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Texte Pris sur le site AGENCE Zenit

Carême 2019 : message du Pape François

Carême : « La force de guérison du repentir et du pardon » (texte complet)


Le mystère du salut dans le Christ « est déjà à l’œuvre en nous en cette vie terrestre » et il « se présente comme un processus dynamique qui embrasse également l’Histoire et la création tout entière », déclare le pape François dans son message de carême 2019, en date du 4 octobre 2018, en la fête de saint François d’Assise.

Le message de carême est publié en 7 langues par le Vatican, ce mardi 26 février 2019. Le carême, période de préparation à Pâques, commence mardi prochain 6 mars, et la fête de Pâques est, cette année, le dimanche 21 avril.

Le pape donne ici des orientations pour cette période de quarante jours traditionnellement orientés vers la conversion et la purification, vers une vie meilleure: il souhaite « offrir quelques points de réflexion pour accompagner notre chemin de conversion ».

Et plus précisément, le pape indique que la conversion du chrétien fait aussi « du bien à la création »: « Si l’homme vit comme fils de Dieu, s’il vit comme une personne sauvée qui se laisse guider par l’Esprit Saint et sait reconnaître et mettre en œuvre la loi de Dieu, en commençant par celle qui est inscrite en son cœur et dans la nature, alors il fait également du bien à la Création, en coopérant à sa rédemption. »

Le péché en effet abîme aussi la création: « Le péché qui habite dans le cœur de l’homme (…) conduit à l’exploitation de la création, des personnes et de l’environnement, sous la motion de cette cupidité insatiable qui considère tout désir comme un droit, et qui tôt ou tard, finira par détruire même celui qui se laisse dominer par elle. »

Au contraire, écrit le pape, « quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le «Cantique des créatures» de saint François d’Assise ».

C’est pourquoi le pape insiste sur « la force de guérison du repentir et du pardon » et invite aux exercices spirituels de carême: « En accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante. »

Le message a été présenté en la salle de presse du Saint-Siège, ce 26 février, par le préfet du dicastère romaine pour le Service du développement humain intégral, le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson, entouré de Mgr Segundo Tejado Muñoz, sous-secrétaire du même dicastère; et de M. Alberto Piatti, vice-président exécutif d’ « Entreprise responsable et durable » de l’entreprise italienne d’hydrocarbures, ENI.

Voici le texte officiel en français du Message de carême 2019.


Message du pape François

«La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu» (Rm 8,19)

Chers Frères et Sœurs,

Chaque année, Dieu, avec le secours de notre Mère l’Eglise, «accorde aux chrétiens de se préparer aux fêtes pascales dans la joie d’un cœur purifié» (Préface de Carême 1) pour qu’ils puissent puiser aux mystères de la rédemption, la plénitude offerte par la vie nouvelle dans le Christ. Ainsi nous pourrons cheminer de Pâques en Pâques jusqu’à la plénitude du salut que nous avons déjà reçue grâce au mystère pascal du Christ: «Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance»(Rm 8,24). Ce mystère de salut, déjà à l’œuvre en nous en cette vie terrestre, se présente comme un processus dynamique qui embrasse également l’Histoire et la création tout entière. Saint Paul le dit:«La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu» (Rm 8,19). C’est dans cette perspective que je souhaiterais offrir quelques points de réflexion pour accompagner notre chemin de conversion pendant le prochain carême.

1. La rédemption de la Création.

La célébration du Triduum pascal de la passion, mort et résurrection du Christ, sommet de l’année liturgique, nous appelle, chaque fois, à nous engager sur un chemin de préparation, conscients que notre conformation au Christ (cf. Rm 8,29) est un don inestimable de la miséricorde de Dieu.

