Missionnaires d'Afrique
FranceArmand Duval, 60 ans de serment, aumônier à St Malo
Une plume
....... au service
............... de lévangileJe me revois dans la chapelle de Thibar, lieu de tant de bons souvenirs ; nous étions, je crois, trente-trois, une grande feuille de papier en main. Lun après lautre, devant le bon Père Marius Aeby, nous lûmes, certains dune voix forte et assurée, dautres dun ton plus timide et parfois mouillé, la formule du serment Missionnaire : En présence de mes frères assemblés et de vous, Père... Moi,... fais serment sur les Évangiles... Et nous montâmes à lautel pour y signer la promesse. Cétait le 27 juin 1952...
Soixante ans après, je serais tenté décrire ce que jai noté sur maintes copies de mes élèves, ici ou là : aurait pu mieux faire... Mais on ne ma pas demandé un examen de conscience, sinon mes sentiments, alors que déjà plus de la moitié de notre groupe a rejoint la maison du Père. Ce Père du ciel si bien décrit par Péguy : Ils sont les frères de mon Fils, ils sont mes enfants, je suis leur père. Notre Père qui êtes aux cieux. Mon fils leur a enseigné cette prière. Sic ergo vos orabitis. Vous prierez donc ainsi. Notre Père qui êtes aux cieux, il a bien su ce quil faisait ce jour-là, mon fils qui les aimait tant. Qui a vécu parmi eux, qui était un comme eux.
Qui allait comme eux, qui parlait comme eux, qui vivait comme eux. Qui souffrait. Qui souffrit comme eux, qui mourut comme eux. Et qui les aime tant les ayant connus... Et plus loin : On sait assez comment le père a jugé le fils qui était parti et qui est revenu, cest encore le Père qui pleurait le plus. Quoi de plus consolant !
Avant de quitter Carthage, javais postulé Bamako ou Ouagadougou. Ce fut Strasbourg et la liste est longue des pays et postes où je suis passé depuis : Bonnelles, Logroño, Kasongo, un intermède au Burundi, Bagira, Murhesa, Jérusalem, Mugeri, Paris et Peuples du Monde, Murhesa et Bagira de nouveau, Bukavu, Queretaro, Madrid, Verrières-le-Buisson, et, hors communauté, à Dinard et Saint-Malo...
On dirait un mauvais élève passant de collège en collège au grand désespoir de ses parents. Professorat, aumôneries, gratte-papier, jaurai tout fait, sauf, à mon grand regret, ce dont je rêvais en signant sur lautel de Thibar : les tournées en brousse, la formation de base des catéchumènes et des chrétiens ; je me console en me rappelant ce que le Père Casthelain, notre doyen à Bonnelles, disait, tout en soignant ses abeilles, aux jeunes que nous étions : Un bon Père Blanc doit être capable de faire nimporte quoi, nimporte où, nimporte quand, quitte à le faire nimporte comment.
Une constante dans sa vie: lécriture
Il y eut tout de même une constante dans ce long défilé de postes, et ce fut lécriture. À Bonnelles déjà, le Père Laridan nous demanda un jour décrire, pour les éditions Casterman, de courtes biographies de missionnaires, sortes dalbums illustrés pour enfants. Me souvenant davoir postulé Ouagadougou, je choisis le Père Goarnisson, le Docteur Lumière. Professeur à Murhesa, je collaborais régulièrement à la Revue du Clergé Africain et à Jésus-Caritas.
Plus tard, directeur du Centre interdiocésain de pastorale, catéchèse et liturgie, à Bukavu, je fus amené à composer des catéchismes et autres brochures en swahili, avec laide des Surs Carmélites Missionnaires Thérésiennes. Cest à cette époque quà la demande du Conseil Général, jécrivis à Rome le petit livre Ta Loi, je la médite, dont je ne sus jamais quel accueil il avait reçu.
Mais ce fut la rencontre de ces Surs Carmélites, congrégation espagnole, qui mamena, ces 25 dernières années, à me consacrer presque exclusivement à lécriture. Jétais revenu déprimé du Mexique et, durant deux ans, je fus accueilli chez elles, à Barcelone, pour achever des biographies de leur Fondateur et dune de leurs Surs, Fécondité de léchec, Sentinelle aux avant-postes, Semeuse de Paix, et la traduction et publication dÉcrits de ce Fondateur, dont son Mois de Marie, fleurs du mois de mai, des travaux commencés au Mexique.
Cela me remit en selle, si bien que le Provincial dEspagne minvita un jour à rejoindre Madrid pour relancer la revue de la Province, abandonnée depuis quinze ans. Ce fut Africana qui, avec la collaboration des Surs Blanches, a pris, depuis, un bel essor, devenant, me semble-t-il, un des fleurons de la presse missionnaire africaine. Cétait en 1988-1989.
Quand des soucis familiaux mincitèrent à rentrer en France, on my proposa le poste daumônier de lhôpital de Dinard, ville où résidait ma mère et une partie de la famille. Jy demeurai 8 ans et demi, bien intégré à la pastorale du doyenné, et chargé plus particulièrement de celle de la santé. Quand le Seigneur rappela ma mère, en 1996, le Père François Richard, alors provincial, me demanda de prendre en charge laumônerie de la maison de retraite des Surs Blanches, à Verrières-le-Buisson, où je fus pratiquement seul durant trois ans. Années fécondes, car au ministère près des Surs sajoutaient la visite de plusieurs autres maisons de retraite et une aide à la paroisse voisine de Massy.
