Voix d'Afrique N°55
Congo R.D.C.

Le courrier pour Bukavu passe par le pays voisin, le Rwanda : en effet, depuis le 2 août 1998, le pays est coupé en deux, et même en trois, par la guerre , et nous vivons ainsi séparés de notre capitale Kinshasa. Goma est devenu la " capitale " de la partie occupée par le Rwanda, sous le vocable " R.C.D. " (Rassemblement Congolais pour la démocratie). Bunia est la capitale de la partie occupée par l'Ouganda, sous le vocable " R.C.D.-M.L. " (Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Mouvement de Libération). Kinshasa reste la capitale de la République Démocratique du Congo, mais plus de la moitié du pays échappe à son contrôle, et le jeune président Joseph Kabila est encore aujourd'hui soutenu par les troupes des puissances étrangères venues d'Angola, du Zimbabwe et de Namibie. Pour combien de temps encore ? Dieu seul le sait ! En effet, les pourparlers n'avancent guère et les " prédateurs " de tous bords et répartis dans tout le pays ne semblent pas prêts à renoncer à cette manne qui leur rapporte gros !

Au cours de l'année écoulée, un rapport de l'ONU sur les droits de l'homme et sur le pillage des richesses du pays a été établi et présenté à l'ONU : il a bien montré un des grands enjeux de cette guerre d'occupation de la République Démocratique du Congo. Nous avons été à plusieurs reprises amenés à participer à des rencontres avec les visiteurs importants des instances internationales.

Vivre dans cette situation d'occupation, de guerre, de guérilla, amène beaucoup de misère et de déplacés. Dans les environs même de Bukavu, il y a diverses factions qui attaquent, pillent, violent et tuent dans la population locale ou des positions militaires. Dans plusieurs diocèses de la région, de nombreuses paroisses sont fermées et des communautés religieuses on dû quitter leurs maisons et se replier en ville pour des raisons de sécurité. Et même en ville, des agressions de toutes sortes ont eu lieu au cours de l'année. Dans la région de Moba (Nord-Katange), à la suite d'incursions de bandes armées contre des militaires du R.C.D., plusieurs villages ont été brûlés entièrement et les habitants on dû fuir dans la brousse, abandonnant les villages, écoles fermées, dispensaires trop éloignés, chapelles et églises abandonnées…

Jeunes écoliers de Bukavu; Certains sont déjà orphelins de guerre.

C'est dans cet environnement que 76 missionnaires d'Afrique sont appelés à travailler et à témoigner de l'Amour de Dieu pour chaque personne : 18 communautés réparties dans 5 diocèses, dont un seul est sous l'autorité du gouvernement central : pour y arriver, il faut faire tout un périple en passant par les pays voisins, Rwanda, Uganda, Zambie ou Tanzanie, ce qui demande beaucoup de temps, des frais considérables t beaucoup de fatigue ! Seul moyen de transport : l'avion !
Le nôtre (avion) a dû faire un atterrissage forcé le 11 juillet, suite à une panne de moteur : pilote et passagers sont sortis indemnes, mais un voisin du lieu d'atterrissage a été tué. Coup dur, car c'est l'appareil qui permettait d'assurer transport des missionnaires et ravitaillement des paroisses impossibles à atteindre par route !

La résidence des missionnaires à Bukavu

"Une bouteille de pétrole permettra de veiller après le coucher du soleil"

Cinq jeunes stagiaires partagent l'aventure dans ce pays troublé : venus du Burkina Faso, du Mali, du Bénin et du Nigeria, ils se préparent à l'engagement définitif au service de l'Afrique ; ce stage de deux ans fait partie de leur formation.
Quatre jeunes congolais ont été ordonné prê-tres, envoyés au Mali, au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire : oui, l'Afrique devient de plus en plus missionnaire !
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Le 3 Juin, le Cardinal Etsou venait de Kinshasa pour l'installation du nouvel archevêque de Bukavu, Mgr. Charles Mbogha, devant plusieurs dizaines de milliers de personnes, foule jamais vue à Bukavu; à peine la célébration commencée, le nouvel archevêque est pris d'un malaise et doit être aussitôt pris en charge par les médecins et emmené à l'hôpital. La célébration a continué ; le Cardinal a lancé un " message très fort " au nom de l'épiscopat du Congo en faveur de la PAIX, demandant à tous les occupants de rentrer chez eux pour permettre aux congolais de construire leur pays dans l'unité et la paix ; les autorités publiques venus nombreuses à cette fête, se sont éclipsé sans participer au repas de fête qui suivait…
Dans cette situation, nous avons réussi à nous retrouver à une quarantaine de missionnaires d'Afrique pour une rencontre fraternelle et une session de formation… Au cœur de toutes les divisions, les haines, les guerres, nous voulons travailler à être des témoins de l'unité, des instruments de paix.

Jean Chaptal
Supérieur Provincial.