Si l’homme vit comme fils de Dieu, s’il vit comme une personne sauvée qui se laisse guider par l’Esprit Saint (cf. Rm 8,14) et sait reconnaître et mettre en œuvre la loi de Dieu, en commençant par celle qui est inscrite en son cœur et dans la nature, alors il fait également du bien à la Création, en coopérant à sa rédemption. C’est pourquoi la création, nous dit Saint Paul, a comme un désir ardent que les fils de Dieu se manifestent, à savoir que ceux qui jouissent de la grâce du mystère pascal de Jésus vivent pleinement de ses fruits, lesquels sont destinés à atteindre leur pleine maturation dans la rédemption du corps humain. Quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le «Cantique des créatures» de saint François d’Assise (cf. Enc. Laudato Sì, n. 87). En ce monde, cependant, l’harmonie produite par la rédemption, est encore et toujours menacée par la force négative du péché et de la mort.

2. La force destructrice du péché

En effet, lorsque nous ne vivons pas en tant que fils de Dieu, nous mettons souvent en acte des comportements destructeurs envers le prochain et les autres créatures, mais également envers nous-mêmes, en considérant plus ou moins consciemment que nous pouvons les utiliser selon notre bon plaisir. L’intempérance prend alors le dessus et nous conduit à un style de vie qui viole les limites que notre condition humaine et la nature nous demandent de respecter. Nous suivons alors des désirs incontrôlés que le Livre de la Sagesse attribue aux impies, c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas Dieu comme référence dans leur agir, et sont dépourvus d’espérance pour l’avenir (cf. 2,1-11). Si nous ne tendons pas continuellement vers la Pâque, vers l’horizon de la Résurrection, il devient clair que la logique du «tout et tout de suite», du «posséder toujours davantage» finit par s’imposer.

La cause de tous les maux, nous le savons, est le péché qui, depuis son apparition au milieu des hommes, a brisé la communion avec Dieu, avec les autres et avec la création à laquelle nous sommes liés avant tout à travers notre corps. La rupture de cette communion avec Dieu a également détérioré les rapports harmonieux entre les êtres humains et l’environnement où ils sont appelés à vivre, de sorte que le jardin s’est transformé en un désert (cf. Gn 3,17-18). Il s’agit là du péché qui pousse l’homme à se tenir pour le dieu de la création, à s’en considérer le chef absolu et à en user non pas pour la finalité voulue par le Créateur mais pour son propre intérêt, au détriment des créatures et des autres.

Quand on abandonne la loi de Dieu, la loi de l’amour, c’est la loi du plus fort sur le plus faible qui finit par s’imposer. Le péché qui habite dans le cœur de l’homme (cf. Mc 7, 20-23) – et se manifeste sous les traits de l’avidité, du désir véhément pour le bien-être excessif, du désintérêt pour le bien d’autrui, et même souvent pour le bien propre – conduit à l’exploitation de la création, des personnes et de l’environnement, sous la motion de cette cupidité insatiable qui considère tout désir comme un droit, et qui tôt ou tard, finira par détruire même celui qui se laisse dominer par elle.

3. La force de guérison du repentir et du pardon

C’est pourquoi la création a un urgent besoin que se révèlent les fils de Dieu, ceux qui sont devenus “une nouvelle création” : «Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né» (2 Co5,17). En effet, grâce à leur manifestation, la création peut elle aussi «vivre» la Pâque: s’ouvrir aux cieux nouveaux et à la terre nouvelle (cf. Ap 21,1). Le chemin vers Pâques nous appelle justement à renouveler notre visage et notre cœur de chrétiens à travers le repentir, la conversion et le pardon afin de pouvoir vivre toute la richesse de la grâce du mystère pascal.

Cette“impatience”, cette attente de la création, s’achèvera lors de la manifestation des fils de Dieu, à savoir quand les chrétiens et tous les hommes entreront de façon décisive dans ce “labeur” qu’est la conversion. Toute la création est appelée, avec nous, à sortir «de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu» (Rm 8,21). Le carême est un signe sacramentel de cette conversion. Elle appelle les chrétiens à incarner de façon plus intense et concrète le mystère pascal dans leur vie personnelle, familiale et sociale en particulier en pratiquant le jeûne, la prière et l’aumône.