Malgré tout, javais des temps libres, je fis la connaissance des maisons dédition Médiaspaul et François-Xavier de Guibert, et cest alors que jentrepris de publier ce qui me trottait par la tête. Je commençai par une adaptation de Ta Loi, je la médite pour le grand public, en basant le texte, non plus sur les Constitutions Pères Blancs, bien sûr, mais sur le Catéchisme des Adultes : ce fut Venez vous nourrir à ma table. Le curé de Dinard mayant confié les enterrements (environ 80 par an), puisque je connaissais dordinaire les défunts, visités à lhôpital, et leurs familles, je publiai dans la foulée un recueil de célébrations et homélies dobsèques, Dieu plus fort que la mort, constamment réédité et augmenté depuis 1999.
Le témoignage de martyrs en Afrique
Comme javais écrit une courte biographie, LÉvangile de Quim, de mon ami Joaquim Vallmajo, assassiné au Rwanda, le Père Richard me demanda de faire quelque chose pour les autres Pères qui avaient donné leur vie aussi pour lAfrique, à Tizi-Ouzou et au Rwanda : ainsi sortit Cétait une longue fidélité. Dès lors, les éditeurs se firent demandeurs et parurent, au fil des ans, la vie du Père Lourdel, une présentation dEtty Hillesum, de courtes biographies de chrétiens africains : Baba Valentin Bashige et le catéchiste pionnier Yohana Kitagana.
Et, lorsque le diocèse de Rennes me proposa laumônerie chez les Petites Surs des Pauvres de Saint-Servan, à dix kilomètres de Dinard, jacceptai loffre. Car, dans les maisons de retraite, hôpitaux ou cliniques, on ne peut faire de visites le matin, réservé aux soins ; alors, levé à 5 h, je dispose de temps libre et, la plume me titillant toujours, jai tout le temps décrire.
Car en 12 ans, ici, on ne ma pratiquement jamais demandé daide dans les paroisses, pas même pour la semaine missionnaire : jen ai souffert, puis en ai pris mon parti. Jen profite pour soigner davantage offices et prédications dans la chapelle de notre maison, car je sais que des gens y viennent -et certains me le disent-, parce quils apprécient la nourriture spirituelle que nous sommes en mesure de leur donner, nétant pas surchargés de besogne comme un curé aux multiples clochers.
Je nai certes pas abandonné les Carmélites Thérésiennes, traduisant leurs Constitutions, leur Directoire et autres documents officiels, la totalité des Écrits connus de leur fondateur, les quatre gros volumes de lHistoire de leur Congrégation, rajeunissant aussi plusieurs biographies Le bienheureux Francisco Palau et La vénérable Teresa Mira : ce faisant, je travaille pour leurs Surs africaines, aujourdhui constituées en Province autonome, et ignorant, pour beaucoup, lespagnol et le catalan : jy vois un modeste service de lAfrique. En vue des JMJ de Cologne, javais préparé 50 courtes biographies de jeunes jocistes, scouts, séminaristes... Missionnaires et Martyrs, partis pour le STO durant la guerre et morts dans les camps dextermination, en raison de leur foi : le livre parut malheureusement trop tard.
Pour le public français se sont ajoutés quelques titres que je nose qualifier de spiritualité, même si je me suis évertué à y faire passer ma foi, mon idéal chrétien : Avant tout la Prière, Oui, jaime lÉglise, Le disciple que Jésus aimait, Propos dun curé impertinent, et diverses traductions douvrages espagnols pour le compte des Éditions Médiaspaul.
Enfin sortirent aussi les trois volumes dhomélies ou méditations pour les dimanches et fêtes des trois années liturgiques : Proclame la Parole, Néteignez pas lEsprit, Il est passé faisant le bien. Je les publiai parce que, très souvent, on me demandait le texte de lhomélie à la fin des célébrations. Bien que je fasse ici beaucoup plus dobsèques que de mariages ou de baptêmes, en 2011, toujours dans le souci de procurer des idées à des pasteurs débordés, jai ajouté un petit recueil de célébrations et homélies de mariage : Homme et femme, Il les créa.
En ce moment traîne encore chez léditeur un manuscrit dont jignore sil verra le jour, car les temps sont durs pour lédition religieuse en notre époque de sécularisation.
Cet apostolat du livre fut-il fructueux, voire utile ? Je ne sais. Parfois, une lettre ou une recension favorable me font penser que je ne perds pas mon temps, même si cela napporte pas le réconfort dun contact personnel avec les gens. Était-ce là ma vocation dans la Vocation ? Dieu seul le sait. Curieusement, après tant dannées solitaires, cest grâce à nos frères défunts que mon lien avec la Société est resté très étroit : on ma souvent demandé, depuis quelques années, de rédiger des notices nécrologiques.
Jen suis reconnaissant aux Supérieurs, car que de découvertes admiratives cela ma valu, qui mont conforté dans ma vocation ! On a le droit dêtre fier de ce qui se fait dans la famille, même si on y a peu contribué. Dire dailleurs que je nai pas gardé la nostalgie de lAfrique, du Congo, serait mentir : jy suis retourné, pour des conférences, en 1988 et en 2007.
Mais ce fut plutôt une souffrance : celle de voir ce beau pays ruiné par les guerres continuelles ; et y retrouver les confrères courageux qui, eux, durent là-bas, malgré tout, me mit quelque peu mal à laise. Cest ici que tu devrais être, pensais-je durant ces courts séjours. Je promets et jure.. (Const. N° 54) : Ai-je bien servi lAfrique comme Jésus lattendait de moi en mappelant ? Lancinante question ! Jespère quil maccueillera tout de même avec la miséricorde de ce Père quil nous a décrit si aimant.
Armand Duval
Voir aussi la page web avec ses livres
Interview d'Armand Duval dans "Voix d'Afrique" N° 51 Juin 2001