Voix d'Afrique N°95.

Où va l’école
en Afrique ?


Si on dit « école africaine », on pense aussitôt à une grande case couverte de paille, à un enseignant solitaire, face à 80 écoliers. Le tableau noir, les tables sont rudimentaires. Certains enfants sont assis à même le sol. Certes, cela n’est qu’une image dépassée. Mais on peut encore trouver, dans des villages reculés, une école de ce type. Cinquante ans après les indépendances, beaucoup de pays s’inquiètent de leur enseignement primaire. Que peut-on en dire aujourd’hui ?

Rappels historiques

Quel que soit le point de vue, l’éducation en Afrique subsaharienne reste bien en retard par rapport à la plupart des régions en développement. Une raison évidente en est que ce continent est le plus pauvre. Les États peinent à financer les systèmes éducatifs, et la majorité des familles n’ont pas les moyens pour mettre leurs enfants dans les écoles privées. C’est à partir de 1960 que l’école moderne est née. A l’époque, tous les élèves inscrits à l’école primaire ne représentaient que 39% de leur groupe d’âge.

Les deux décennies suivantes ont vu une amélioration remarquable, et certains pays (Angola, Kenya, Mozambique, Nigeria et Tanzanie entre autres) étaient presque arrivés à l’éducation primaire pour tous au début des années 1980.
Mais la crise économique, le choc pétrolier, le fardeau de la dette et surtout les programmes d’ajustement structurel ont entraîné de grandes réductions des dépenses gouvernemantales pour l’éducation. On n’embauche plus dans l’enseignement privé et la baisse du pouvoir d’achat des enseignants du public en pousse plus d’un à compléter son salaire par un autre emploi.

Heureusement, dès 1990, l’effort reprend et le taux net de scolarisation à l’école primaire est porté à 60 % en 1998. Entre 1999 et 2005, le nombre d’enfants en primaire a augmenté de 36 %, soit près de 30 millions d’enfants en âge d’entrer à l’école.

Le plus grand progrès depuis 1960 : l’éducation n’est plus un luxe pour une élite minoritaire ; elle est devenue un bien public plus largement partagé dans les sociétés qui misaient sur le capital humain pour se développer.

Les freins

Malgré ces progrès extraordinaires, l’Afrique subsaharienne demeure à la traîne des autres régions pour réaliser l’éducation pour tous. De toute évidence, l’éducation pour tous ne sera pas atteinte en 2015, ni l’ensemble des objectifs du millénaire (ODM).

Les freins à l’essort de l’éducation primaire sont nombreux, et tous ne sont pas encore levés.
• Dans de nombreux pays, la guerre a entraîné la destruction massive d’écoles et le déracinement de millions d’habitants. Beaucoup d’enfants, en âge d’aller à l’école, ont été enrôlés de force dans les combats.

• Ailleurs, les coûts élevés du service de la dette ont empêché plusieurs gouvernements d’augmenter les budgets de l’éducation.

• Le VIH/sida a fait de nombreux orphelins, sans parents pour payer les droits d’inscription, et il a décimé, dans certains pays, le corps des enseignants.

• La mauvaise gouvernance et une gestion inefficace des écoles menacent également les efforts déployés pour fournir une éducation de base de qualité. En principe, la scolarité est gratuite. Mais souvent, des parents même pauvres doivent payer des frais d’inscription pour leurs enfants. La gestion des écoles n’est pas toujours transparente. Dans beaucoup de pays, les parents pensent que le système éducatif est affecté par la corruption.

• Compte tenu des contraintes budgétaires, les coûts salariaux des enseignants titulaires ne permettent plus un recrutement normal dans la plupart des pays. Pour accroître sensiblement le nombre des enseignants, il est devenu nécessaire d’envisager des rémunérations plus faibles et, de plus, d’avoir recours à d’autres profils d’enseignants. Ainsi de nouvelles catégories d’instituteurs sont apparues, soit du fait des communautés (maîtres communautaires ou maîtres de parents), soit du fait de la mise en place par les pouvoirs publics de politiques éducatives nouvelles (volontaires, contractuels…). Si ces nouveaux types de recrutement ont eu des résultats appréciables en matière de scolarisation, des questions se posent sur la qualité de l’enseignement fourni par ces enseignants contractuels. En effet, leur formation a été souvent de courte durée, et leur salaire est nettement inférieur à celui des enseignants fonctionnaires.

• Enfin, dans les pays les moins riches, la question demeure : former qui et pour quoi ?

Quels défis ?

Pour les pays d’Afrique subsaharienne, atteindre les objectifs de l’Enseignement Pour Tous (PTE) à l’horizon 2015 représente un sérieux défi.
On doit d’abord tenir compte de l’accroissement du nombre d’enfants à scolariser : ils seraient 176 millions d’enfants en 2015. Pour les prendre en charge, il est impératif de trouver 3,8 millions d’enseignants manquants.

Autre défi : réduire les écarts entre les enfants. « En moyenne, c’est au niveau du critère de reve-nu que les écarts sont les plus prononcés ; viennent ensuite les distinctions entre zones urbaines et rurales et les disparités entre les sexes. » Pour 100 garçons scolarisés dans l’enseignement primaire, il y a seulement 83 filles.

Autre défi : la réduction des taux de redoublement et d’abandon scolaire. S’ils ont diminué dans la quasi-totalité des pays au cours des dix dernières années, près d’un élève du primaire sur cinq redouble une année et trois sur quatre seulement atteignent la cinquième année du cycle primaire.

Il sera nécessaire d’avoir un corps d’enseignants efficaces : l’efficacité pédagogique de l’enseignant dépend en grande partie de sa compétence et aussi de sa motivation à exercer son métier. Mais il faut veiller aussi au nombre d’heures d’enseignement (gérer les absences de l’enseignant et les conditions locales : climat ou temps des récoltes). Enfin ne pas oublier de soigner le management de l’équipe pédagogique et la participation des parents d’élèves.

Et demain ?

Il sera nécessaire de tendre à l’égalité des chances entre filles et garçons : « Jusqu’à ce qu’un nombre égal de filles et de garçons soient scolarisés, il sera impossible d’accumuler le savoir nécessaire pour éradiquer la pauvreté et la faim, lutter contre les maladies et protéger durablement l’environnement. Et des millions d’enfants et de femmes continueront de mourir inutilement, ce qui compromet gravement les progrès du développement. » Pour cela, s’assurer que tous les garçons et toutes les filles finissent un cycle complet d’études primaires.


Pour conclure, on peut rappeler les recommandations du Forum de Dakar (2000) :
• tous les enfants en âge d’être scolarisés doivent avoir la possibilité d’accéder à un enseignement primaire gratuit de qualité et de le suivre jusqu’à son terme ;
• les disparités entre filles et garçons dans l’enseignement primaire et secondaire doivent disparaître ;
• le niveau d’analphabétisme des adultes doit être réduit de moitié.

Ces objectifs répondent donc à une politique objective de développement :
- faciliter l’accès des pauvres aux opportunités et aux ressources (éducation, santé, infrastructures de base, etc.) ;
- favoriser la création de réseaux sociaux pour les plus isolés et aider leur participation à la vie de la société (décentralisation, information, processus participatif, etc.) ;
- réduire leur vulnérabilité sociale (accès à la santé, participation politique) et économique (mise en place d’assurance, dispositifs facilitant leur accès au crédit, aides ciblées, sécurité alimentaire, etc.).

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique


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