Voix d'Afrique N°46 Album de photos du centenaire

BURKINA FASO : Centenaire de l'Evangélisation



Le lundi 22 janvier 1900, monseigneur Hacquard fonde le premier poste de missionnaires de l'actuel Burkina Faso, à Koupéla. Parti de Ségou au Mali, il rejoint Koupéla où se trouvent depuis peu 4 pères blancs - les pères Lacroix, Canac et Menet et le frère Célestin - qui l'avaient précédé. Il est reçu par le chef de Koupéla qui lui indique où les pères blancs pourront s'installer. C'est là que se trouve l'actuel sanctuaire de Binatenga. Depuis ce jour, c'est une belle histoire missionnaire qui s'est écrite dans ce pays. L'église du Burkina a voulu célébrer le centenaire de cet événement par une année de fêtes et de célébrations.




Une reconstitution de la journée de 22 janvier 1900.

Cette commémoration du centenaire, a débuté par trois jours de célébrations à Koupéla, les 21, 22 et 23 janvier 2000. Le lundi 22 janvier 1900, vers 10 heures, sous le règne du Naaba Yir-bi, le Samand Naaba - premier dignitaire de la couronne - sortit à la rencontre des premiers missionnaires à Roambga, à 4 km de Koupéla sur la route de Ouagadougou. Le 21 janvier 2000, on fit la reconstitution 'grandeur nature' des événements, en "mimant", en quelque sorte, ce qui s'était passé cent ans auparavant. Les Pères Blancs - parmi lesquels le Supérieur Général et le Provincial du Burkina - sont là, à Roambga, en gandoura et burnous, avec une immense foule venue de tout le pays. Le Samand Naaba arrive à cheval avec son escorte. Celui-ci interroge les missionnaires et se fait expliquer les raisons pour lesquelles ils sont venus : "Nous sommes venus pour être vos amis et bienfaiteurs ; nous n'avons pas de soldats, nous ne comptons que sur Dieu et notre honnêteté, en attendant votre amitié". On offre l'eau de l'accueil - eau mêlée de farine de mil. Puis le Supérieur Général bénit la croix qui a été érigée sur la souche même du tamarinier où les missionnaires s'étaient abrités.


Puis à la suite du Samand Naaba, de son escorte et de deux Pères Blancs à cheval, le long cortège en liesse se dirige vers le sanctuaire de Binatenga, le lieu de la première mission. C'est alors la rencontre avec le jeune Chef de Koupéla en personne - actuel successeur du Naaba Yir-bi - et le même rituel d'accueil qu'à Roambga. Enfin, cette reconstitution s'achève par une petite célébration de la parole pendant laquelle nous entendons les témoignages d'un catéchiste et d'un abbé Burkinabè, le message des Pères Blancs à l'Eglise Famille du Burkina et enfin le message de l'évêque du lieu Monseigneur Séraphin Rouamba.


Des célébrations eucharistiques fastueuses et recueillies.
Les temps forts de ces journées furent les célébrations eucharistiques les soirs des 21 et 22 et dans la matinée du 23 janvier. Sur la grande place devant la cathédrale, on voit une assemblée de milliers de personnes à la fois recueillies et pleines d'enthousiasme et de joie. L'action de grâce s'exprime tantôt par le chant, la danse, les applau-dissements, les youyous, tantôt par l'écoute attentive de la parole et un profond silence recueilli. On admire la foi de ce peuple qui communie et participe à de longues célébrations : la plupart des gens sont debout, serrés les uns contre les autres. Dans leurs homélies, le Supérieur Général, Mgr Rouamba évêque de Koupéla et Mgr Compaore archevêque de Ouagadougou, ont montré comment Dieu a suscité des vocations de missionnaires pour aller porter la Bonne Nouvelle et comment Il a donné à des hommes et à des femmes de ce pays la volonté d'accueillir son Evangile et de recevoir sa propre vie. Le Père Richard le souligne ; "Ce que nous célébrons aujourd'hui ce n'est pas l'épopée d'une poignée de héros, c'est l'histoire d'un dialogue entre Dieu et les hommes".

L'Evangile annoncé aux pauvres.
Dans son témoignage, Monseigneur Yougbaré, évêque émérite de Koupéla, rappelle: "L'action en faveur de la promotion humaine est inséparable de l'apostolat; parce que celui-ci suppose l'amour et le service de l'homme tel qu'il est avec toutes ses légitimes aspirations. C'est ainsi que les missionnaires à Koupéla se sont tout de suite préoccupés d'améliorer les conditions de vie des habitants. Ils ont pris souci des malades, des pauvres, des laissés-pour-compte, des paysans, de l'éducation et de l'alphabétisation des jeunes, des problèmes économiques." On est dans l'admiration devant la foi simple des chrétiens venus participer à ces fêtes. Ils sont venus de très loin, de tout le pays. Beaucoup sont venus à pied, de 30 ou 50 km, marchant pendant toute la nuit. Il y a par exemple ce handicapé, venu de Tenkodogo à 50 km, actionnant sa petite voiture à la force de ses bras, et il n'est pas le seul dans ce cas. Il y a tous ces pèlerins venant régulièrement prier dans la cathédrale ou devant la grotte pendant la journée, entre les offices. Des pauvres qui viennent parler à Dieu, demander à Dieu, tout simplement. Cela rappelle l'Evangile, lorsque les foules se pressaient autour de Jésus.



