'Afrique.



Gérard Guirauden

Rédacteur en chef


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Pour rester jeune, apprendre chaque jour !


Un journaliste demandait à une centenaire le secret de sa longévité. "Un petit verre de Calva chaque soir ? … Une petite sieste après le repas ? … Un élixir ?" Elle répondit spontanément : "Vous n'y êtes pas du tout ! Chaque fois que je sens que le Seigneur vient me chercher, je lui dis : ‘attends encore, Seigneur ! Je n'ai pas encore fini d'apprendre !’ "

C'est peut-être le secret de jouvence des missionnaires. Par vocation, nous sommes envoyés au milieu d'Africains de cultures et de langues différentes. Il n'est pas rare de voir des vieux broussards sortir de leur poche un petit carnet et un crayon pour inscrire une expression, un proverbe, un dicton entendus lors d'une conversation. On n'a jamais fini de découvrir ! Chaque rencontre est une occasion d'enrichir son esprit et son cœur, de découvrir un nouveau pays, de partir pour une nouvelle aventure, l'aventure du coeur !


Réunion des formateurs fév 2005 à Rome

C'est pour répondre à ce désir que les Missionnaires d'Afrique sont fidèles à la "formation permanente ". Des sessions sont organisées, à Rome, à Jérusalem ou ailleurs, pour étudier un sujet de spiritualité ou de formation humaine. En avril dernier, nous étions vingt cinq missionnaires à Mours, dans la banlieue nord de Paris, à plancher sur le dialogue interreligieux. L'Islam est présent à notre porte. Nous croisons des musulmans dans la rue, dans les transports en commun. La télévision, la radio ou la presse nous informent sur ces pays et ces peuples : bouddhistes, hindouistes, religions traditionnelles africaines, nous ne pouvons plus les ignorer.

Nous sommes confrontés à un choix. On peut les ignorer, faire comme s'ils n'existaient pas ; certains ont la tentation de vouloir les renvoyer chez eux. Pendant des siècles, l'Eglise a voulu les sauver de l'enfer : "Hors de l'Eglise, pas de salut". Ou bien les accepter, les recevoir, apprendre d'eux ce qui fait leur richesse, leur sagesse, leur relation au monde et à Dieu. Il n'y a pas une troisième alternative : nous sommes ensemble, compagnons solidaires dans le pèlerinage vers Dieu.

C'est là le projet de Dieu, “le rêve de Dieu” comme l'explique Mgr. M. Fitzgerald dans un entretien publié dernièrement chez Bayard. "Chaque fois que les caricatures sont éliminées et les préjugés dépassés, un service est rendu à la vérité. Les différences fondamentales peuvent alors être appréciées à leur juste valeur et, lorsqu'elles ne peuvent donner lieu à un accord, elles sont éclairantes, tout en constituant un défi."

 

Longue vie à tous les missionnaires et à leurs amis, fidèles lecteurs de Voix d'Afrique !

Gérard Guirauden, M.Afr.
Rédacteur en chef.


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