Voix d'Afrique N°72

Mali :
Projet test de lutte contre la pauvreté à Bandiagara, et ouverture aux musulmans


P. Yves Pauwels, M.Afr Lorsque vous vous promenez dans les rues de nos villes et villages au Mali, vous verrez partout de nombreux enfants (garçons) mendier. Beaucoup d'entre eux proviennent des écoles coraniques. Ce sont des "écoles" où le marabout rassemble des enfants dans son vestibule ou dans sa cour et leur apprend par coeur les versets du Coran en arabe. La plupart du temps, ce sont les parents qui donnent l'enfant au maître coranique qui les accueille sans toujours pouvoir les nourrir. Alors, à certaines heures de la journée, ces enfants mendient leur nourriture, ce sont les "garibouts " (amis de Dieu).

Le marabout a droit de vie et de mort sur l'enfant. La punition corporelle ou autres mauvais traitements ne sont pas rares, ainsi que, pendant la saison des pluies, les travaux des champs. Ces enfants souffrent de la malnutrition, de la maladie, du manque d'affection de leurs parents, d'instruction scolaire, d'habillement convenable, de sandales. Souvent ils ne sont inscits sur aucun registre ni d'état, ni d'école. Les dernières années , à cause de la pauvreté croissante, ces "écoles" se sont multipliées beaucoup, et par conséquent les mendiants aussi. Car c'est vraiment l'école du pauvre.

Le gouvernement et les responsables musulmans, ainsi que l'Unicef et autres organismes, se sont penchés sur ce problème, sans trop de succès pour le moment.

Avec des amis musulmans, nous, les prêtres de la paroisse, avons voulu apporter un peu d'espoir à ces enfants.

Nous avons organisé 3 cantines dans la cour de leurs écoles. Ainsi 144 enfants ont à manger, 3 fois par jour, et ne doivent plus mendier. Si nous trouvons des habits d'enfants, nous leur donnons ; s'ils sont malades, ils peuvent aller au dispensaire se faire soigner. En plus, le 1er jour de chaque mois, nous organisons une émission de sensibilisation à la radio locale, faite dans les 4 langues locales (dogon, bambara, peulh et français) par des musulmans ouverts et qui veulent, avec nous, faire évoluer la situation. Les thèmes de ces émissions sont : la charte des droits de l'enfant, les méfaits de la mendicité, la pédagogie à avoir dans une école coranique, le devoir d'inscrire l'enfant au registre de la commune, de le soigner en cas de maladie, qu'il faut prévoir un avenir pour ces enfants et donc les former en conséquence. ...


Paroisse de Bandiagara en pays dogon : sortie de messe

L' objectif final serait que chaque enfant rejoigne une école et que ces écoles coraniques se transforment en "medersas"qui sont des écoles reconnues par l'état avec des maîtres formés, un programme officiel où l' Islam est aussi enseigné parmi d'autres matières. Il paraît que cela s'est fait en Mauritanie et qu'il n'y a plus de garibouts mendiants.

En plus, dans notre collège catholique, allant de la 1° année jusqu'à la 9°, nous avons 60 % des élèves (garçons et filles) qui sont musulmans. La catéchèse y est assurée pendant les heures de cours pour les élèves chrétiens. Nous envoyons les élèves musulmans à la bibliothèque pendant ce temps là..

Après tout ce qu'on entend dans le monde, dorénavant, nous avons préféré donner en même temps que la catéchèse un cours sur l'Islam pour les musulmans. Ce cours est donné par le professeur d'arabe du lycée de Bandiagara à tous les élèves musulmans ( garçons et filles) ensemble dans une grande salle. Nous lui avons posé deux conditions : qu'il le fasse gratuitement comme nos catéchètes le font et qu'il promeuve parmi les élèves la tolérance et le respect des autres religions. Sans problèmes, a t-il dit.

Ainsi nous avons créé un espace où chaque élève peut se développer selon sa foi dans le respect mutuel. Nous espérons ainsi préparer des hommes et femmes tolérants et pacifiques qui pourront lutter contre l'agressivité et la violence qui souvent naissent de l'ignorance.

Notre pèlerinage paroissial et annuel avait comme thème cette année : "l'enfant". Ce pèlerinage a rassemblé jusqu'à 2000 personnes , dont beaucoup sont musulmans. Nous y avons présenté un théâtre sur le trafic d'enfants, la charte des droits des enfants expliquée, des textes de la Bible (sacrifice d'Issac et autres) mettant en avant l'amour et le repect de l'enfant (enfant à naître aussi ).

A Pâques le maire de la ville, Mr. Ibrahim Tembely, nous a adressé une lettre nous souhaitant une bonne fête de Pâques dans laquelle il nous a félicités pour l'entente et la tolérance que nous mettons entre les populations de sa Commune.

Bandiagara, mai 2006,
P. Yves Pauwels, M.Afr

 

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