Voix d'Afrique N° 104

EDITORIAL



J’ai vu la souffrance de mon peuple

Nous connaissons tous la rencontre de Dieu avec Moïse dans le buisson ardent, au désert (Ex. 3, 7). Après s’être nommé, Dieu dit : « J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. » Puis vient la mission confiée à Moïse : « Va, je t’envoie auprès de Pharaon pour faire sortir d’Égypte mon peuple. » Le Dieu de la Bible s’engage, il prend parti pour le pauvre, l’opprimé, le souffrant, le lésé. Et pourtant, combien nombreux ceux qui l’imaginent lointain, impassible, indifférent, ou pire, auteur des catastrophes et malheurs qui frappent les hommes.

Lequel d’entre nous ne s’est pas surpris à dire : « Comment ai-je pu mériter cela ? Qu’ai-je fait à Dieu pour qu’il m’envoie cette épreuve ? » Combien d’accidents, combien de malheurs, surtout s’ils sont mortels, sont aussitôt interprétés en termes de culpabilité et de responsabilité personnelle, ou bien comme accusations contre Dieu. Nous imaginons facilement que les catastrophes naturelles disent l’impuissance de Dieu à faire le bonheur des hommes.

Dans cette interprétation populaire de l’action de Dieu, Jésus ne peut reconnaître celui qu’il appelle son Père. Et toute la vie de Jésus le proclame : Dieu est patience, tendresse et pitié. Il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive.

Jésus nous fait entendre des paroles graves sur l’urgence de la conversion, en réponse à l’éternelle question que nous pose la mort soudaine et absurde des victimes de catastrophes naturelles ou des violences humaines. Mais « la conversion » n’est pas d’abord morale (passer du mal au bien) ; elle a un sens relationnel (passer du moi à Dieu). L’originalité de la conversion chrétienne réside précisément dans le fait que, dans un certain sens, Dieu a été le premier à se « convertir » à nous. C’est à nous qu’il revient de faire place à Dieu qui veut entrer dans notre vie. « En ceci consiste l’amour de Dieu : Ce n’est pas nous qui nous avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils pour nous sauver du péché. »1 Jn 4, 10

Ce numéro de Voix d’Afrique nous invite encore à entendre la misère du peuple qui souffre, qui n’est pas reconnu, pas respecté. Cela vaut pour la condition des paysans qui “triment” pour gagner leur pain, pour les migrants si méprisés ou les jeunes qui se laissent prendre par les promesses de rabatteurs sans scrupules.

Ne fermons pas notre cœur, laissons-nous toucher par ces cris.


Pierre Meynet
M. Afr.


********************************************

Photo au milieu de la revue

*********************************************



Je crois en l’homme

Je crois en l’homme, Seigneur,
car, toi, le premier,
tu crois en celui que tu as créé...
Tu prends le risque nécessaire de sa liberté,
car, pour toi,
il n’est point d’amour sans liberté.

Je crois en l’homme, Seigneur,
au-delà de ce que je peux voir,
car, toi, le premier, tu portes le regard
sur la grandeur possible,
la générosité possible,
la réconciliation possible...

Et voilà, Seigneur, qu’en cette confiance
bouleversante que tu me fais,
je te découvre humble et pauvre .
Pauvre, tu es tout et tu n’as rien.
En ta respiration essentielle,
l’amour circule éternellement.

Tout va du Père au Fils et du Fils au Père
dans un jaillissement de l’Esprit.
Abîme insondable
que tu communiques avec grâce.
Tu es tout don, pour l’homme si grand
et si petit que je suis.

Dieu humble encore
qui te mets à genoux devant moi
avec le plus grand respect,
pour que mon amour,
aussi blessé et misérable soit-il,
vienne répondre à ton Amour.

Seigneur,
fais-moi humble et pauvre à ton image,
pour que je croie en l’homme
et rencontre en chacune et chacun
Ta Présence.
Amen

Prière de Maurice Zundel

 

suite