Une Eglise Famille jeune et dynamique.

On peut mesurer le travail accompli par l'Esprit en cent ans. Le premier baptisé fut Alfred Diban, Bien qu'originaire du Burkina, il est venu de Ségou comme catéchiste, avec les premiers missionnaires. Puis, en 1905, 15 catéchumènes sont baptisés à Koupéla et 10 à Ouagadougou. Aujourd'hui on en compte plus d'un million. En 1930, la première religieuse Burkinabè fait profession chez les Sœurs de l'Immaculée Conception, congrégation fondée par Mgr Thévenoud. En 1942 les trois premiers prêtres sont ordonnés et le 25 février 1956, Monseigneur Dieudonné Yougbaré est ordonné évêque. Il sera le premier évêque d'Afrique Occidentale et premier évêque du nouveau diocèse de Koupéla.. Mgr Paul Zoungrana, archevêque de Ouagadougou depuis 1960, est créé Cardinal par le Pape Paul VI le 22 février 1965.

Aujourd'hui le pays compte plus de 900 religieuses et près de 520 prêtres, une centaine de frères. et plus de 2400 catéchistes. Les séminaires, grands et petits sont remplis. Chaque année, ce sont des milliers de baptêmes d'adultes. Pendant la messe du soir du 22 janvier, cent catéchumènes venus de tous les diocèses du pays reçurent le baptême. Le symbolisme fut d'autant plus fort qu'il y eut une panne d'électricité quand on leur remit la lumière. Seule la lumière des cierges des nouveaux baptisés éclairait dans la nuit la foule recueillie.


Joseph BARADUC

L'EGLISE FAMILLE DU BURKINA - UN POINT D'HISTOIRE

La préfecture apostolique du Sahara-Soudan a été érigée le 6 juin 1868 par le pape Pie IX et confiée au Cardinal Lavigerie avec le siège à Alger. Une fois à la tête de la Préfecture apostolique du Sahara, le Cardinal Lavigerie fonde deux sociétés missionnaires ; les Missionnaires d'Afrique (1868) et les Sœurs de Notre Dame d'Afrique (1869). En 1876 et 1881 deux équipes de missionnaires d'Afrique envoyées vers le Soudan, à travers le Sahara, sont successivement massacrées. Le 13 mars 1891 le Vicariat Apostolique du Sahara-Soudan fut érigé par le Pape Léon XIII. Le premier Vicaire Apostolique fut Mgr Toulotte. Il poursuit les efforts du Cardinal Lavigerie en envoyant des caravanes en Afrique subsaharienne par la voie du Sénégal. Les deux premières caravanes arrivent à Ségou (Mali) en 1895 et s'y installent. La troisième caravane parcourt Bamako et la Guinée.
La quatrième caravane, composée de pères et de sœurs, s'installe à Ségou et Kati. Mgr Hacquart est nommé deuxième Vicaire Apostolique le 5 février 1898. Il prend la tête de la cinquième caravane et fait de Ségou (Mali) sa résidence. Il entame sa première visite au Burkina en 1899 et visite essentiellement Ouagadougou. La deuxième donne l'occasion de fonder la mission de Koupéla le 22 janvier 1900. Mgr Bazin en 1901, puis Mgr Lemaître en 1910 succèdent à Mgr Hacquart. Le 2 juillet 1921 est érigé le Vicariat Apostolique de Ouagadougou.
Depuis ce temps, l'Église s'est développée et comporte aujourd'hui 11 diocèses : l'archidiocèse de Ouagadougou et les diocèses de Banfora, Bobo-Dioulasso, Diébougou, Fada n'Gourma, Kaya, Koudougou, Koupéla, Manga, Nouna Dédougou et Ouahigouya. Extraits du journal de Mgr Hacquart. Comme je viens de le montrer, le Naaba a dépouillé toute solennité, il vient à la mission en ami, cause sans réserve, demande des conseils et en donne; il conduit les pères à la chasse et leur fait tuer des lièvres; dans la vallée, non loin du marigot, il y va en bon propriétaire, nous prend en passant, et nous allons cueillir "une potée de haricots verts" ..Il nous initie à toutes les ressources du pays,,,.
Quant à l'oeuvre morale et religieuse, son succès est surtout le secret de Dieu, mais j'affirme qu'il n'est pas possible de trouver un chef et une population mieux disposés, avec toute la droiture et la sincérité qui les caractérisent; aussi, ne les ai-je pas quittés sans peine, et j'avoue sans rougir qu'en disant adieu au Naaba et à ses notables, à quelques kilomètres de Koupéla, il me fallut un réel effort pour empêcher mes yeux de se mouiller; j'avais le coeur gros.