Jeûner, c’est-à-dire apprendre à changer d’attitude à l’égard des autres et des créatures: de la tentation de tout “dévorer” pour assouvir notre cupidité, à la capacité de souffrir par amour, laquelle est capable de combler le vide de notre cœur. Prier afin de savoir renoncer à l’idolâtrie et à l’autosuffisance de notre moi, et reconnaître qu’on a besoin du Seigneur et de sa miséricorde. Pratiquer l’aumône pour se libérer de la sottise de vivre en accumulant toute chose pour soi dans l’illusion de s’assurer un avenir qui ne nous appartient pas. Il s’agit ainsi de retrouver la joie du dessein de Dieu sur la création et sur notre cœur, celui de L’aimer, d’aimer nos frères et le monde entier, et de trouver dans cet amour le vrai bonheur.

Chers frères et sœurs, le «carême» du Fils de Dieu a consisté à entrer dans le désert de la création pour qu’il redevienne le jardin de la communion avec Dieu, celui qui existait avant le péché originel (cf. Mc 1,12-13; Is 51,3). Que notre Carême puisse reparcourir le même chemin pour porter aussi l’espérance du Christ à la création, afin qu’«elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, puisse connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu» (cf. Rm 8,21). Ne laissons pas passer en vain ce temps favorable! Demandons à Dieu de nous aider à mettre en œuvre un chemin de vraie conversion. Abandonnons l’égoïsme, le regard centré sur nous-mêmes et tournons-nous vers la Pâque de Jésus: faisons-nous proches de nos frères et sœurs en difficulté en partageant avec eux nos biens spirituels et matériels. Ainsi, en accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante.

Du Vatican, le 4 octobre 2018

Fête de Saint François d’Assise.

FRANÇOIS


 




AGENCY Zenit

MESSAGE OF HIS HOLINESS POPE FRANCIS

FOR LENT 2019


 

“For the creation waits with eager longing for the revealing of the children of God”
(Rom 8:19)

Dear Brothers and Sisters,

Each year, through Mother Church, God “gives us this joyful season when we prepare to celebrate the paschal mystery with mind and heart renewed… as we recall the great events that gave us new life in Christ” (Preface of Lent I). We can thus journey from Easter to Easter towards the fulfilment of the salvation we have already received as a result of Christ’s paschal mystery – “for in hope we were saved” (Rom 8:24). This mystery of salvation, already at work in us during our earthly lives, is a dynamic process that also embraces history and all of creation. As Saint Paul says, “the creation waits with eager longing for the revealing of the children of God” (Rom 8:19). In this perspective, I would like to offer a few reflections to accompany our journey of conversion this coming Lent.

1. The redemption of creation

The celebration of the Paschal Triduum of Christ’s passion, death and resurrection, the culmination of the liturgical year, calls us yearly to undertake a journey of preparation, in the knowledge that our being conformed to Christ (cf. Rom 8:29) is a priceless gift of God’s mercy.

When we live as children of God, redeemed, led by the Holy Spirit (cf. Rom 8:14) and capable of acknowledging and obeying God’s law, beginning with the law written on our hearts and in nature, we also benefit creation by cooperating in its redemption. That is why Saint Paul says that creation eagerly longs for the revelation of the children of God; in other words, that all those who enjoy the grace of Jesus’ paschal mystery may experience its fulfilment in the redemption of the human body itself. When the love of Christ transfigures the lives of the saints in spirit, body and soul, they give praise to God. Through prayer, contemplation and art, they also include other creatures in that praise, as we see admirably expressed in the “Canticle of the Creatures” by Saint Francis of Assisi (cf. Laudato Si’, 87). Yet in this world, the harmony generated by redemption is constantly threatened by the negative power of sin and death.

2. The destructive power of sin

Indeed, when we fail to live as children of God, we often behave in a destructive way towards our neighbours and other creatures – and ourselves as well – since we begin to think more or less consciously that we can use them as we will. Intemperance then takes the upper hand: we start to live a life that exceeds those limits imposed by our human condition and nature itself. We yield to those untrammelled desires that the Book of Wisdom sees as typical of the ungodly, those who act without thought for God or hope for the future (cf. 2:1-11). Unless we tend constantly towards Easter, towards the horizon of the Resurrection, the mentality expressed in the slogans “I want it all and I want it now!” and “Too much is never enough”, gains the upper hand.

The root of all evil, as we know, is sin, which from its first appearance has disrupted our communion with God, with others and with creation itself, to which we are linked in a particular way by our body. This rupture of communion with God likewise undermines our harmonious relationship with the environment in which we are called to live, so that the garden has become a wilderness (cf. Gen 3:17-18). Sin leads man to consider himself the god of creation, to see himself as its absolute master and to use it, not for the purpose willed by the Creator but for his own interests, to the detriment of other creatures.

Once God’s law, the law of love, is forsaken, then the law of the strong over the weak takes over. The sin that lurks in the human heart (cf. Mk 7:20-23) takes the shape of greed and unbridled pursuit of comfort, lack of concern for the good of others and even of oneself. It leads to the exploitation of creation, both persons and the environment, due to that insatiable covetousness which sees every desire as a right and sooner or later destroys all those in its grip.

3. The healing power of repentance and forgiveness

Creation urgently needs the revelation of the children of God, who have been made “a new creation”. For “if anyone is in Christ, he is a new creation; the old has passed away; behold, the new has come” (2 Cor 5:17). Indeed, by virtue of their being revealed, creation itself can celebrate a Pasch, opening itself to a new heaven and a new earth (cf. Rev 21:1). The path to Easter demands that we renew our faces and hearts as Christians through repentance, conversion and forgiveness, so as to live fully the abundant grace of the paschal mystery.

This “eager longing”, this expectation of all creation, will be fulfilled in the revelation of the children of God, that is, when Christians and all people enter decisively into the “travail” that conversion entails. All creation is called, with us, to go forth “from its bondage to decay and obtain the glorious liberty of the children of God” (Rom 8:21). Lent is a sacramental sign of this conversion. It invites Christians to embody the paschal mystery more deeply and concretely in their personal, family and social lives, above all by fasting, prayer and almsgiving.

Fasting, that is, learning to change our attitude towards others and all of creation, turning away from the temptation to “devour” everything to satisfy our voracity and being ready to suffer for love, which can fill the emptiness of our hearts. Prayer, which teaches us to abandon idolatry and the self-sufficiency of our ego, and to acknowledge our need of the Lord and his mercy. Almsgiving, whereby we escape from the insanity of hoarding everything for ourselves in the illusory belief that we can secure a future that does not belong to us. And thus to rediscover the joy of God’s plan for creation and for each of us, which is to love him, our brothers and sisters, and the entire world, and to find in this love our true happiness.

Dear brothers and sisters, the “lenten” period of forty days spent by the Son of God in the desert of creation had the goal of making it once more that garden of communion with God that it was before original sin (cf. Mk 1:12-13; Is 51:3). May our Lent this year be a journey along that same path, bringing the hope of Christ also to creation, so that it may be “set free from its bondage to decay and obtain the glorious liberty of the children of God” (Rom 8:21). Let us not allow this season of grace to pass in vain! Let us ask God to help us set out on a path of true conversion. Let us leave behind our selfishness and self-absorption, and turn to Jesus’ Pasch. Let us stand beside our brothers and sisters in need, sharing our spiritual and material goods with them. In this way, by concretely welcoming Christ’s victory over sin and death into our lives, we will also radiate its transforming power to all of creation.

From the Vatican, 4 October 2018,

Feast of Saint Francis of Assisi

FRANCIS